jeudi 20 décembre 2007

Saine violence

J'ai beau me considérer comme fondamentalement pacifiste, je trouve que la violence est, d'une manière générale, beaucoup trop décriée dans nos sociétés prétendument civilisées. Elle est pourtant indissociable de notre histoire humaine, son recours fait partie de ce qui distingue un être humain d'un robot et la diversité de ses formes est un des éléments qui nous distinguent des animaux.
Où est passé le temps où violence rimait avec noblesse ? Où sont-ils ces solides vikings qui ne gagnaient le valhalla qu'en succombant sur un champ de bataille, l'épée couverte du sang de leur ennemi ? C'est au combat que les quelques Romains dont l'Histoire a gardé trace ont gagné leur honneur. C'est par les duels que les aristocrates de la Renaissance défendaient le leur. Les chevaliers se créaient une réputation de batailles en tournois, et tous ces généraux et maréchaux dont nos rues portent le nom n'ont cueilli la gloire que sur le sentier de la guerre.
La violence est tellement humaine que j'estime qu'elle a droit, comme en théorie la plupart des êtres humains, à un procès équitable avant d'être condamnée. Pour la suite de cet article, je serai son juge, laissant la parole tantôt à sa défense, tantôt à son accusation. Je te laisse le rôle du juré pour lui rendre, en ton âme et conscience, ce qui, selon toi, doit être sa juste sentence.

Une brève analyse, peut-être incomplète du fait de sa rapidité et du manque d'occasion que j'ai eu d'y revenir, m'a permis de classer les motivations des comportements violents en cinq grandes catégories : la défense, la domination, la résolution des problèmes, la vengeance, et la violence gratuite pour le plaisir.
Évidemment, un même acte de violence peut tout-à-fait relever de plusieurs, voire de toutes ces catégories. Néanmoins j'ai beau me creuser le citron, je n'arrive pas à en concevoir un qui ne soit motivé par aucune d'entre elles, sauf peut-être la violence involontaire et inconsciente qui, en tout état de cause, n'a pas de motivation.

Les réactions violentes de défense me semblent les plus justifiables et, en un sens, les plus nobles, surtout quand il s'agit de défendre quelqu'un d'autre. Elles ont un caractère immédiat, une origine instinctive due à d'évidents mécanismes évolutifs de survie. Une violence préméditée pour se défendre entre plus dans le cadre d'une résolution de problème.
On en trouve de toutes sortes et on pourrait les diviser en de nombreuses sous-catégories suivant la nature de l'agression subie : morale ou physique, volontaire ou non, dirigée vers un tiers ou vers soi-même.
Evidemment, il est beaucoup moins noble et justifié de réagir violemment à une attaque morale involontaire sur sa personne qu'à une attaque physique sur une personne qu'on aime. Seulement voilà, la violence de défense n'est pas forcément raisonnée et le contrôle qu'on a dessus ne dépend pas vraiment de notre bon sens. C'est une pulsion, qui va être plus ou moins maitrisée selon les individus et les situations. On ne réagit pas tous de la même façon à un stimulus lambda. Même un individu donné ne gèrera pas sa réaction de la même façon pour un même stimulus selon le contexte.
A vrai dire, elle peut reposer sur tellement de facteurs, et être d'une telle complexité, qu'il ne me parait pas possible de rendre mon verdict de manière générale. Elle doit être jugée au cas par cas, selon le contexte et des critères d'ordre moraux qui dépendent de chacun. Mais quel que soit sa cause ou son degré d'exagération, elle reste naturelle et normale.

La violence de domination est un cas beaucoup plus simple. Tout comme la violence de défense, c'est un comportement instinctif, qu'on retrouve chez l'animal et qui découle de mécanismes évolutifs évidents : le mécanisme de survie de défense du territoire et des mécanismes de reproduction, avec en tête la notion de mâle (voire de femelle) dominant(e).
Contrairement à la violence défensive, la violence de domination n'a plus sa place dans la société. Nous avons aujourd'hui des avocats et des notaires qui se chargent pour nous d'établir, via des certificats de propriété, les limites de notre territoire. Quant à la reproduction, la diversité et la mobilité des populations actuelles remplacent avantageusement le concept de mâle dominant dans la prévention des tares consanguines.
La violence de domination est généralement un comportement propre à un individu : "on l'a ou on l'a pas". L'exemple typique en est le cas du looser qui bat sa femme ou ses gosses, ou encore celui du caïd qui sème la violence et la peur dans le seul but de se voir témoigner la feinte d'un respect simulé. Elle ne sert qu'à rabaisser l'autre au profit de sa propre estime.
Ma sentence sera simple : l'inadaptation doit entrainer l'extinction. On pourrait craindre qu'au vu du nouveau fonctionnement de la justice évolutive humaine (cf mon article Évolution), cette décision ne soit annulée en appel. Mais j'aime à croire que, comme nombre de tares génétiques, l'expression de la violence de domination nécessite certains stimulus environnementaux, et qu'il nous sera peut-être un jour possible de l'éradiquer.

Quoiqu'en disent tous nos vieux adages, dont tu dois aujourd'hui deviner tout le bien que je pense, la violence règle des problèmes. Pensez au nombre de gens qui se brouillent chaque jour avec un ami pour un outrage quelconque ou un malentendu ridicule. Ne serait-il pas plus simple et même plus sain, plutôt que de s'enfermer dans l'adversité, la rancœur et même la haine pendant des années, qu'ils laissent leurs poings parler une dizaine de minutes.
Quoiqu'on en dise, la violence soulage, apaise les frustrations et aide à relativiser les problèmes. Bien sûr, il est moins dangereux de régler les conflits sur un terrain d'athlétisme ou par une partie de belotte, mais cela n'apaise pas les pulsions physiques dont notre statut d'humain nous tient prisonniers.
Je parle ici exclusivement de la violence de résolution des problèmes, qu'il s'agisse d'un différend entre amis, de la reconquête d'un bien ou d'un territoire extorqué ou d'éloigner de sa belle un soupirant inopportun (ou éloigner de son homme une aguicheuse débridée selon ton sexe, ou n'importe quelle autre combinaison selon ton orientation sexuelle).
On retrouve également cette violence chez les animaux, mais de manière moins marquée. En effet, les carnivores y ont recours pour se nourrir (ce qui occupe tout de même le plus clair de leur temps) et la plupart des autres animaux pour la défense du territoire (qui est également un mécanisme de défense et de domination).
Nous en avons aussi l'usage dans ces optiques, mais pas seulement. J'ai cité, en début de paragraphe, la plupart des exemples qui me sont venus en tête, mais il en reste trois assez imagés qui illustrent bien un autre aspect de la résolution humaine des problèmes par la violence. Ceux-ci me paraissent cependant beaucoup moins bénéfiques que les précédents. Le premier, c'est la mafia et le grand banditisme en général, qui gère par la violence et impose ses règles, son code moral et son ordre par la violence, mais tue aussi parfois sans animosité ni menace immédiate, juste pour les affaires, par commodité. Le second, c'est le terrorisme. Le troisième exemple, c'est l'ensemble des châtiments corporels, de la torture au fouet, en allant jusqu'à la peine de mort.
Mon jugement sur cette forme de violence sera donc en trois parties.
Les vieilles survivances instinctives n'ont pas plus leur place dans le monde actuel que la violence de domination, et ont causé bien assez de guerres et de disparitions d'espèces animales. Nous pouvons aujourd'hui nous en passer. Je ne parle évidemment pas ici de l'abattage des animaux qui, quoiqu'en disent nos amis végétariens, n'a aujourd'hui plus grand chose à voir avec de la violence, mais nous avons eu notre quota de guerres de territoires et la chasse, même pour se nourrir, mérite de rester réglementée.
La violence pour contrôler ou imposer sa volonté est condamnable, mais c'est bien souvent un moyen efficace d'arriver à ses fins. Le débat autour de ce point particulier serait trop épineux pour que je rende mon verdict ici.
Et enfin, je propose une mise à l'épreuve pour la violence dans la résolution de certains conflits.

La vengeance est une forme de violence typiquement humaine, les animaux n'ayant pas ce genre de préoccupations. Elle n'est donc pas réellement instinctive, mais peut se manifester aussi bien de manière brutale et soudaine que froide, mure et réfléchie, telle qu'on la dit meilleure.
Même si elle a un côté noble - l'image du vengeur masqué réparant les injustices et traquant sans répit le meurtrier de sa bien-aimée n'a pas vraiment déserté l'inconscient collectif - la vengeance n'est globalement que nuisible. Elle est en effet la seule responsable du cycle sans fin de violence, du fait que la violence engendre la violence.
Je le sais pour l'avoir expérimenté par moi-même, toute la littérature moralisatrice qui veut que la vengeance n'engendre pas de satisfaction est complètement à côté de la plaque. La vengeance apporte une grande satisfaction et une certaine estime de soi. Mais c'est en fait la satisfaction du devoir accompli, qui peut être obtenue de bien d'autres manières plus constructives.
Son seul aspect positif, qui est quand même loin d'être négligeable, c'est que sa considération permet de maintenir l'ordre. C'est aussi par peur de représaille que ceux qui nous entourent restent corrects envers nous et ne s'aventurent pas à tenter de nous léser.
Je ne condamne pas la vengeance; bien que nuisible, elle est souvent légitime. Je me contenterai donc de penser que nous pourrions avantageusement nous en passer.

Le dernier cas est extrêmement particulier, en ce qu'il n'a rien de naturel. C'est à la fois un comportement exclusivement propre à l'être humain et le seul type de violence qui soit parfaitement inhumain. Il s'agit du sadisme.
La violence pour le plaisir est uniquement le propre du pervers et du psychopate. Les autres motivations sont typiquement humaines et nous les éprouvons tous (à l'exception sans doute de la domination, qui reste tout de même indéniablement naturelle), qu'elles finissent par nous mener à la violence ou non.
Il y a de nombreux cas où la violence nous procure du plaisir, mais ça reste toujours indirect : ça renforce notre propre estime avec l'impression d'être un gros dur, l'acte physique de frapper (voire de tuer) nous soulage, ainsi que la satisfaction d'avoir infligé un châtiment mérité. Mais ce n'est normalement pas la violence en elle-même qui nous plait, pas le fait d'avoir infligé de la souffrance pour l'infliger. Ce type de satisfaction n'a rien de naturel, rien d'humain.
La violence pour la violence, par pur plaisir, est relativement rare par rapport aux autres mais relève réellement de l'anormalité et de la pathologie psychologique. Je la condamne évidemment, sans toutefois arriver à en vouloir à ceux qui la dispensent : les pauvres ne sont bien souvent pas responsables de leurs pulsions et de leur nocive anormalité.

Bref, pour conclure cet article, disons juste que se contenter de condamner la violence quelles que soient les circonstances est trop simple. Il existe des violences saines qui permettent de réconcilier notre conscience d'être humain civilisé et nos pulsions d'être humain tout court. Bien sûr, il faut apprendre à la maîtriser. La violence ne devrait jamais servir de prétexte à la lâcheté, pas plus que le pacifisme d'ailleurs.

samedi 15 décembre 2007

Pirates

Déjà à l'époque de la sortie de l'enregistreur cassette audio, on a beaucoup crié au scandale. Puis est arrivée l'ère des graveurs, où le piratage s'est étendu de la musique au jeu vidéo. On a encore fait couler beaucoup d'encre sur ces malversations qui, même restant marginales, ouvraient des fenêtres bien gênantes au goût des industries concernées. Il faut croire que c'était plutôt à bon escient, dans la mesure où ces évènements préfiguraient effectivement l'avènement du vrai grand ennemi : le téléchargement.
Napster fut le coup de pied dans la fourmilière, chacun pouvait y télécharger gratuitement toute la musique qu'il voulait. C'était aussi l'époque de la naissance de l'ADSL, des premières connections par câble et du forfait AOL illimité. Les modems 56k chauffaient sous la charge des données illégales. Les chiffres d'affaires des maisons de disques restaient sensiblement les mêmes, néanmoins un front de résistance composé d'artistes milliardaires en baisse dans les charts et cherchant un bouc-émissaire à charger pour leur échec partit à l'assaut du réseau pirate. Mais tel l'Hydre de Lerne, du coup tranché de Napster sortirent une multitude de nouvelles têtes. Il était trop tard pour tuer le piratage, et au lieu de l'affaiblir, les artistes lui avaient fait la publicité qui lui manquait pour se répandre partout.
Puis les chiffres des maisons de disques ont commencé à baisser pour de vrai, on a passé toutes sortes de lois mais rien n'a vraiment changé.

Je ne te le cacherai pas, je suis moi-même un gros téléchargeur de musique, dans un milieu musical underground où les labels ferment les uns après les autres et où le piratage est donc assez mal vu. J'en suis même venu à culpabiliser au point de cesser pour un temps presque toute activité de téléchargement musical. Puis je me suis mis à réfléchir et à voir les choses sous un angle tout à fait différent que je vais tenter de te faire partager.

La question de base que je me suis posé est simple : A qui le téléchargement nuit-il ?
Les premiers auxquels on pense sont bien entendu les artistes. Pourtant on oublie trop souvent de préciser que, mises à part les quelques stars riches à millions qui ont eu l'opportunité au cours de leur carrière d'user de leur notoriété pour renégocier avec leur maison de disque un contrat intéressant, les artistes touchent très peu d'argent sur leurs ventes de disque. Et quand on n'a pas affaire à une grosse major-sangsue qui leur offre le choix entre l'anonymat et un contrat de 15 albums presque gratuits, on a tombe sur un petit label honnête qui perd de l'argent sur nombre de ses productions et qui, pour des raisons de survie, ne peut pas se permettre d'offrir aux groupes qui marchent mieux une rémunération au niveau de leurs ventes.
On peut donc considérer que la nuisance apportée aux artistes à ce niveau est assez minime. En revanche, le téléchargement gratuit permet aux gens d'être en contact direct avec la production artistique. Les groupes touchent donc plus de gens qui, même sans avoir acheté légalement leurs albums, deviennent des fans, vont aux concerts, achètent les produits dérivés. Je ne crois pas qu'il y ait eu de statistique sur ce point mais je suis persuadé que les ventes de places et le merchandising ont dû exploser pour bon nombre de groupes pendant que leurs ventes d'albums baissaient. Et un tee-shirt, ça coûte moins cher à fabriquer qu'un album pour le même prix de vente, c'est des sous directement dans la poche des groupes et en plus ça fait de la pub.
Je pense que dans l'ensemble, les artistes, à part quelques multi-millionnaires déjà connus de tous et qui ne sont sans doute pas pour autant tombé dans la misère, ont plus bénéficié de l'avènement du téléchargement illégal qu'ils n'en ont pâti.

Ha oui mais dans les maisons de disque ça fait des ravages. Effectivement, de nombreux labels ferment, les résultats des majors ont largement reculé, l'industrie du disque ne va pas bien.
Mais a-t-on vraiment besoin des maisons de disque ? Je sens que je soulève un point sensible, mais avant de t'indigner et de décider pour de bon que cette fois je dois vraiment être un sale con, laisse moi le temps de développer.
Je suis conscient de l'importance du travail d'un label pour un groupe : s'occuper de l'enregistrement, de la distribution, de la promotion... Mais en a-t-on toujours besoin aujourd'hui ?
Nous vivons une époque où quasiment n'importe qui peut s'équiper, pour un coût parfois même inférieur à celui de ses instruments de musique, d'outils lui permettant de réaliser des enregistrements d'une qualité bien supérieure à ce que rendait du matériel professionnel il y a une vingtaine d'années. Les Beatles ou les Stones ont enregistré leurs albums les plus mythiques sur des 8-pistes magnétiques. On a aujourd'hui, pour quelques centaines d'euros, des enregistreurs 48-pistes numériques avec la possibilité de gérer tous les traitements imaginables via l'informatique. Il n'a jamais été aussi facile et bon marché de produire un enregistrement de qualité.
Quant à la distribution et la promotion, ne peut-on pas tout simplement laisser faire Internet et le bouche à oreille. Si la qualité musicale dans la composition et l'exécution est vraiment au rendez-vous, l'artiste a aujourd'hui à sa disposition des moyens de diffuser sa musique simplement dans le monde entier et pour un coût quasiment nul.

Imagine ça deux minutes : un monde dans lequel l'écoute de la musique serait totalement gratuite, où ce ne serait plus les grosses majors qui imposeraient ses goûts à la populace à coup de promo-bulldozer et de passages radio incessant, où le premier critère de popularité d'un groupe ne serait plus la pub dont il a fait l'objet mais la qualité de son œuvre. On ne paierait plus que pour voir sur scène les groupes qu'on a adoré découvrir gratuitement sur son PC (et il y en aurait sans doute beaucoup plus puisqu'on n'aurait pas à se délester de 15€ par album jusqu'à en trouver un qui nous plaise vraiment).
Ceux qui n'ont pas Internet et les aficionados du support CD ne seraient pas forcément en reste pour autant ; ça ne marquerait pas nécessairement l'arrêt de mort des disquaires. On pourrait facilement mettre en place un système d'albums virtuels, comme c'est le cas pour les billets de concert à l'heure actuelle. Le vendeur pourrait télécharger gratuitement l'album et sa jaquette dans un format prévu spécialement pour une machine à CD qui ressembleraient aux imprimantes à tickets actuelles, continuer à jouer son rôle de conseiller et vendre un produit considérablement moins cher tout en augmentant ses marges. Cela réglerait même le problème des écarts constatés entre la grande distribution et les vendeurs indépendants, que ce soit en terme de marges ou d'ampleur du catalogue.
Un tel monde est totalement accessible et se passerait très bien des labels et maisons de disques. Aussi utiles qu'ils aient été, je ne peux m'empêcher de penser qu'on serait mieux sans eux maintenant que le support est gratuit, que la communication est facile et l'enregistrement bon marché.

Cette réflexion peut aussi s'appliquer à d'autres domaines, comme le piratage des séries télévisées en constante augmentation. Les chaînes qui les produisent n'ont-elles pas intérêt, plutôt que de gaspiller des moyens à faire la guerre au piratage, à proposer elles-mêmes le téléchargement ou un visionnage en streaming haute qualité de ces mêmes séries en y incluant les même publicités qu'à la télé, comme l'a déjà fait la chaine ABC ? Les gens feront vite le choix de supporter trois minutes de publicité plutôt que de passer par le téléchargement illégal, plus difficile d'accès.

Je pense que ce que nous prenons à l'heure actuelle comme du piratage et du vol n'est en fait que l'aube d'une révolution culturelle (pas au sens communiste du terme attention !). Le support virtuel gratuit et l'incessante augmentation des débits de l'Internet libéralisent totalement notre accès à la culture. Tout ce qu'il nous manque désormais, c'est la volonté de supprimer les intermédiaires dépassés et la capacité d'accepter que le gratuit peut, à sa façon et au moins dans ce domaine, générer autant de profits que le tout-payant, et ce pour tout le monde.

mercredi 28 novembre 2007

Tout le monde se plaint

C'est un des domaines dans lesquels les Français sont particulièrement performants, se plaindre. Je ne sais pas à quel point c'est vrai dans les autres pays, mais tu reconnaitras que nous autres Français sommes extrêmement doués lorqu'il s'agit de trouver un sujet de complainte. On est les champions du monde incontestés de la grève. D'ailleurs qui voudrait contester un titre pareil ? Même les grévistes les plus acharnés clament haut et fort, et peut-être même de bonne foi, ne pas aimer la grève.

Passons outre les professions les plus évidemment admises comme pénibles : maçon, pêcheur, boulanger, docker, infirmière libérale etc. Contentons-nous juste de noter brièvement au passage que ce ne sont d'ailleurs pas forcément ceux qu'on entend le plus se plaindre, tout du moins à la télé et dans les journaux.
Mais va parler de son boulot, par exemple, à un prof. Il t'entretiendra longuement de ses corrections de copie, de la préparation de ses cours qui lui mange toutes ses prétendues vacances, de l'indifférence, du mépris et même de la violence de ses élèves.
Montre de l'intérêt pour son travail à un cheminot, il t'expliquera tout de la pénibilité d'être mobilisable 24h sur 24 pour devoir voyager et parfois rester loin de sa famille, de sa responsabilité quant aux passagers de son train et des accidents de voie qui prolongent un trajet bien au-delà des prévisions.
Un flic te rabâchera ses histoires de pavés dans la gueule et de conflits permanents avec les jeunes des cités, un jeune des cités te sortira le couplet sur les contrôles incessants et les passages à tabac sans raison.
L'artisan ou le patron te détailleront le sens des mots charge de travail, responsabilité, risque et pression, sans doute aussi bien d'ailleurs que le cadre qui ramène chaque soir chez lui des piles de dossiers.
Même les vedettes de sport ou de cinéma se plaignent sans arrêt d'être harcelés par les paparazzi, ou même tout simplement par leurs fans.
Je m'arrête là pour l'instant, mais je me porte garant du fait que, quel que soit le boulot ou la situation, en demandant à la bonne personne, tu recueilleras sans peine toutes sortes de lamentations.

Attention, je te vois encore commencer à mal interpréter mes propos. Je ne suis pas en train de dire qu'aucune de ces doléances n'est justifiée, pas plus d'ailleurs qu'elles ne le sont toutes.
Je ne cherche pas non plus à montrer qu'aucun travail n'est plus pénible qu'un autre ou que le boulot pénard n'existe pas. Au contraire, je pense qu'il existe, mais que c'est peut-être la personne capable de l'apprécier qui n'existe pas (ou en tous cas qu'il existera toujours une personne capable de ne pas l'apprécier).

Mais alors comment apprécier la juste pénibilité d'un travail ?
La charge horaire ? Mais 12h d'un travail intéressant ou dérivatif sont-elles plus pénibles que 8h d'un labeur écrasant ? Les deux points de vue semblent se défendre.
La fatigue physique ? Le stress des responsabilités ou d'une sollicitation permanente n'y est-il pas au moins équivalent ? Fatigue physique contre fatigue morale, c'est également un débat épineux qui mérite d'être ouvert.

La plupart des gens pratiquant un travail physique ont tendance à développer un certain mépris pour ceux qui ont un travail de bureau, ainsi qu'à émettre de fortes réserves quant à la pénibilité d'une fonction basée sur des "efforts intellectuels" (le contraire est aussi évidemment vrai mais mon expérience tend à montrer que c'est nettement moins marqué, même si elle est, comme toute expérience humaine, limitée, et donc les conclusions qui en découlent sujettes à caution). Néanmoins, on s'aperçoit bien souvent, chez les ouvriers promus cadres par exemple, que ceux qui passent d'un travail manuel à un "poste à responsabilité", sans composante réellement physique, ont tendance à trouver leur nouveau travail plus fatiguant et en viennent presque à regretter leurs anciennes charges.
Cela veut-il dire pour autant que la fatigue intellectuelle est moins supportable que la fatigue physique ? Ce n'est pas là mon propos pour autant.
Je pense que le principe du "tout le monde se plaint" et sa corrolaire dite du "c'était mieux avant" sont pour beaucoup dans le résultat de cette évaluation a posteriori des deux types de fatigue. Mais ça tend quand même à montrer que, bien que les deux soient différents, il n'est pas si évident que ça que l'effort physique soit plus dur à fournir que l'effort mental.

On avance aussi souvent comme mesure de pénibilité l'influence sur la santé, avec les malheureusement trop communs maux de dos, problèmes respiratoires, troubles moteurs et autres avaries dues soit au travail en lui-même, soit aux accidents qu'il a suscités.
De même, on s'aperçoit également de plus en plus de l'émergence de certains impacts des fonctions de bureau et de direction : le fameux karoshi, mort subite due au stress des travailleurs japonais ou encore plus près de chez nous les vagues de suicide dans les technocentres français.

Bref tout ça pour dire qu'on dispose à peu près d'autant de moyens de mesurer la pénibilité de notre travail que de raisons de s'en plaindre, mais qu'ils ne sont malheureusement guère plus fiables que nos complaintes.

Et pourtant, quoiqu'on en dise, les situations s'améliorent globalement. Aujourd'hui, les comptables ont un ordinateur, les taxis ont un GPS, le bâtiment a de nouvelles machines, les postes ingrats de travail à la chaîne tendent à être occupés par des robots (ou des Chinois !), les mécaniciens ont affaire à plus d'électronique et à moins de cambouis, les cheminots ne passent plus leurs journées dans le charbon.
La courbe du temps de travail est globalement décroissante sur le dernier siècle (et sans doute sur les précédents) et les conditions s'améliorent petit à petit dans quasiment tous les domaines.
Alors bien sûr, n'éloignons pas pour toujours la critique constructive et l'indignation pour les situations qui restent abusives, mais tâchons de relativiser nos soucis et peines actuelles, par exemple en les comparant avec ceux de nos anciens. On se rendra peut-être compte qu'il n'y a pas tant que ça de raisons de se plaindre, et que, même si tout n'est pas encore pour le mieux, ça va globalement dans le bon sens.

jeudi 15 novembre 2007

Tout et son contraire

Au fil de mes réflexions, j'ai fini par acquérir la certitude qu'on pouvait démontrer à peu près tout et son contraire.

A peu près, car il existe encore certaines notions irréfutables qu'on peut aisément démontrer par l'exemple : tu ne pourras pas me démontrer que les corbeaux noirs n'existent pas car je devrais sans peine pouvoir t'en montrer 3 ou 4. En revanche, cette certitude irréfutable laisse un champ libre à de nombreuses (une infinité de ?) notions réfutables et donc discutables. Exemple : existe-t-il des corbeaux blancs ? Le fait qu'on n'en ait pas vu n'implique pas forcément qu'ils n'existent pas. Et chacun ensuite de donner libre à cours à son argumentation pour tenter de démontrer la (non-)existence des corbeaux blancs selon sa propre conviction en la matière.
Je sais, présenté comme ça, cet exemple semble stupide, on n'arrive pas tellement à envisager qu'on puisse débattre d'une telle futilité. Mais pense au nombre incalculable de débats concernant par exemple l'existence d'extra-terrestres, du monstre du Loch Ness, des fantômes ou même de Dieu : autant de corbeaux blancs dont la preuve irréfutable de l'existence n'a encore pas vraiment pu être apportée et au sujet desquels les croyances personnelles, pourtant opposées, peuvent se justifier, d'un côté comme de l'autre, par une pléthore d'arguments plus ou moins contestables.

Et ce concept de notion réfutable ne se limite pas qu'à l'existence des entités ou des phénomènes, elle est applicable à de nombreux domaines, que ce soit l'idéologie politique, la morale, l'utilité, la cause ou le fonctionnement de tel évènement .etc

D'ailleurs il est relativement flou, ce concept de réfutabilité. Descartes vous expliquerait mieux que moi que ce n'est pas parce qu'on croit voir des corbeaux noirs qu'ils existent vraiment. Même ce qui semble ou qui est généralement considéré comme irréfutable ne l'est pas toujours.
En fait la vérité c'est qu'on ne peut rien démontrer de manière irréfutable, pas même qu'on ne peut rien démontrer, à part peut-être ce bon vieux cogito, ou certains raisonnements mathématiques basés sur des concepts abstraits simples et clairement définis. Tout raisonnement se base sur des axiomes, des exemples, des idées admises qui ne sont jamais totalement établis.
Nos démonstrations et nos justifications, tous ces raisonnements par lesquels nous tentons de justifier nos actions ou nos points de vues, tout cela n'est que du vent.

J'ai bien conscience qu'avec une telle affirmation je saborde mon propre navire, confessant l'édifiante vanité aussi bien de ce blog que de tous les raisonnements qui m'ont amené à en construire chaque article. À vrai dire c'est à ma conception de la pensée toute entière, basée autant que faire se peut sur la raison et l'objectivité, que je porte l'estocade.
Ça y est, tu as enfin trouvé la faille, je suis vaincu, tous ces raisonnements que j'ai construit ne sont que du vent et il ne tiendrait qu'à meilleur argumentateur que moi d'en démontrer le contraire pour chaque point abordé.

En fait je n'en suis pas si sûr. De même que la démocratie, bien qu'imparfaite et attaquable, reste sans doute, à mon goût et je ne suis pas le seul, le meilleur régime dont nous disposions, un système de conception de ses propres idées et valeurs par la raison et la justification de ses points de vue est certainement la façon la plus sure de procéder.
Après tout, de quelles alternatives disposons-nous ? Se contenter de ce qu'on nous apprend, calquer nos idées sur celles de nos parents, de nos anciens, de notre religion ou sur les lois de notre état ? Tout cela revient à se fier au jugement partial et contestable de quelqu'un d'autre. En quoi ce quelqu'un d'autre serait-il plus qualifié que moi pour savoir ce que je dois penser ?
Je suis le plus apte à décider de mes propres pensées, c'est pourquoi je continuerai de réfléchir comme je le fais, construisant mes raisonnements sur les faits les plus sûrs et les plus établis, donc souvent les plus basiques ou les plus scientifiques, bref ceux dont la probabilité de véracité me semble la plus importante. Et je continuerai de considérer que, jusqu'à preuve du contraire, ce que je tire de mes réflexions est ce qui doit être le plus proche de ma vérité.

dimanche 11 novembre 2007

Démocratie

Plus ça va, plus je me demande si les gens sont vraiment dignes de la démocratie. Diriger un pays, choisir sa ligne de conduite économique, sociale, militaire, sécuritaire, c'est une tâche ou plutôt un ensemble de tâches qui dépasse de loin le ressort du Français lambda. Et c'est pourtant à lui qu'incombe la responsabilité de choisir plus ou moins ou hasard le plus apte à les remplir parmi les nombreux incompétents qui lui sont proposés.
En effet, de toutes les lignes de conduite envisageables, il y en a forcément une qui, à une conjecture donnée, est globalement préférable aux autres. On peut donc supposer que parmi les différents candidats, il y en a un qui sera globalement préférable aux autres, un homme de la situation.

Et comme je l'ai dit, le Français choisit cette personne plus ou moins au hasard.

Déjà parce que personne ne peut vraiment savoir lequel c'est, le bon. Même parmi les meilleurs politiciens, les plus prestigieux économistes, les dirigeants les plus compétents, il en est de droite et de gauche qui auront généralement des opinions sensiblement différentes sur le choix de l'homme de la situation, notamment en période électorale.
Ensuite, quand bien même le Français aurait un moyen de savoir quel candidat est le meilleur, il n'en prendrait pas forcément le temps. Il prend déjà tout juste celui de se demander lequel lui plaît le plus.

Soyons honnêtes, de manière générale, quels sont les critères du choix de notre bulletin de vote ?

Notre orientation politique, tout d'abord. On la définit en général assez tôt dans notre vie et souvent pour d'assez mauvaises raisons. On suit l'exemple ou les idées parentales, on se fait un avis sur le bref résumé des différents camps qu'on a demandé à un ami à peine plus instruit de nous faire, on se base sur l'image d'un candidat ou la réputation d'un parti... Autant de circonstances qui font de nous, en un minimum de temps et d'efforts, un mec ou une nana de droite ou de gauche.
Et la plupart d'entre nous préférerait souvent voir pendues haut-et-court les valeurs républicaines que de changer de bord, se confortant soigneusement dans cette conviction superficielle avec des raisonnements choisis et des interprétations arrangeantes, l'extrémisant parfois même au gré des déceptions et des amertumes. Le gauchiste lit l'Huma, le droiteux lit le Figaro et chacun campe sa position contre vents et marées.

S'il n'y avait que ça, on aurait sensiblement toujours les même résultats aux différents élections. Mais il existe aussi une frange de la population qui n'a pas de parti pris intouchable et qui pourra varier son vote. C'est d'ailleurs à cette frange de la population, sans doute pas si importante, que s'adressent les couteuses et médiatiques campagnes électorales.
N'allons pas trop loin quand même dans l'adulation de ces heureux garants de l'utilité du système électorale. Car ces gens votent souvent sans réfléchir, sans chercher plus loin, sans savoir pourquoi ils votent. Ils voient un Chirac marrant et débonnaire aux guignols et l'élisent sans en savoir plus sur sa capacité à être un bon dirigeant ou son niveau d'incompétence. Ils se font une idée morale, jugent sur les scandales privés révélés dans Paris Match ou sur un abus de langage ou encore une expression un peu trop imagée qui fait polémique dans tous les journaux. Ils oublient l'essentiel, jugent par l'apparence, votent par sympathie, s'indignent de concert avec le candidat sur le discours duquel ils tombent en zappant sur le 6minutes entre le Bigdil et la roue de la fortune, dénonçant une insoutenable injustice et l'attribuant à ses adversaires. Ils décident alors que celui-là n'a pas l'air trop con et que ça vaudra bien qu'on lui accorde son bulletin.

Après tout il faut bien en choisir un. Car oui il faut voter ! J'ai déjà écrit un article là-dessus (cf Tous aux urnes!), je t'invite donc à le lire pour en savoir plus sur le mépris que ce genre de formulation m'inspire.

Comme le disait Desproges, "La démocratie c'est la dictature exercée par le plus grand nombre sur la minorité", et le fait est que le plus grand nombre est bien souvent très loin d'être compétent dans le rôle de dictateur.

Malgré tout, je continue de croire que c'est le meilleur système dont nous disposions. Mieux vaut risquer de se laisser guider par la stupidité de tout un peuple que par la folie d'un seul homme. Même si je trouve beaucoup d'arguments pour la dénoncer et peu pour la défendre, les alternatives (monarchie, oligarchie, anarchie...) me répugnent a priori bien plus encore. Il faut se faire à cette idée, on n'a pas encore inventé de façon idéale de diriger les Hommes. Tâchons donc, quoi qu'il nous en coute, de protéger au mieux et de nous montrer le plus digne possible des valeurs du régime que nous avons choisi, et qui, lui, continue de nous laisser le choix.

jeudi 8 novembre 2007

C'est chiant !

D'habitude je ne raconte pas ma vie au jour le jour comme le font les vrais décérébrés dans leurs vrais blogs, mais là je suis en pleines révisions d'éco et je crois qu'il n'y a rien de plus chiant alors il me faut bien un échappatoire. Du coup on va essayer de trouver ensemble tous les trucs vraiment très chiants qui sont quand même moins chiants que de passer sa soirée à réviser de l'économie d'entreprise. On se répartit le travail : moi je trouve les idées, je les sélectionne, je les formule, je les mets en forme et je les publie. Toi pendant ce temps-là comme d'habitude tu restes là à glander la gueule ouverte et à attendre que j'aie fini.

Donc réviser de l'éco :
-c'est encore plus chiant qu'un dimanche après-midi passé vautré devant TF1 à enchainer Télé Foot, 30 Millions d'Amis et VideoGag.
-c'est encore plus chiant qu'une panne de courant après trois heures à taper un rapport sans sauvegarder.
-c'est encore plus chiant que de se casser une jambe le premier jour de ta semaine de ski.
-c'est encore plus chiant qu'une messe de 2h30 un jour d'enterrement.
-c'est encore plus chiant que de tomber en panne d'essence en pleine nuit sur une route de campagne au milieu de nul part.
-c'est encore plus chiant que d'avoir une grosse réunion de famille obligatoire le soir du premier de l'an.
-c'est encore plus chiant que les vieux campagnards qui racontent leur vie au journal de 13h.
-c'est encore plus chiant que de se taper 15h de route d'affilée sans autoradio.
-c'est encore plus chiant que de se faire tenir la jambe sous l'arrêt de bus par une vieille dépressive qui te raconte en détail les misères que son ex-mari et ses enfants lui font subir.
-c'est encore plus chiant qu'un film d'auteur suédois néo-contemporain traitant des troubles émotionnels causés par la ménopause chez les ménagères russes.
-c'est encore plus chiant que d'atterrir dans un mariage au fin fond de la cambrousse où tu ne connais absolument personne et où tu peux pas boire parce que c'est toi qui doit conduire pour rentrer.
-c'est encore plus chiant que d'avoir paumé le trousseau avec tes clés de bagnole et de maison le lendemain du jour où ta copine est partie passer la semaine chez sa mère dans le Bas-Poitou.
-c'est encore plus chiant que l'ascenseur qui tombe en panne pile le jour où tu vas faire tes courses pour la semaine.
-c'est encore plus chiant que de faire la queue pendant une demi-heure au RU pour voir le connard devant toi prendre la dernière pizza.
-c'est encore plus chiant qu'un épisode hors-série dédié aux vacances de Derrick en Normandie.

Je sais, je tape beaucoup sur la campagne, la télé et les vieux, mais j'y peux rien. Dans l'inconscient collectif - ou en tous cas dans le mien - ce sont, avec les contrôles d'économie des secteurs productifs, la musique électronique et les bouchons du vendredi soir, sans doute les quelques concepts les plus synonymes de chiantise et d'emmerdement. Et pis je m'emmerde, et le fait est que quand je m'emmerde je deviens con, grossier et sujet à l'humour lourd, facile, méchant et pas drôle.

Pas merci de ton incompréhension.

mardi 6 novembre 2007

L'esprit de communauté

Qu'est-ce qui rassemble vraiment tous ces gens ?
Je me suis posé cette question un paquet de fois, que ce soit en contemplant les ola d'un stade de foot rempli à craqué, en zappant sur des images des millions de personnes conglomérées aux JMJ ou en pataugeant dans la boue au milieu des hordes de chevelus tatoués d'un festival de metal.
Une passion partagée ? A vrai dire, c'est la première réponse qui m'est venue à l'esprit, la plus évidente peut-être. Mais la passion n'explique pas tout. Si le metal n'est qu'une histoire de musique, pourquoi avoir tous les mêmes tee-shirts noirs ou les mêmes cheveux longs ? Si le football n'est qu'une histoire de sport, quid de ces clubs de supporters qui passent leur temps libre à se retrouver pour préparer ensemble chants et bannières ?

La passion est un moteur puissant qui attire, fédère les gens autour d'un évènement. Mais ce qu'ils viennent chercher, ce qui les rassemble jusque dans leurs apparences ou leurs attitudes, c'est tout simplement la satisfaction de se sentir partie intégrante d'une communauté.

L'Homme est un être social, un mouton qui cherche perpétuellement à se fondre dans le troupeau.
D'ailleurs quoi qu'en disent les soi-disant rebelles, du rappeur au punk en passant par le teuffeur, le métalleux ou même le geek, eux-même suivent les codes de leur propre communauté, que ce soit au niveau de la musique, de l'apparence, de la façon de s'exprimer, bref de l'attitude en général.

Oh bien sûr j'entend d'ici le coreux me brandir son "Love the music hate the kids" et me gromeler que dans son cas il n'est certainement pas question de besoin communautaire. Je vois déjà toute la scène, je vais lui demander si l'on doit au seul hasard la précision de la cohérence de son goût en matière de tatouage, de son look et de ses danses dans les pits en concert avec les codes et standards de la communauté hardcore. Et lui de me répondre, avec l'aplomb de celui qui croit profondément à son propre bobard, que oui c'est ses goûts, que ça s'est développé comme ça ou encore que tout ça a plus à voir avec la musique qu'avec la communauté.
J'ai pris l'exemple du coreux mais j'aurais pu choisir celui du métalleux, ou encore demander à un footeux s'il lui arrive souvent d'aller au stade tout seul. J'aurais d'ailleurs peut-être eu droit au même déni.

Car en effet, cette idée ne plait pas à tout le monde. Beaucoup aiment à considérer leur passion comme leur seul moteur, la plupart le croient d'ailleurs sincèrement. Et on ne peut pas nier que c'est effectivement une motivation essentielle pour la majorité.
Moi-même, pour reprendre l'exemple du metal, j'ai longtemps cru que mon investissement dans cette musique tenait à mon seul amour pour elle. Mais cette arrangeante vision des choses n'a pas résisté bien longtemps à un examen approfondi avec quelques véléhités d'objectivité. Même si j'ai toujours voulu avoir les cheveux longs depuis tout petit, ce n'est sans doute pas un hasard si je n'ai fini par vraiment les laisser pousser qu'en me mettant au metal et en ayant des copains qui le faisaient déjà; malgré ma volonté marquée de libre pensée et d'un certain dosage d'originalité dans ma vie en général, je me retrouve à porter les mêmes tee-shirts noirs à l'effigie de mes groupes préférés que mes collègues de concert; et bien que sur le papier ça ne me dérange pas plus que ça, je suis bien conscient qu'en pratique il faudrait vraiment un cas exceptionnel ou un groupe immanquable pour que je finisse par aller à un concert tout seul.

Après tout, j'ai mis du temps à découvrir et à apprécier petit à petit différents groupes ou différents styles de metal. Même si ça ne remet pas en cause ma passion pour la musique, dont je suis certain sans l'ombre d'un doute et de toute la force d'objectivité dont je dispose qu'elle n'est pas feinte, je ne peux m'empêcher de me demander si, sans aspect sociale et communautaire, sans pote pour me guider, je serais tombé aussi profondément là-dedans.
Peut-être serais-je juste passé à autre chose.

Je m'attarde lourdement sur la musique car c'est l'exemple qui me touche le plus.
Mais c'est en religion, je pense, que le poids de la communauté est le plus important. En effet, mise à part sa quête insensée consistant à chercher des causes à l'inexpliqué - qui n'habite d'ailleurs plus guère le citoyen lambda du monde d'aujourd'hui, à qui la science fournit presque toutes les réponses et qui ne cherche bien souvent même pas à les connaitre - quelle autre raison pousse l'Homme à la religion ? C'est par la communauté que la religion s'est imposée, par les prétextes qu'ils fournissaient à chacun pour critiquer son voisin que ses principes se sont assis et ont fondé la morale et la culture actuelle. C'est encore la communauté que les hommes viennent chercher en religion, plus encore à mon avis que le culte de Dieu, que ce soit dans l'enceinte d'un monastère, sur le parvis ou les bancs d'une église ou encore à même le sol du site de rassemblement des JMJ.

Qu'on l'assume ou non, l'immense majorité d'entre nous a besoin de la communauté. Nous tendons à nous fondre dans la masse au moins autant qu'à s'en démarquer, nous recherchons presque toujours la reconnaissance d'une société ou d'une autre en nous pliant à ses codes.
Nous avons besoin de contact, d'attention, de légitimation. Et se retrouver avec des gens qui partagent la même passion est pour nous le parfait prétexte pour les obtenir. Et je suis convaincu que c'est cet aspect, sans doute plus que tout autre, qui motive les rassemblements de masse dont nous sommes aujourd'hui témoins et acteurs réguliers.

lundi 5 novembre 2007

Mort et suicide

J'ai peur de beaucoup de choses, mais pas de la mort.
En fait, c'est loin d'être aussi simple, j'ai un rapport à la mort assez précis et défini, mais également assez complexe.

Déjà je n'ai pas la prétention d'être exempt de la peur instinctive de la mort, cette crainte ancestrale, ancrée profondément au fond de nos cerveaux reptiliens, cet instinct de survie qui, dans un réflexe d'auto-préservation naturel, nous poussera toujours à choisir la vie dans une situation où l'alternative est la mort, et où on n'a pas le temps d'y réfléchir plus avant.

Mais la peur consciente, cette angoisse constante et viscérale qui semble avoir inspiré les plus grands, de Pierre Desproges à Woody Allen, cette peur-là je ne l'ai pas vraiment.
Ce qui me fait peur dans la mort, c'est plus son annonce, la condamnation, qu'on me donne une idée de l'heure. J'ai plus peur en fait, de me voir diagnostiqué demain un cancer qui me tuera en dix ans que de mourir sous les roues d'un camion dans une heure, même si l'instinct de survie dont on parlait tout à l'heure me ferait sans doute préférer le premier si l'opportunité d'un tel choix se présentait.

De plus, je n'ai pas vraiment de croyance consciente et réfléchie en un quelque chose après la mort.
Tu me diras, en partant du principe qu'elle n'est pas une fin en soi il y a d'autant moins de raison de la redouter, si ce n'est la crainte du Jugement. Mais, dans l'hypothèse d'un jugement de notre vie, tel que prévu par les religions chrétienne ou boudhiste, je refuse de croire qu'on puisse être jugé juste sur ce qu'on a fait dans le cas d'une mort prématurée : ça impliquerait que la date de notre mort soit un critère plus important que notre capacité à faire le bien dans le futur; de même, je rejette cette notion chrétienne de repentir qui suppose que la date de sa dernière confession décidera du sort du défunt pour l'éternité.
Et si, comme ma raison aime à le croire, il n'y a rien après la mort, alors qu'est-ce que ça peut bien me foutre, d'être mort ? Je n'en ai théoriquement rien à tamponner si je n'en ai pas conscience.

Attention, je n'ai pas peur de la mort, ça ne veut pas dire que je n'aime pas la vie. J'aime beaucoup la vie : je savoure au mieux ses aspects positifs et supporte très bien ses aspects négatifs auxquels j'ai été confronté jusqu'ici. Si on me demande mon avis, j'aime autant qu'elle se prolonge le plus longtemps possible.
De toutes façons on va tous mourir, et vu qu'une fois que c'est fait, c'est fait, et qu'on en a a priori plus conscience, peu importe le moment.
Et puis mieux vaut être mort et ne pas en avoir conscience, que d'avoir une vie malheureuse et de le savoir.

Je te vois venir, tu as envie de pousser mon raisonnement jusqu'au bout et de prendre ça comme une incitation au suicide. Evidemment, et j'ai envie de dire comme d'habitude, tu as tort, tu déformes mon propos et tu vas me faire perdre encore un peu plus de mon temps à te détromper.
Le suicide est la solution de facilité, c'est la solution des faibles et des lâches. En fait ce n'est même pas une solution, dans le sens où il ne résoud absolument rien. C'est juste la fuite poussée à son niveau maximum.
Je sais que c'est facile à dire, du haut de mon trône de bonheur facile, vautré que je suis dans les joies de la normalité physique et intellectuelle, de la jeunesse, de l'aisance financière et de la bonne santé. Mais le fait est que la plupart des suicides ont pour moteur, outre une grosse défaillance de la santé mentale, un profond égocentrisme. J'en veux pour preuve la différence de taux de suicide entre les pays riches et les pays pauvres. Les gens ne se suicident pas parce qu'ils sont malheureux, mais parce qu'ils sont incapables de relativiser leur malheur. En comptant 6milliards d'habitants sur Terre, il y en a forcément 5 999 999 999 qui ne sont pas la personne la plus malheureuse du monde. Et je suis sûr que ça doit arriver régulièrement que le 6 milliardième ne se suicide pas pour autant. Quand bien même il le ferait, on n'a qu'à refaire le même raisonnement avec le 5 999 999 998è et ainsi de suite. On finira bien par en trouver un qui ne suicide pas, sinon tous les habitants de la planète seraient déjà morts de leur propre main.
Et je reste persuadé que dans la plupart des cas, même une vie faite essentiellement d'efforts, de souffrance ou d'ennui peut régulièrement être éclairée, pour peu qu'on se donne la peine de les provoquer et de les apprécier, d'éclaircies de plaisir et de joie. D'autant plus que notre cerveau sait s'adapter, et que moins on a de bonheur, plus il est facile de l'atteindre. J'en veux pour exemple la comparaison des Noël où nos parents étaient enfants, où un train en bois suffisait à inonder le foyer de joie et de gratitude, avec ceux d'aujourd'hui, où rien de moins que la dernière console de jeux vidéo hors de prix ne saurait éviter les pleurs et les cris de l'enfant-roi. On arrivera presque toujours à ressentir du plaisir et du bonheur qui, même s'ils ne suffisent pas forcément compenser les efforts et la douleur, sont une raison suffisante pour continuer à vivre.
C'est un point de vue personnel qui peut être contesté ou débattu, mais un peu de positif, même entouré de beaucoup de négatif, vaut toujours mieux que rien du tout.

Ma dernière précision concernant mon point de vue sur la mort et le suicide concerne l'euthanasie.
Même si je suis contre le suicide, je considère que chaque individu devrait avoir la liberté de choisir s'il veut mettre fin à sa vie. Evidemment, dans la mesure où ce n'est pas une mesure révocable, il faut qu'il l'applique en son âme et conscience et qu'il soit bien sûr de ce qu'il fait.
Et je considère que dans certains cas médicaux (handicap important, altération extrême de l'apparence, souffrances chroniques incurables...), le choix de la mort est on ne peut plus justifié. Quand on sait d'avance que chacun des instants qui nous reste à vivre sera souffrance ou que 100% des gens qu'on croisera ne verront en nous qu'un être défiguré et repoussant, ou encore qu'on a perdu l'usage des membres qui nous permettraient de s'adonner à telle passion qui était tout notre vie, alors je ne vois plus le suicide comme une faiblesse.
Mais je trouve aberrant que des gens dans une condition physique telle qu'ils sont parfaitement capables de se tuer eux-même demandent à un tiers de commettre un meurtre en mettant fin à leurs jours. Le rôle du tiers, dans le cas de l'euthanasie d'une personne physiquement apte à la pratiquer elle-même, devrait se limiter à un rôle de conseil, non pas sur la nécessité ou l'utilité de l'acte, cette décision appartenant à l'intéressé et à lui seul, mais sur la manière la plus douce ou la plus agréable à employer.
Dans le cas des gens tellement invalides qu'il leur est absolument impossible de mettre fin à leurs jours par eux-même - je pense notamment aux tétraplégiques - il me parait évident à tous les niveaux (moraux aussi bien qu'économiques) que mourir devrait être leur droit le plus strict et que notre devoir de solidarité est de les aider à y parvenir - quand ils le veulent et peuvent l'exprimer cela va de soit - plutôt que de les condamner à continuer à vivre une vie dont ils ne veulent plus.
En revanche, je ne pense pas que la famille soit apte à prendre la décision de vie ou de mort, même dans des cas médicaux extrêmes. Son seul rôle devrait se limiter à transmettre une éventuelle volonté clairement exprimée par l'intéressé alors qu'il était en mesure de le faire.

En ce qui me concerne, je mandate quiconque lira ceci pour faire tout ce qui est en son pouvoir pour mettre, de manière directe ou indirecte, fin à mes jours dans le cas où je serais dans un état végétatif permanent sans possibilité de rémission totale, amputé ou paralysé d'au moins trois membre ou défiguré de manière importante et non contestable et où, bien entendu, je n'aurais pas la capacité physique de prendre cette mesure par moi-même ni d'exprimer un nouvel avis différent sur la question.
Et pas la peine de faire l'indigné, il n'y a rien de morbide là-dedans, c'est juste une mesure pratique.

dimanche 4 novembre 2007

Tous aux urnes !

Oui, il faut voter !
On le savait déjà, mais depuis 2002 on nous le rabâche sans arrêt. Malheur à celui qui ose ne pas voter, il devient au mieux un anti-citoyen indigne de la chance qui lui est offerte de faire entendre sa voix, au pire un soldat passif du Front National, préparant par son inaction la résurrection d'Hitler lui-même.
Tu ne sais pas pour qui voter ? Tu n'as ni de temps ni d'intérêt à consacrer au choix soigneux de ton candidat ? Vote pour le mien ou vote au hasard, sinon c'est comme si tu votais Le Pen.

Je trouve ce genre de propos proprement scandaleux. Lie de l'intelligence humaine, tu es la honte de la démocratie, toi qui, je le sais, en citoyen consciencieux, a déjà donné ce conseil aux allures de reproche à tes amis indécis.

Je sais que ça paraît déjà beaucoup, mais chercher partout sa carte d'électeur, se traîner un jour du Seigneur jusqu'à son bureau de vote, faire la queue et mettre son bulletin dans l'urne, tout cela n'est qu'une infime partie de l'acte citoyen du vote.
Le vote consiste avant tout à choisir son candidat, à se renseigner, se faire un avis, jauger les différentes politiques proposées, tâcher de comprendre leurs implications et d'envisager leurs alternatives, les confronter à ses propres opinions et convictions. Tu trouves ça énorme ? Bah, tu n'as pourtant pas à te plaindre.

Il y a encore quelques années, c'était effectivement fastidieux. On n'avait guère pour se décider que la propagande des uns et des autres, leurs affiches, leurs discours télévisés, bref rien d'objectif. Pour des informations vaguement impartiales, il fallait fournir un effort hors de la portée de la plupart d'entre nous, à savoir se plonger dans la lecture quasi-quotidienne des quelques pages France d'un journal, pour peu qu'on en trouve un pas trop engagé. Piégés entre 40h de travail à fournir, une famille à occuper et divers loisirs permettant, par leur aspect agréable, de donner un sens à nos vies, je conçois aisément que nous n'ayons pas tous une conscience politique assez développée pour se ménager ce genre d'effort et que quelques votes aléatoirement imbéciles ne soient pas de trop pour contrecarrer les votes imbéciles ciblés des extrémistes endoctrinés.
Mais aujourd'hui, à l'heure où la moitié d'entre nous a accès à Internet de chez lui, où quelques clics te permettent de comparer tous les programmes de manière objective, où toutes les analyses sont à ta portée, tu n'as plus aucune excuse pour ne pas te faire un avis justifié.

Et quand bien même tu ne trouverais toujours pas le temps ou la motivation de le faire correctement, aie au moins le mérite de ne pas camoufler piteusement ta non-citoyenneté en votant n'importe comment.
Laisse à ceux qui se sentent concernés le soin de décider de l'avenir de leur pays et épargne-leur d'avoir à assumer la stupidité des critères de choix inadaptés de tes semblables.

mercredi 31 octobre 2007

Le naufrage de Zoé

Rien de tel qu'un navrant jeu de mot déjà entendu huit millions de fois pour rebondir sur un sujet d'actualité particulièrement marquant. Je replace le contexte pour la postérité où le lecteur inculte que tu es peut-être n'a sans doute plus aucun souvenir de cette affaire qui agite actuellement les médias :

Une association française, l'Arche de Zoé, s'est fixée pour mission de faire adopter par des Européens des enfants orphelins originaires de la zone du Darfour, région du Soudan frontalière du Tchad et en proie depuis 2003 à une horrible guerre civile et à un drame humanitaire sans équivalent.
Honorable intention a priori, mais l'affaire tourne au drame quand les bénévoles de l'association sont arrêtés pour trafic d'enfants au Tchad, d'où ils devaient décoller avec 103 enfants qui se sont avérés n'être même pas tous des orphelins. Et c'est là qu'on apprend que les braves humanitaires n'avaient pour ainsi dire aucune autorisation et qu'ils violaient à la fois tous les règlements français concernant l'adoption et les lois tchadiennes sur l'enlèvement.
Et le président tchadien de pousser de hauts cris d'indignation, fustigeant le trafic d'enfants à de probables fins pédophiles, réveillant le spectre esclavagiste du blanc voleur d'enfants; et le gouvernement français de condamner l'action et de nier sa connaissance pourtant avérée de l'opération, le tout sur fond de débarquement, imminent et prévu depuis quelques temps déjà, d'une force armée européenne au Darfour.
Bref à l'heure où j'écris ces lignes, les huit bénévoles et le reporter qui les suivait viennent d'être inculpés pour enlèvement d'enfants et font couler des litres d'encre depuis leurs cellules de terre tchadiennes.

Ces braves militants sont certainement des gens très bien qui ne méritent aucunement la réputation qu'on leur fait, ni encore moins de passer les 20 prochaines années dans les camps de travaux forcé tchadiens.

Mais il faut quand même être complètement inconscient pour arracher à leur pays 103 enfants dont on ne sait quasiment rien, au mépris des lois et des règlements de plusieurs états. Enlever une centaines de gamins c'est quand même un crime très grave.
D'accord, ça part d'une bonne intention, mais ça n'excuse pas grand chose. Déjà les bonnes intentions, l'enfer en est pavé; pour tomber dans la comparaison facile et hors-sujet, Hitler avait sûrement les meilleures intentions du monde pour son pays quand il a ordonné d'exterminer des millions de Juifs. Et puis il y a des limites à ne pas dépasser. Je veux bien admettre que certaines lois soient faites pour être enfreintes, mais là il est quand même question d'enlèvement d'enfants.
Bref ils méritent un gros coup de pied au cul et quelques années de taule avec sursis mais j'espère quand même sincèrement pour eux qu'ils pourront être jugés en France.

Ce qui me reste quand même en travers de la gorge c'est le fait que certains des enfants n'étaient même pas orphelins. Sur une bande audio diffusée hier à la radio, j'ai clairement entendu le dirigeant de l'association expliquer qu'il y avait plein de cas où ils ne pouvaient pas savoir.
En est-on rendus à ce stade, dans l'humanitaire, qu'on cherche à aider à tout prix, même sans être sûrs qu'il y ait besoin d'aide ou qu'on aide vraiment. Sommes-nous à ce point persuadés de notre propre supériorité que nous sommes prêts à arracher à son pays et à sa culture le premier enfant qu'on nous présente comme étant orphelin, convaincus que, quoi qu'il en soit, il sera mieux chez nous dans notre belle société occidentale que sur la terre de ses ancêtres.

Ceci n'est pas vraiment une attaque envers ces gens qui ont eu le courage de se bouger et d'agir pour aider des gens pendant que moi je reste assis devant mon PC à leur verser de l'encre dessus pour m'occuper. Mais leur attitude, ainsi que celles des 100 familles qui, en France, s'apprêtaient à accueillir ces jeunes réfugiés, n'est-elle pas symptomatique de la culpabilisation de notre société ?

Notre sentiment de culpabilité est justifié. Notre confort moderne s'est bâti sur la sueur et le sang des colonies, sur le régime à l'origine de l'absurdité des inégalités internationales actuelles. Notre pays et ses habitants doivent assumer leurs responsabilités. Je suis pour qu'on paye nos dettes comme on peut, et qu'on fasse profiter le plus possible les habitants de ces pays de notre développement, qu'ils ont porté sur leurs épaules sans en récolter les fruits.
Injectons de l'argent dans leur économie, investissons chez eux, achetons leurs produits, formons-les, offrons-leur nourriture, eau, médecine et éducation, détournons-les du sentier de la guerre.
Mais ne leur volons pas leurs enfants ! Ce n'est pas en ramenant leurs habitants en Europe à un âge où ils ne sont pas capables de le demander, ni même de le comprendre, qu'on allègera la misère de ces pays. On ne les aidera pas en leur prenant leurs jeunes, leurs forces vives, pas plus qu'avec une "immigration choisie" qui ne viserait à les piller que de leurs atouts.
Il y a des limites à tout, même à la volonté légitime qu'on peut avoir d'aider son prochain.

mardi 23 octobre 2007

Dieu est un système d'exploitation

Au commencement était le bordel.

Tout comme l'informatique, la religion a eu des débuts difficiles. La pleïade de systèmes d'exploitation au format console, tous aussi obscurs et inaccessibles les uns que les autres, ressemble assez en vérité à ces multitudes de cultures polythéïstes. Chaque pays avait sa façon de faire, pas vraiment de norme, les noms et cultes des différents dieux d'une contrée donnée étaient autant de commandes indigestes aux arguments étranges.

Puis il y a eu l'Idée, le truc qui marche et auquel il fallait penser pour tout simplifier. Pour la religion, le judaïsme a inventé le concept de monothéisme; pour l'informatique c'est Machintosh qui a eu l'Idée du millénaire avec le système de fenêtre et l'interface graphique. Des deux côtés on peut dire que ça part de pas grand chose et ça a son petit succès.
Mais ça reste limité. VisioCorp, Quaterdeck, Digital Research ou encore IBM sont à Machintosh autant de religions grecque, égyptienne ou mésopotamienne. Mac se taille la part du lion sur le marché et les Juifs obtiennent Israël mais aucun n'a vraiment réussi à convertir tout le monde.

Mais la révolution se prépare, gentiment mais sûrement.
Pendant que Jésus et ses potes font parler d'eux et s'attirent des emmerdes en Judée, un certain Bill Gates commence à faire du bruit en codant des tableurs pour Mac avec sa petite boite Microsoft.
Dans les deux cas on pompe totalement la référence initiale (Judaïsme/Mac), on modifie 2-3 trucs et on attaque le marché. Et dans les deux cas ça commence par un flop. Jésus est crucifié et ses adeptes sont persécutés, Windows 1.0 et 2.0 sont des échecs cuisants.
Et vient la révélation. Chacun comprend qu'il a tout intérêt à s'allier avec les puissants : le christianisme convertit l'empereur romain et Microsoft développe son Windows 3.1 avec les processeurs IBM. Ce dernier pose avec Microsoft les bases de Windows 95, Constantin impose le christianisme à son empire, c'est la conquête pure et simple du monde connu.
Il faut bien avouer que le "On est tous frères" et "Dieu est amour" c'est quand même nettement plus vendeur que les dieux à l'ancienne avides de guerre et de sacrifice.
Et puis malgré tous les bugs du catholicisme, il faut reconnaitre qu'un seul dieu à prier, et le même pour tout le monde, c'est quand même plus convivial que toutes ces religions polythéistes, et ça entraine moins de problèmes de compatibilité aussi.

Et viendra peut-être le jour où un Mahommet fera un tout nouvel OS en reprenant tout simplement le core du christianisme Windows et en changeant juste un peu l'interface et que ça aura un succès comparable.
L'aspect copie en moins on aurait presque pu croire à ça avec Linux. C'est vrai que l'OS gratuit ça avait de quoi ressembler à une prise de La Mecque par les armes mais en fait faut croire qu'on en est encore à l'Egire.

Personnellement j'espère que ce jour ne viendra jamais.
Contrairement aux religions qui sont un peu dépassées à l'heure actuelle, on aura toujours besoin d'un système d'exploitation pour faire tourner nos machines; même quand ce sera des hologrammes implantés directement dans notre cerveau il faudra bien choisir une boite pour nous faire l'interface. Et j'ai pas vraiment envie de voir une croisade de compatibilité.

J'aimerais bien trouver une dernière métaphore classe pour conclure mais je crois que j'ai épuisé mon quota de conneries pour la journée.

lundi 15 octobre 2007

Tolérance

Rassure-toi, je ne tiens pas à rappeler ici pour la énième fois à quel point c'est mal d'être raciste et important d'aimer son prochain et bla et bla et bla. C'est en effet un sujet important qui méritera sans doute que je m'attarde dessus plus tard - ce ne sera pas la première fois que je nous ferai perdre beaucoup de temps à toi et surtout à moi pour détailler ce qui est déjà une évidence pour toute personne douée de l'usage de son cerveau - mais ce n'est pas le sujet du jour.

Ce billet est en fait une réponse à un reproche qui m'est facilement formulé : le manque de tolérance.
Attention, on ne parle pas ici de tolérance au sens familier actuel, à savoir du contraire du racisme : la plupart des gens qui me connaissent un peu savent à quel point j'ai en horreur cette forme de prétention illégitime (le racisme, j'entends) et pourront donc, le cas échéant, le confirmer à ceux qui me connaissent moins.
Non, l'intolérance qu'on me reproche, à tort, ne s'arrête pas à de si ridicules considérations que la couleur de peau, la religion ou la nationalité. Elle les dépasse largement.

Oui, j'ai bien dit "à tort". En effet, comme 99% des gens à qui on pose la question, je peux dire sans trop hésiter que suis quelqu'un de très tolérant.

En fait, à peu près tout et tout le monde m'indispose.
Je déteste la vanité des vantards, l'hypocrisie des modestes, la stupidité du commun, l'arrogance de l'élite, la naïveté du religieux, l'intolérance de l'anticlérical, la paresse du noir, la cleptomanie de l'arabe, la fourberie du jaune, la suffisance du blanc et la connerie crasse du raciste.
Rien ne m'énerve plus que ces prétentieux qui ont un avis tranché sur tout et n'importe quoi, à part peut-être ceux qui, par paresse, lâcheté ou manque de personnalité, semblent n'avoir d'opinion sur aucun sujet.
Et ces gens "sociables", prêts à courber l'échine devant tous les codes de la politesse et de la convenance et à l'affût du moindre trait d'humour pouvant leur permettre de se faire remarquer; ils me sont aussi pathétiques que ceux qui se laissent vouer à la solitude par leur timidité ou leur misanthropie.
Je méprise aussi bien les abus des exploitants que la soumission des exploités, la nuisance des agresseurs que les plaintes incessantes des victimes, l'ingratitude des parvenus que la jalousie des indigents.

Même toi, quel que soit ton profil, j'aurais sûrement des tas de choses à te reprocher.
Même moi, je me retrouve dans de nombreux de ces aspects répulsifs que j'ai dénoncé plus haut.
Bref, l'humanité me donne chaque jour plus de raisons de la haïr.

Et pourtant je vis très bien avec.
J'entretiens une très bonne relation avec moi-même malgré tous les reproches que j'ai à me faire. Je vois régulièrement des gens et je m'entends bien avec la plupart d'entre eux pour ne pas dire tous, même si certains plus que d'autres. Il y en a même dont je viens à rechercher volontairement, et parfois activement, la compagnie, voire certains que je viens à aimer.
Je ne me souviens pas avoir déjà refusé quelqu'un à ma table au RU ou rejeté volontairement une poignée de main amicale.

Bref malgré toutes les critiques que je peux formuler à leur égard, malgré tous les vices que je leur prête et toute l'antipathie ou toutes les accusations de fautes impardonnables qu'ils méritent que je leur porte, je tolère tout-à-fait la quasi-totalité mon entourage.

En effet, il faut qu'il y ait un désagrément à tolérer pour pouvoir parler de tolérance.
En l'occurrence, c'est ma misanthropie qui fait de moi quelqu'un d'extrêmement tolérant.

lundi 8 octobre 2007

Pourquoi ?

En français, on fait souvent la confusion entre deux questions pourtant bien distinctes :
"Pourquoi ?" et "Pour quoi ?". En effet, si l'une se rapporte à la cause, l'autre se rapporte à la finalité.
J'ai même tendance à croire que ce flou est plutôt là à bon escient et que l'on a peut-être tord de s'échiner à répondre à certains pourquoi avec des parce que.

Un exemple : Prenons donc un mioche de base. L'enfant est souvent un peu con mais l'adulte, qui l'est parfois un peu moins, lui pardonne avec plaisir.

Donc nous sommes mercredi soir, il flotte et notre mioche, un peu con, pose une question, un peu conne elle aussi : "Pourquoi il pleut ?"
Là, l'adulte, dans un rare élan de paternalisme héroïque, détourne la tête de son écran ou de son journal et s'empresse de répondre au pourquoi du morveux par un éloquent "parce que" : "Parce que la teneur en vapeur d'eau du nuage atteint sa saturation autour de noyaux de condensation, ce qui, combiné à un effet de coalescence des gouttelettes, augmente leur poids jusqu'à ce qu'elles soient trop lourdes pour être portées par les courants ascendants." L'adulte, ayant parfois le soucis d'être compris de l'enfant, trouvera bon de simplifier l'explication. Parfois même certains parents, soucieux d'alimenter la transmission à leur enfant de leur débilité congénitale, se contenteront d'un affligeant "Parce que les nuages pleurent".
Quoi qu'il en soit le môme n'y trouvera pas son compte et répliquera du tac au tac par un autre pourquoi : "Et pourquoi les nuages ils pleurent ?"

Autre possibilité, l'adulte répond tout simplement "Pour arroser les poireaux." Là, le chiard la boucle et se replonge dans son activité précédente, souvent irritante et inutile. On a répondu à un "pour quoi ?", avec un "pour" et pas un "parce que". Et après tout c'est sûrement ça qu'attendait le marmot, il a la réponse à sa question, ce con d'adulte ne l'a pas gavé avec ses explications.

Et quand on y pense, on a marché au "parce que" pendant très longtemps, cherchant des causes à toutes sortes de phénomènes qui n'en avaient pas. Alors on a inventé des dieux pour se créer des causes, expliquer ce qu'on ne comprenait pas.
Pourquoi le soleil ? Parce que Ra voulait un serre-tête flashy. Pourquoi les éclairs ? Parce que Jupiter a pas trouvé plus classe pour nous emmerder de temps en temps. Pourquoi on existe ? Parce que Dieu voulait quelqu'un à qui interdire de bouffer cette foutue pomme.
Autant d'explications parfaitement illogiques, autant de causes imaginées de toutes pièces et rigoureusement inutiles.

Bref je ne suis pas en train de dire qu'il faut arrêter de chercher des "pourquoi" aux phénomènes qui ont un "parce que". Si Newton ne s'était pas demandé pourquoi la pomme tombait je n'aurais pas la télé par satellite et ce serait bien dommage.
Mais il y a bien des cas où on ferait mieux de convenir que la finalité est en soi une cause bien suffisante.

Religion en kit

Le plus important pour créer sa religion, c'est de bien avoir pensé aux propriétés de son ou de ses dieux.
Le concept de dieu peut prendre bien des formes et on ne peut prouver la fausseté d'aucune.

J'en distingue quatre :
-le dieu créateur, qui aurait créé tout ou partie de l'univers tel qu'on le connaît, que ce soit en créant de la matière ou des lois physiques, ou encore en lançant un processus qui aurait amené à la création de l'un ou de l'autre ou par n'importe quel autre moyen.

-le dieu guide, qui contrôlerait tout ou partie de notre univers, voire de nos vies ou de nos volontés, d'une manière ou d'une autre. Il peut impliquer l'existence d'un dieu juge susceptible de nous punir ou de nous récompenser.

-le dieu juge, qui jugerait et pèserait nos actes selon différents critères. Il pourrait nous accorder des récompenses ou au contraire des punitions, que ce soit dans notre vie dans le cas d'un dieu guide, ou dans l'après-vie dans l'hypothèse de l'existence d'une vie après la mort ou d'une réincarnation.

-le dieu gardien de la mort. En fait le plus important ici ce n'est pas vraiment le dieu mais plutôt le concept religieux de vie après la mort, impliquant que la mort ne serait pas une fin, mais plutôt une transition vers un autre lieu (Paradis, Enfer...) ou une autre vie (réincarnation...). Ce concept peut être indépendant de l'existence d'un dieu, mais on y associera généralement un dieu gardien de la mort voire un dieu juge.

Bien évidemment, à chaque fois, j'aurais pu employer le terme "dieu" au pluriel (d'ailleurs au début de la conception de l'article c'était le cas mais ça rajoutait des (s), des (les) et des (ent) partout et c'était très moche).
Plusieurs dieux peuvent occuper une même fonction ou se partager des fonctions différentes.
De même certaines fonctions peuvent être inoccupées. Notre dieu éventuel peut aussi déléguer certaines tâches ou fonctions à des sous-dieux, des humains, des animaux ou des créatures de toutes sortes.

Bref maintenant qu'on a la nomenclature, on peut se créer notre religion en kit. Comme je l'ai déjà dit, on ne peut pas, à l'heure actuelle, démontrer la fausseté d'une religion. C'est donc vraiment un bon filon à exploiter.
Ce qui marche très fort ces 2000 dernières années c'est le dieu unique qui remplit toutes les fonctions tout seul mais qui délègue un peu à des créatures ailées, voire qui partage la fonction de gardien de la mort avec un autre dieu cornu.
L'implantation d'une vie après la mort est aussi souvent un facteur de réussite dans la création de votre religion, surtout quand il promet les pires tourments à ceux qui n'y adhèrent pas.
Il est bon de veiller à rajouter des rites, des règles et des châtiments, ainsi que de penser à prêter une volonté à vos dieux : ça préserve l'intérêt des ouailles et les fidélisent.

Mais tout évolue et aujourd'hui on a carrément des religions sans dieu, basées sur une espèce de pseudo-science ou sur des histoires de science-fiction ou encore sur le culte de l'ego comme la scientologie ou le satanisme.

Je suis agnostique

Malgré tous mes raisonnements païens et mes propos blasphématoires, je ne rejette pas totalement le concept de dieu. En fait, j'entretiens avec la religion des rapports assez complexes, un étrange mélange de fascination et de répulsion, d'intérêt et de rejet, de curiosité et de peur même.

J'ai beau rejeter le concept du dieu chrétien tel qu'on me l'appris, je n'arrive pas totalement à m'en détacher.
Même si je pense qu'il est plus probable que Dieu n'existe pas, je ne peux retenir certaines pensées purement déistes. Je maintiens un ensemble de vieux réflexes en quelques sortes, un peu comme le soldat revenu de la guerre continue à regarder derrière son épaule même s'il sait qu'il a désormais très peu de chance d'y voir un assaillant.
Je continue à essayer de maintenir un semblant d'équilibre entre le bien et le mal dans ce que je fais, je mesure mes actes suivant certains principes, pour beaucoup hérités de la morale chrétienne, et quand je veux très fort quelque chose qui ne dépend pas que de moi, je continue à me tourner instinctivement vers le Ciel ou vers une entité quelconque (dieu, chance, destin) qui m'y aiderait.

Et force est de reconnaitre que je ne suis pas en mesure de prouver que c'est vain.
La vie m'a plutôt gâté (tiens, encore une tournure de phrase un peu déiste) et les choses que j'ai vraiment voulu, dont j'ai vraiment formulé le souhait, j'ai fini, pour peu qu'elles soient réalisables, par en obtenir une bonne part bien qu'encore jeune.
Évidemment, cela a bien souvent pris des tournures évasives, presqu'ironiques parfois, rien que par le temps que ça mettait, la façon dont je finissais par obtenir ce que je désirais ou le contexte dans lequel ça arrivait.

Bien sûr, ce n'est ni une preuve, ni même un argument en (dé)faveur de l'existence d'un dieu quelconque. Bien au contraire, je cherche ici à exprimer mon incertitude à ce sujet.

J'ai fini par rejeter, sans doute pour de bon, le catholicisme et la chrétienté de manière générale car je trouvais leur vision de Dieu complètement incohérente avec le monde dans lequel nous vivons. Et puis je n'ai d'ailleurs jamais adhéré à cette histoire de Jésus. Aujourd'hui on voit partout des gens faire des tours de magie au moins aussi impressionnant que les "miracles" décrits dans l'Evangile et ce n'est pas pour autant qu'on croit leurs auteurs quand ils prétendent être un dieu incarné.
Me retrouvant donc sans religion, je n'ai pas tellement cherché à en trouver une nouvelle. Chacune présente, de là où je les vois, ses failles et ses faiblesses avec ses rites ridicules basés sur rien de concret, si ce n'est des mythes fantastiques dignes d'une roman de seconde zone.

Donc en l'absence de dieu référent pour me dire comment penser, je me créé ma propre ligne de conduite, avec ma petite logique et mes petits principes, basés sur ma maigre expérience et donc en perpétuelle évolution. En fait, je me juge moi-même selon mes propres critères.
Si un dieu quelconque veut que je me plie à sa volonté, qu'il commence par se révéler à moi de manière indiscutable et me l'expliquer. En attendant, ma volonté sera la seule à laquelle je me plierai.

mercredi 3 octobre 2007

Évolution

Évolutivement, l'Homme est dans une impasse.
Et oui, le confort moderne, les progrès de la médecine et de l'hygiène, la baisse de la natalité, les critères de choix des partenaires et le fonctionnement des sociétés modernes ont stoppé notre évolution.

Pour ceux qui n'écoutaient pas en bio, Charles Darwin nous a appris que l'évolution se faisait par l'apparition de caractères au hasard par mutations génétiques. Quand un des caractères qui apparaissent ainsi donne un avantage pour la survie, l'individu qui l'a développé a plus de chance d"atteindre l'âge de procréer pour le transmettre à sa descendance qui, elle-même, va mieux survivre et le transmettre à sa descendance. Et ainsi de suite jusqu'à ce que seule la progéniture de ce mutant ait survécu ou jusqu'à ce qu'elle ait subi d'autres mutations avantageuses en nombre suffisant pour donner une nouvelle espèce.
C'est ce même principe qui impliquait que seuls les plus forts, ceux avec les gènes les plus avantageux, survivaient et que l'espèce s'améliorait au fur et à mesure, que ce soit physiquement ou intellectuellement.

Seulement voilà, aujourd'hui on a la médecine, l'hygiène et des villes débarrassées de toute forme de prédateur, de sorte que même les enfants les plus faibles et stupides atteindront l'âge de transmettre leur patrimoine génétique et de faire ainsi d'autres enfants faibles et stupides, généralement avec des partenaires également faibles et stupides aussi qui, seuls, auront voulu d'eux.

Oui je sais, dit comme ça c'est horrible. Attention, je ne suis pas en train de dire qu'il faut rectifier le tir en tuant ou en castrant, je me contente de poser le problème.

Et le fait est que certains gènes sont plus avantageux que d'autres, qu'on le veuille ou non.
Il n'est pas question ici de couleur de peau ou de cheveux (chacune pouvant avoir une utilité évolutive selon les situations, par exemple de camouflage) mais il est clair que les gènes jouent un rôle essentiel dans la constitution physique et une certaine prédisposition à l'intelligence ou à certaines maladies.
Cette sélection dans les caractères existants est donc bloquée, mais ce n'est pas le plus gênant à mon goût.

Ce qui attriste le doux rêveur que je suis, c'est que dans le cas de l'émergence d'un nouveau caractère utile qui aurait un effet "néfaste" sur notre apparence, comme l'apparition de nageoires, de branchies ou d'une mâchoire plus puissante avec des crocs acérés, le "mutant" aurait bien du mal à trouver un(e) partenaire pour transmettre son avantage. Il en irait de même pour sa descendance et le même processus qui a jusqu'alors favorisé l'évolution entraverait la nôtre.
Quant à ceux qui ne seraient pas esthétiquement invalidants, comme une vue perçante ou une ouïe améliorée, ils ne se répandraient guère. Le fait de pouvoir détecter une odeur spécifique dans un certain rayon ne donnera pas à toutes les femmes l'envie irrésistible d'avoir un enfant de toi, alors qu'il t'aurait donné un formidable avantage évolutif en rapport avec la survie il y a de cela quelques millénaires. Ce don ne se répandra donc que dans la maigre population de ta descendance, toute aussi amenée à disparaître que n'importe quelle autre.

Les critères de choix des partenaires restent aujourd'hui les seuls vrais critères d'évolution. Et ils sont assez larges : comme on dit, on trouve toujours chaussure à son pied. De plus, ils sont assez changeants. Les canons de la beauté par exemple, qui sont un critère majeur de choix des partenaires depuis déjà un bout de temps, ont assez sensiblement varié au cours des derniers siècles, comme en témoigne le contraste entre les tableaux et sculptures de la Renaissance et les couvertures de nos magazines actuels.

Présenté ainsi, ça paraît triste pour l'humanité.
En réalité, ce que ça signifie, c'est que nous, toi et moi, sommes arrivés au sommet de l'évolution. Notre espèce n'ira pas plus haut et, si jamais une autre espèce en arrivait à notre niveau d'évolution intellectuelle, elle serait confrontée au même problème. Quand bien même elle ne suivrait pas notre voie naturellement, nous la pervertirions amicalement avec nos modes de vie et notre technologie dès les balbutiements de sa conscience et de son intelligence.

Nous sommes et resterons donc les êtres les plus évolués de cette planète, à moins qu'on ne trouve un moyen d'appliquer nous-même une sélection artificielle. À vrai dire je ne le souhaite pas du tout, et vue l'opinion qu'on garde des derniers qui ont essayé, je pense qu'on est tranquilles pour un moment.

Le monde est petit

"C'est fou comme le monde est petit !"
Cet immonde lieu commun est tellement souvent prononcé qu'il en est devenu affligeant de banalité. Il est pourtant censé n'être formulé que pour marquer le type d'évènements par définition les moins fréquents de la vie d'un homme (ou d'une femme, ou même d'un chien, voire d'un poisson rouge même si c'est plus rare qu'il en parle) : les coïncidences.

Et oui, c'est bien de cela qu'il est aujourd'hui question.
Cela nous arrive à tous, pour peu qu'on ne soit pas totalement dépourvu de réseau social, de croiser par hasard sur un forum l'ex de son meilleur ami, de retrouver un vieux pote de fac qui habite maintenant à l'autre bout du pays lors d'un séminaire en Espagne, ou encore de se rendre compte que la petite boulangère à qui on achète le pain depuis des années est en fait la nièce d'une collègue de boulot de notre mère.
C'est fou toutes ces coïncidence ! Il doit bien y avoir quelque part une forme de destin ou de providence qui nous guide vers ces faits improbables.

Et bin non. Tout ça peut s'expliquer relativement bien si on y réfléchit.
Considérant le nombre d'individus qu'on connaît dans toute une vie, ça paraît même plutôt normal, même pour quelqu'un qui n'a pas l'impression de mener une vie sociale hors du commun.
Prenons déjà toute nos familles : oncles, tantes, grands-parents, grands-oncles, grandes-tantes, cousins... On obtient souvent un réseau social extrêmement vaste rien que par la naissance. Ajoutons à cela toutes les personnes qui ont été dans chacune de nos classes pendant notre scolarité, plus tous ceux qui ont pratiqué, aux mêmes moments et niveaux, les mêmes activités extra-scolaires que nous. On peut encore rajouter les gens qu'on a connus en vacances, tous ceux avec qui on a pu discuter lors de telle ou telle soirée, ou encore ceux dont on a entendu parler sans les côtoyer plus que ça. Pour finir, pensons à tous les proches qu'on a pu fréquenter assidument à un moment ou à un autre de notre vie, ainsi que ceux qu'on a connu par leur biais (cop(a)in(es), famille, potes de potes .etc).
On arrive très vite à une masse considérable de gens dont on peut facilement se rappeler en les voyant et qu'on est au moins capable de reconnaitre. Quelque part c'est presque étonnant qu'on puisse mettre un pied dehors sans en croiser.

De plus, on s'aperçoit souvent que les soi-disant coïncidences s'expliquent souvent assez facilement de manière logique.
Si on reprend les exemples de tout à l'heure :
Ton pote avait transmis à son ex la passion que vous partagez tous les deux pour la science-fiction : il est donc normal que tu la retrouves sur ton forum Star Wars ; vous avez sympathisé avec ton pote de fac dans la même classe : vous avez eu le même diplôme et êtes employés par le même type de boite qui, logiquement, vous envoient tous les deux au même séminaire ; ta famille habite la ville depuis un bout de temps : il y avait toutes les chances pour qu'un de tes commerçants soit de la famille de quelqu'un de ton réseau sociale.

Je vais illustrer mes propos avec un exemple personnel assez marquant à mon goût :

Le jour de ma JAPD, je me suis retrouvé avec un mec que je connaissais vaguement. On avait des potes en commun, on fréquentait tous les deux le milieu mélomane nazairien, on connaissait nos groupes respectifs, peut-être même qu'on répétait en même temps, on était tous les deux bassistes... Bref en soit, le fait que nous nous soyons retrouvés tous deux convoqués le même jour et dans la même salle tenait déjà en soit d'une légère coïncidence.
Ne connaissant personne d'autre, nous avons donc passé la journée tous les deux, aussi avons-nous eu tout loisir de discuter. Et c'est ainsi que j'ai appris qu'en plus de vivre dans la même ville et d'être tous les deux bassistes, nous étions tous les deux nés exactement le même jour et qu'en plus, nous fréquentions tous les deux, de manière assez assidue, le même forum d'un site Internet pour bassistes. C'était donc une triple coïncidence.

Mais en y réfléchissant, il n'y pas vraiment de quoi s'émerveiller. La plupart de ces évènements découlaient les uns des autres.
En effet, notre date de convocation était en lien direct avec notre date de naissance, nous nous serions sans doute aperçu, si nous nous en étions enquis, que nous n'étions entourés que de gens nés pendant le mois d'octobre 1986, peut-être même tous entre le 15 et le 19.
Quant au forum, rien d'aberrant à ce que deux jeunes bassistes de 18ans fréquentent tous les deux le forum du plus gros site français pour bassiste de l'époque.
Bref la seule vraie coïncidence était que deux bassistes vivant dans la même ville soient nés le même jour. Et encore, si je recensais tous les musiciens d'à peu près mon âge que j'ai pu croiser de près ou de loin, je m'apercevrais sans doute que les probabilités qu'il y en ait un qui soit né le même jour que moi étaient loin d'être ridicules.

Cette histoire reste tout de même anecdotique, mais il est normal que des évènements pourvus d'une probabilité de cet ordre nous arrivent plusieurs fois dans une vie.
Ne gâchons donc plus nos salives à nous émerveiller sans arrêt de des pseudo-prodiges soi-disant improbables.

lundi 1 octobre 2007

L'acte désintéressé

Je ne suis pas le premier à le dire : il n'y a pas d'acte désintéressé.
Tout acte est forcément accompli dans le but de se faire plaisir à soi-même, que ce soit directement ou par le biais de quelqu'un d'autre. Même quand on s'occupe d'un ami, de ses enfants ou même d'un quidam quelconque sans y trouver de récompense personnelle, c'est que cela nous apporte une satisfaction.
Cette satisfaction peut être de différentes natures :
-plaisir personnel égoïste;
-intérêt à plus ou moins long terme;
-satisfaction du devoir accompli;
-éviter un déplaisir, une douleur ou un sentiment de culpabilité éventuel.

Evidemment, je ne peux pas vraiment le démontrer, mais j'attends encore le contre-exemple que je ne pourrais pas, d'une manière ou d'une autre, classer dans une des catégories ci-dessus.

Tant que j'y suis, je vais en profiter pour exposer un paradoxe que je trouve assez amusant. Je suppose qu'on y a déjà pensé avant moi : ce concept est survolé à la fin du film Constantine mais je m'étais fait ce raisonnement bien avant sa sortie.

Il s'agit du concept théologique que j'ai nommé concept du "vrai sacrifice", qui est en réalité un triple paradoxe.

Posons les règles de base.
Suivant la religion chrétienne, on est sensé accéder au Paradis par des bonnes actions pour autrui. Une bonne action pour autrui est forcément désintéressée, sinon c'est une action pour soi, une action égoïste, pas un vrai sacrifice.
De plus, la foi est aussi un critère extrêmement important dans l'accession au Paradis. Le bon chrétien n'est donc pas sans ignorer que les bonnes actions lavent son âme et le rapprochent du Salut.

Néanmoins, le bon chrétien qui accumule les actions de charité et de don de soi dans l'objectif d'aller au Paradis est intéressé. Ce qu'il donne en temps, biens, efforts ou souffrances, il le récupère en lavant son âme. De part sa nature intéressée, cette bonne action s'annule donc : premier paradoxe.
De plus, en soulageant la souffrance physique de la chair mortelle de son prochain, il noircit l'âme de celui-ci (la souffrance et la misère terrestes étant des critères d'accession au Paradis). Sa bonne action se change donc en mauvaise action : second paradoxe.

La vraie bonne action consiste donc à salir son âme pour laver celle des autres. Suivant ce principe, c'est ainsi en accomplissant les pires pêchés, en se rendant coupables des pires cruautés, que l'âme immortelle de son prochain à qui on inflige souffrance et misère se trouve lavée. La nôtre s'en trouvant noircie, nous n'y trouvons donc aucun intérêt et accomplissons là la seule vraie bonne action désintéressée possible : troisième paradoxe.

Un élément de plus à ajouter au discrédit de la chrétienté. C'est d'ailleurs aussi sûrement valable pour un paquet d'autres religions, en remplaçant la notion de Paradis par celle de karma ou autre.

dimanche 30 septembre 2007

Et pourquoi pas le centre ?

Allez un peu de propagande de politique :

T'es-tu déjà demandé pourquoi tu n'étais pas centriste ?

Malgré le fait que tu perdes ton temps à lire ces lignes, j'aime à penser que tu n'es pas trop stupide. Tu ne te contenterais donc pas de répondre bêtement par un simple "parce que je suis de gauche/droite rayer la mention inutile" sans t'être vraiment posé la question. Tu ne peux pas non plus t'être arrêté à l'image d'incompétence juvénile de Bayrou renvoyée par les guignols, ou par la soi-disant absence de programme du parti centriste dénoncée par ses adversaires eux-mêmes les moins pourvus en la matière.

Je sais que la gauche t'a dit que l'UDF était un parti de droite, que Sarkozy t'a répété qu'ils marchaient main dans la main avec le PS, et qu'en bon gauchiste/droiteux que tu es, tu as été tenté de croire l'un ou l'autre. Mais je crois sincèrement que tu n'es pas complètement idiot, que tu es capable de te rendre compte qu'un parti désigné par la droite comme étant de gauche et par la gauche comme étant de droite doit bien au final être au moins un peu au centre pour de vrai.

Tu ne t'es pas non plus laissé démonter par l'argumerde du vote utile, pas après la montée fulgurante de Bayrou dans les sondages des dernières présidentielles, qu'on voyait à égalité avec Ségolène au premier tour et seul vainqueur possible contre Sarkozy au second.

En fait si, je crois que tu ne t'y es pas intéressé de plus près à cause d'une de ces raisons ridicules.
Bayrouiste (ça se dit ?) convaincu, j'ai tenté de rallier à sa cause nombre de ceux avec qui j'ai débattu durant la période électorale des présidentielles (période on ne peut plus propice aux débats et aux remises en questions politiques). Je n'ai eu pour réponse de mes vis-à-vis que ce genre d'argument. Les seules personnes qui s'étaient intéressées au programme de l'UDF étaient finalement ceux qui, comme moi, avaient choisi de lui donner leur vote.

Alors peut-être fais-tu partie de ceux que je n'ai pas encore rencontrés qui, ayant pris connaissance du programme centriste, ne s'y sont pas reconnus; mais je t'avoue que j'ai plutôt tendance à penser que tu ne t'y es tout simplement pas attardé.

Tu admettras pourtant que ça vaut bien un coup d'œil, surtout à la cyberheure actuelle où, en deux clics, au lieu de perdre ton temps sur un blog quelconque, tu aurais pu être en train de consulter les programmes des uns et des autres sur leurs sites officiels.
As-tu été à ce point convaincu par un quelconque gouvernement de droite ou de gauche que tu as vu se succéder que tu estimes ta confiance en ton parti infaillible ? N'as-tu pas envie de voir si, ailleurs, il pourrait y avoir des idées au moins aussi intelligentes ?
Peut-être es-tu un militant communiste convaincu de l'essence démoniaque d'un régime prenant en compte le fonctionnement de l'économie, ou un réactionnaire persuadé qu'il n'y aura point de salut sans fermeture des frontières. Dans ce cas-là effectivement, rien ne sert de t'intéresser au centre, ne perd pas ton temps et va droit aux urnes voter pour ton petit candidat qui ne sera jamais élu, et j'ai envie de dire heureusement. Mais dans le cas contraire, tu devrais au moins jeter un œil aux propositions de l'UDF, tu pourrais bien y trouver ton compte.

Bref ce n'est pas à moi de te dire pour qui voter, mais aux prochaines élections, fais-moi le plaisir de te renseigner sur les programmes des candidats, au moins ceux vaguement susceptibles d'être élus, avant de glisser bêtement ton bulletin habituel dans l'urne.

Crois en moi

8 millions de scientologues croient que leurs problèmes viennent d'âmes extraterrestres enfermées dans leurs corps par l'ancien empereur galactique Xenu.
13 millions de mormons croient en un Jésus Christ qui aurait visité le continent américain antique, alors peuplé par des blancs "civilisés".
15 millions de juifs, 1,3 milliard de musulmans et 2,2 milliard de chrétiens croient que des créatures faites de lumière, ailées et asexuées, font l'intermédiaire entre nous et un dieu tout-puissant qui nous aurait tous créés.

Si autant de gens croient en un tel tissu de mythes invérifiables, pourquoi ne croiraient-ils pas en moi ?

Moi j'existe, je peux le prouver.

Sur les 6 milliards d'habitants de cette planète, à peine 900 millions sont sans religion. Si on fait fi des 150 millions d'athées qui refusent de croire par principe, j'arriverai bien à convaincre quelques-uns des 750 millions d'agnostiques de croire en moi et de me vénérer.
Après tout, pour être un dieu au même titre que les autres, il suffit qu'une part de la population te vénère : aucun des "dieux existants" ne fait pour l'instant l'unanimité. Quand on voit le nombre de gens à qui les Raziel, L. Ron Hubbard, Joseph Smith, Moïse, Mohammed ou autres Jésus ont fait gober leurs conneries, je ne vois vraiment aucune raison de ne pas parvenir à me faire déifier au moins par quelques illuminés.

vendredi 28 septembre 2007

Amitié et familiarité

Desproges classait les gens qui nous entourent en 5 catégories "qu'on a plus ou moins le temps d'aimer" : les inconnus (il peut s'en génocider des mille et des cent sans qu'on en soit guère affecté), les relations (essentiellement décoratives ou entretenues par politesse, pouvant parfois se muer en amitié), les copains (avec qui on entretient une certaine complicité, allant parfois jusqu'à se comprendre à demi-mot), les amis (qui se distinguent par leur capacité à nous décevoir profondément) et la femme qu'on aime.
Même si personnellement j'aurais rajouté quelques catégories, comme la famille ou les flirts, j'ai toujours trouvé cette catégorisation d'une pertinence remarquable.
Mais ce n'est pas vraiment le sujet que je voulais aborder ici.
Tu auras sans doute remarqué qu'on traite souvent mieux les personnes qu'on connait moins bien. En effet, on a tendance à envoyer plus facilement sur les roses sa propre mère qu'un vague collègue de boulot quand l'un des deux vient nous demander un service ennuyeux; en soirée, on se montre souvent plus agréable et moins agressif dans nos désaccord envers un quelconque quidam avec qui on converse depuis quelques minutes qu'avec un ami de toujours; on retient désespéremment l'horrible pet encore humide du cassoulet de la veille assis dans le tram derrière une inconnue, alors qu'on se laisse aller sans vergogne allongé à côté de la femme qu'on aime.

Ce phénomène, si répandu et pourtant si généralement mal géré, s'appelle la familiarité.
Il a brisé plus de couples que l'alcool et l'impuissance réunis, rendu invivables les réunions des familles les plus unies et, plus grave que tout, lassé les amitiés les plus profondes.

C'est vrai que c'est mal foutu quand on y pense. C'est avec les personnes qu'on connait, et souvent qu'on aime le plus qu'on se comporte le moins bien, qu'on s'engueule le plus, qu'on se laisse le plus aller, qu'on est le moins correct.
Ce quasi-paradoxe est d'autant plus délicat à gérer pour les nombreuses personnes qui peinent à exprimer devant autrui leurs émotions ou sentiments ou qui, comme moi, évitent plus ou moins volontairement de le faire.

Il existe selon moi deux moyens de le combattre : Soit s'efforcer de pas y succomber et d'être d'autant plus adorable avec ceux qui nous sont proches, ce qui a tendance à impliquer d'être aussi plus froid et plus fermé aux inconnus et aux relations, surtout quand on y ajoute un certain degré de timidité ou de misanthropie; soit en faire fi, tâcher de reconnaitre cette familiarité dans les comportements qu'elle induit et ne pas y prêter attention.
Une troisième méthode, un peu plus tordue, consiste à la prendre pour ce qu'elle est, une manifestation, certes involontaire, inconsciente et désagréable, de proximité et d'affection.
Même si j'y suis relativement peu sensible, je remarque aujourd'hui que les pires disputes que j'aie eues, les pires moments que j'aie pu connaitre et les seules larmes que j'aie versées ces dernières années étaient le fruit de cette familiarité.

Desproges distinguait l'ami par sa capacité à nous décevoir. Je distingue les personnes que j'aime en général (que ce soit d'amour familial, sentimental ou d'amitié) par leur capacité à me faire souffrir.

dimanche 23 septembre 2007

Débats stériles

Un débat est stérile dans très exactement 95,83% des cas.

Cette affirmation est doublement fausse. D'abord parce que le pourcentage exact est difficilement obtensible (je mets au défi quiconque de me le trouver pour de bon), sans doute en constante évolution et donc totalement inventé. Il n'y a qu'une chance infime que je sois tombé juste et toutes les chances pour que, même si c'était le cas, ce chiffre ait déjà évolué pendant le temps qu'il t'a fallu pour lire cette phrase.

Mais surtout un débat n'est que très rarement stérile.
Ce qui est vrai, c'est que dans une très large majorité des cas, un débat ne mène à la capitulation d'aucun des deux camps.

Attention, je parle ici des débats sur des thèmes interprétatoires ou éventualistes, pas de ces débats où deux partis ne sont pas d'accord sur un fait établi et passent des heures à se soutenir l'un l'autre qu'ils se trompent alors qu'un tour sur Wikipedia ou dans le Guiness les eut fixés en un rien de temps.
Je parle bel et bien de ces débats sur des thèmes existentiels ou politiques, sur des goûts ou des couleurs, sur les conséquences de tel ou tel évènement fictif ou réel, ces débats inutiles par essence puisque ne pouvant par définition pas trancher la question de façon absolue.

Dans ce genre de débats, s'échiner à rallier son adversaire à sa cause est souvent peine perdue. Bien sûr, il y a des exceptions, mais dans la large majorité des cas, chacun campe sur ses positions. Au pire, on coupera même sur un laxatif lieu commun de type "de toutes façons chacun ses opinions" ou autre formule tout aussi vomitivement consensuelle. L'autre éventualité, guère préférable, consiste à s'époumoner pendant des heures.
Il arrive même régulièrement qu'un débatteur à cours d'argument ne démorde pas pour autant de la thèse qu'il soutient, ce en quoi il a d'ailleurs bien raison. Après tout, ce n'est pas parce qu'on ne trouve pas les arguments ou qu'on ne plaide pas bien sa cause qu'elle en devient moins juste. Cela impliquerait que la vérité de ce que je défends dépende des seules aptitudes dialectiques de mon opposant : s'il a raison de moi, ce que j'avance est faux, si c'est moi qui gagne, c'est vrai ? On risque un sacré non-sens si je triomphe du premier avant de m'incliner contre le second.

Néanmoins, aussi buttés qu'en soient les différents participants, on doit au moins reconnaitre au débat deux vertus.
La première est l'enseignement. En effet il arrive couramment qu'on prenne connaissance, via les exemples des autres, de faits nouveaux qui nous étaient inconnus, venant s'ajouter à notre culture. Tu me diras, pour se cultiver, autant aller passer sa journée sur Wikipedia, ouvrir un bouquin ou regarder la 5, c'est moins agressif et sûrement plus instructif. Et je te répondrai que tu n'as pas tort.
La seconde, plus importante, est la remise en question. En effet, tout inflexibles qu'aient été les deux parties, une fois le débat terminé et l'affrontement remis, elles auront tout loisir d'y repenser et de profiter des contre-arguments et des exemples avancés par leur opposant pour revoir plus ou moins légèrement leurs points de vue afin de colmater les quelques brêches mises en avant dans leurs raisonnements.

Stérile donc, un débat ne l'est que rarement.