mardi 26 août 2008

Principes

L'idée développée dans un article précédent (Tout et son contraire), qu'il n'existe pas de vérité absolue démontrable, du moins en ce qui concerne les concepts moraux, nous renvoie à un des problèmes majeurs de l'humanité : la distinction entre le bien et le mal.
En effet, si rien n'est démontrable et si c'est à moi de choisir ma propre vérité, qu'est-ce qui m'empêche de la choisir comme elle m'arrange, sans tenir compte de la morale ou du bien-être de ceux qui m'entourent. D'ailleurs comment définir cette "morale".

Tu auras remarqué, pour peu que tu te sois adonné d'une manière ou d'une autre aux affres de la vie en société, que nous avons tous une vision différente de ce qui est bien ou mal. Que ce soit lors d'une bagarre, d'un divorce ou tout simplement d'un désaccord sur un sujet quelconque entre deux individus, on trouvera bien souvent sans mal des partisans à l'un et à l'autre des deux opposants. Chacun de ces alliés justifiera le point de vue ou la situation de celui dont il a pris le parti par toutes sortes de jugements moraux basés, outre ce qu'il a envie de prendre en compte et les éléments apportés à sa connaissance, sur sa propre conception du bien et du mal.

Certes on a mis en place des lois qui sont censées définir les torts de manière formelle, mais aucun de nous n'est totalement en accord avec elles, sans compter que les différents états existants ne sont pas eux-même d'accord sur toutes les lois, puisqu'ils en ont tous des différentes.

Alors comment concilier le fait de penser par soi-même avec une conception du bien et du mal qui ne soit pas opportuniste ? Mon avis sur la question est qu'il faut tout simplement se définir des principes.

Ainsi, ce qui fait de soi quelqu'un de bien, c'est la manière dont on est apte à suivre certains principes, à mettre de côté son opportunisme et ses pulsions passagères pour rester une personne fiable et affirmer sa fidélité envers certaines valeurs.
Un principe est quelque chose d'inviolable, de sacré. On ne transige pas avec un principe, on ne fait pas de compromis. Plus que l'altruisme (qui n'est finalement qu'une honorable façon de faire coïncider nos désirs avec ceux des autres), c'est la seule chose qui fait de soi quelqu'un de fiable, quelqu'un d'intègre, quelqu'un de bien. Parce qu'agir en suivant sans la moindre faille ses principes, c'est le seul moyen d'être sûr qu'on n'agit pas égoïstement en suivant bêtement ses instincts et ses désirs, comme le ferait n'importe quel animal. C'est le seul moyen de se comporter réellement en Homme.
Voici mon principe élémentaire, duquel découlent tous les autres :

Quand quelqu'un qui ne t'a jamais trahi t'accorde sa confiance, montre t'en digne ou fais-lui savoir immédiatement qu'il ne peut pas compter sur toi sur ce point.

Les corollaires de ce principe sont nombreuses :
-Ne dérobe rien à quelqu'un qui a des raisons de croire qu'il peut avoir confiance en toi (un ami) et que tu n'as pas détrompé, qu'il s'agisse de sa propriété physique ou morale (de sa voiture ou de la fidélité de sa nana).
-Sois fidèle à ton partenaire à moins de lui avoir signifié que tu ne le serais pas.
-Ne fais pas spontanément de promesse que tu n'es pas sûr de pouvoir tenir.
-Si quelqu'un se confie à toi et te demande de ne rien répéter, ne répète rien à moins que ça ne viole la confiance que quelqu'un d'autre avait déjà placé en toi et que tu avais accepté. Mais si tu dois le répéter, préviens la personne qui s'est confié à toi.
-Si, pour une raison ou pour une autre, tu préfères ne plus tenir un engagement que tu as pris, tu dois prévenir la personne concernée et obtenir son assentiment.
-Si tu ne peux absolument pas tenir un engagement (question de vie ou de mort ou alors si tu as pris involontairement deux engagements contradictoires), tu dois prévenir la personne concernée.
-Si un ami a besoin de toi (j'insiste sur le terme "besoin") et que tu peux l'aider, fais-le, sans toutefois compromettre tes principes.

Si tu veux que je puisse éprouver un réel respect à ton égard, il faudra que tu aies toi aussi des principes inviolables auxquels tu te tiens. Si tu veux acquérir ou conserver mon amitié, il faudra que tu respectes ce même principe sacré et inviolable, au moins à mon égard. Si tu veux que je n'applique pas du tout ce principe à ta personne, il te suffit de trahir ma confiance une seule fois, mais c'est irrévocable.

Évidemment, j'ai d'autres lignes de conduite qui sont assimilables à des principes sans en être, dans la mesure où elles ne revêtent guère ce caractère inviolable. Elles peuvent difficilement être suivies sans exception dans la mesure où il est aisé de les violer involontairement mais sont néanmoins importantes et je fais de mon mieux pour m'y tenir au plus près :
-Ne nuis pas et ne te mets pas sciemment dans une situation où tu risques de nuire à autrui.
-Si tu sais avoir mal agi, sache aussi en assumer la responsabilité; si tu sais que quelqu'un a bien agi, sache également lui en attribuer le mérite; si on t'attribue un mérite que tu sais ne pas avoir, rejette-le.
-Ne demande pas une permission si tu n'es pas prêt à accepter une réponse négative.
-Évite tout mensonge qui ne serve que ton seul intérêt personnel.
-Ne sois pas agressif, violent ou blessant sans raison.
-Ne dis rien sur quelqu'un dans son dos que tu ne sois disposé à lui répéter en face.
-Ne porte pas de jugement péremptoire sur un litige opposant deux personnes que tu connais sans avoir les deux versions.
-Même sans y adhérer ou t'en attendrir, tente toujours de comprendre le point de vue des autres.
-Laisse-toi guider le plus possible par ta raison.
-Ne t'apitoie pas sur ton sort; relativise en te disant qu'il existe toujours des gens qui auraient plus de raisons que toi de le faire mais qui savent garder la tête haute.
-Ne fuis pas un combat (physique) d'égal à égal s'il est justifié, ne te bats pas à plusieurs contre un et n'utilise pas d'arme si ton adversaire n'en dispose pas.
-Rien ne t'oblige à appliquer une seule de ces règles à quelqu'un qui ne les applique pas envers toi, mais mieux vaut le faire quand même dans les cas où ça ne peut pas te nuire.
-Toute vérité est bonne à entendre, toute connaissance est bonne à amasser; néanmoins tout le monde ne pense pas ainsi et tu dois accepter qu'on ne veuille pas t'apprendre ni apprendre de toi (qu'il s'agisse aussi bien de connaissances culturelles ou de savoir-faire techniques que de confidences ou de ragots).
-Occupe-toi de toi par toi-même; ne reproche pas à quelqu'un de ne pas t'aider s'il n'en a ni obligation, ni intérêt, à moins qu'il ait une dette envers toi sur un point en rapport avec l'aide que tu lui demandes.
-A contrario, quand tu demandes de l'aide, n'oublie pas qui rend service à qui : ne mets pas de bâtons dans les roues à celui qui te dépanne et collabore avec lui dans la mesure du possible.

J'ai dû en oublier pas mal, je tâcherai de les rajouter au fur et à mesure que je m'en rappellerai (je sais, ça ne parait pas sérieux mais c'est en réponse à une situation précise que j'applique telle ou telle ligne de conduite, et en sortir une liste exhaustive hors contexte n'est pas chose aisée).
Vivre toute ma vie sans trahir ces convictions est une condition nécessaire et suffisante pour que je puisse me regarder dans un miroir en me disant que je suis quelqu'un de bien. Si j'ai des enfants et que j'arrive à leur transmettre ces directives et la discipline nécessaire pour s'y tenir, j'estimerai avoir réussi à servir à quelque chose en ce bas monde.

mardi 19 août 2008

Moment d'humilité

Notre monde recèle tellement de richesses.

Il existe plus de sciences que je ne pourrais en étudier, plus de livres que je ne pourrais en lire, plus de paysages que je ne pourrais en contempler, plus de plaisirs que je ne pourrais en savourer, plus de gens que je ne pourrais en rencontrer, plus de régions que je ne pourrais en visiter, plus de phénomènes que je ne pourrais en appréhender, plus de mets que je ne pourrais en goûter, plus de jeux que je ne pourrais en jouer, plus de mots que je ne pourrais en prononcer, plus de langues que je ne pourrais en parler, plus d'images que je ne pourrais en observer, plus de musiques que je ne pourrais en écouter, plus de sports que je ne pourrais en pratiquer, plus de femmes que je ne pourrais en aimer, plus de possessions que je ne pourrais en amasser, plus de films que je ne pourrais en regarder, plus de communautés que je ne pourrais en fréquenter, plus d'outils que je ne pourrais en utiliser, plus de combats que je ne pourrais en mener...

Ce genre de constat est une source inépuisable de frustration, de réjouissance, et surtout d'humilité. J'imagine que personne ne m'en voudra d'en manifester un peu pour changer.

lundi 4 août 2008

Et si on parlait de moi ?

Je viens d'effectuer deux tests de personnalité et les deux résultats, étonnamment similaires, m'inspirent quelques réflexions concernant ma petite personne que j'aimerais partager avec toi.

Tu es en droit de te demander ce qui peut bien me pousser, après tous ces mois de silence, à revenir ici t'assommer de mes soporifiques velléités d'introspection alors même que je m'étais engagé à ne point trop m'étaler sur le récit de ma propre petite vie.
Moi-même, je dois avouer que je ne suis pas sûr des raisons qui me poussent.
Bien sûr je pourrais prétendre que j'ai peur d'oublier ma pensée avant de l'avoir formulée, que je n'ai personne sous la main à qui la confier et qu'après tout, ça revient moins cher qu'un psy et que quand on a envie de s'entendre parler, on peut bien se contenter de se regarder écrire.
Mais peut-être aussi cette soudaine poussée de volonté autobiographique est-elle liée à la cause même de mon si long silence en ces pages. Peut-être me suis-je rendu compte du ridicule et de la vanité de ma démarche en étalant publiquement ici mes idées faciles, mes bons mots et mes pensées intimes. Peut-être ai-je enfin fait le deuil d'un blog visité et intéressant qui que ce soit d'autre que moi, où l'emploi de la deuxième personne aurait eu une raison d'être autre que la pure rhétorique. Si la première phase de ce deuil fut le désintéressement, occulté de manière assez pratique par l'excuse d'un manque de temps ayant entrainé une perte du réflexe de venir ici noter mes excentriques raisonnements périodiques, la seconde en est sans doute de finir par le considérer enfin comme ce qu'il est et le traiter comme tel : comme le fond du tiroir où vient s'échouer ma plume pour mon propre et seul plaisir, et non pour l'hypothétique appréciation d'un lecteur improbable égaré en ces pages et nouvellement pétri d'une admiration aussi béate que naïve à mon endroit.

Bref, pour en revenir à mes tests de personnalité et aborder la partie de cet article qui ne présenterait réellement aucun intérêt, même pour un mythologique lecteur régulier de mes tribulations bloguesques, je suis troublé. Il s'avère que deux tests relativement différents et d'origines distinctes, chacun débordant de prétentions socio-philo-psychologiques sous-jacentes, me diagnostiquent en gros la même personnalité.

Pour faire court, ils me servent grosso modo le profil type de l'intello associal.
Je serais quelqu'un de très curieux, analytique, éprouvant un fort besoin de comprendre et de décortiquer un peu tout ce qui l'entoure. Jusque là, je suis plutôt d'accord et, en un sens, presque flatté. Ces résultats vont même jusqu'à m'accuser d'une certaine autosatisfaction, d'une distance émotionnelle et d'un rejet de l'autorité qu'une analyse se voulant honnête m'a bien forcé à déceler en moi.
Là où ça se complique, c'est quand ils veulent explorer mon comportement social, me décrivant volontiers comme un reclu, poussant même le vice jusqu'à prétendre que je préfère écouter plutôt que de parler, que je n'aime pas me mettre en avant, que je suis avare de mes connaissances et de mes observations et que je devrais apprendre à mieux communiquer et à m'exposer un peu plus.

Là je m'insurge ! La démarche de quelqu'un qui va faire ce genre de test n'a-t-elle justement pas pour objet de s'écouter parler, comme lorsqu'on va chez un psy ou qu'on écrit un bouquin, un article ou encore un blog ? Tous ceux qui me connaissent savent sans doute qu'il s'agit là d'un de mes gros défauts, découlant comme la plupart des autres de mon égocentrisme flagrant, de vouloir sans arrêt qu'on s'intéresse à moi. Sinon pourquoi aurais-je créé ce blog pour ensuite m'en détacher dès lors que je me suis rendu compte qu'il n'intéresserait personne durablement ? Pourquoi m'efforcerais-je, comme toi sans doute, d'élever la voix en soirée dès que j'ai l'impression d'avoir quelque chose de vaguement intéressant à dire ? Pourquoi me donnerais-je tant de peine à contredire ouvertement ceux avec qui je suis en désaccord, ou à renseigner ceux qui me demandent mon avis ? Ces tests n'ont-ils donc pas vu tout l'orgueil dont devaient regorger mes réponse, à peine camouflé sous un nuage de curiosité et ma sempiternelle distance émotionnelle ?

Quelque part on a quasiment tous besoin d'attirer l'attention. Peut-être en ai-je un peu plus besoin que les autres, ou peut-être l'avoué-je tout simplement plus facilement. Quoiqu'il en soit, je dois reconnaitre que de tous les défauts dont je m'avoue être affublé, c'est sans doute celui que j'ai le plus de mal à assumer et qui me procure le plus de honte, peut-être à cause justement de sa déplorable banalité.
Le serpent se mord encore une fois la queue. L'originalité est devenue un tel garant de l'intérêt d'une personne que nous cherchons tous à l'atteindre. Du coup, rien n'est plus commun que de vouloir être unique, et cette seule volonté suffit à nous maintenir dans notre fadaise. De même que j'ai dû me rebeller contre ma rébellion, vais-je devoir en son nom tourner le dos à ma recherche de l'originalité et de l'intérêt d'autrui ?
Fort heureusement non, car cette banalité est un moindre mal face au réel drame des sociétés humaines, où bon nombre de simili-individus s'acharnent encore à se fondre dans la masse et n'ambitionnent qu'à tout faire comme le voisin en une attitude à la source même de l'immobilisme qui a miné notre progrès et décoré les plus sombres heures de notre Histoire.