mercredi 28 novembre 2007

Tout le monde se plaint

C'est un des domaines dans lesquels les Français sont particulièrement performants, se plaindre. Je ne sais pas à quel point c'est vrai dans les autres pays, mais tu reconnaitras que nous autres Français sommes extrêmement doués lorqu'il s'agit de trouver un sujet de complainte. On est les champions du monde incontestés de la grève. D'ailleurs qui voudrait contester un titre pareil ? Même les grévistes les plus acharnés clament haut et fort, et peut-être même de bonne foi, ne pas aimer la grève.

Passons outre les professions les plus évidemment admises comme pénibles : maçon, pêcheur, boulanger, docker, infirmière libérale etc. Contentons-nous juste de noter brièvement au passage que ce ne sont d'ailleurs pas forcément ceux qu'on entend le plus se plaindre, tout du moins à la télé et dans les journaux.
Mais va parler de son boulot, par exemple, à un prof. Il t'entretiendra longuement de ses corrections de copie, de la préparation de ses cours qui lui mange toutes ses prétendues vacances, de l'indifférence, du mépris et même de la violence de ses élèves.
Montre de l'intérêt pour son travail à un cheminot, il t'expliquera tout de la pénibilité d'être mobilisable 24h sur 24 pour devoir voyager et parfois rester loin de sa famille, de sa responsabilité quant aux passagers de son train et des accidents de voie qui prolongent un trajet bien au-delà des prévisions.
Un flic te rabâchera ses histoires de pavés dans la gueule et de conflits permanents avec les jeunes des cités, un jeune des cités te sortira le couplet sur les contrôles incessants et les passages à tabac sans raison.
L'artisan ou le patron te détailleront le sens des mots charge de travail, responsabilité, risque et pression, sans doute aussi bien d'ailleurs que le cadre qui ramène chaque soir chez lui des piles de dossiers.
Même les vedettes de sport ou de cinéma se plaignent sans arrêt d'être harcelés par les paparazzi, ou même tout simplement par leurs fans.
Je m'arrête là pour l'instant, mais je me porte garant du fait que, quel que soit le boulot ou la situation, en demandant à la bonne personne, tu recueilleras sans peine toutes sortes de lamentations.

Attention, je te vois encore commencer à mal interpréter mes propos. Je ne suis pas en train de dire qu'aucune de ces doléances n'est justifiée, pas plus d'ailleurs qu'elles ne le sont toutes.
Je ne cherche pas non plus à montrer qu'aucun travail n'est plus pénible qu'un autre ou que le boulot pénard n'existe pas. Au contraire, je pense qu'il existe, mais que c'est peut-être la personne capable de l'apprécier qui n'existe pas (ou en tous cas qu'il existera toujours une personne capable de ne pas l'apprécier).

Mais alors comment apprécier la juste pénibilité d'un travail ?
La charge horaire ? Mais 12h d'un travail intéressant ou dérivatif sont-elles plus pénibles que 8h d'un labeur écrasant ? Les deux points de vue semblent se défendre.
La fatigue physique ? Le stress des responsabilités ou d'une sollicitation permanente n'y est-il pas au moins équivalent ? Fatigue physique contre fatigue morale, c'est également un débat épineux qui mérite d'être ouvert.

La plupart des gens pratiquant un travail physique ont tendance à développer un certain mépris pour ceux qui ont un travail de bureau, ainsi qu'à émettre de fortes réserves quant à la pénibilité d'une fonction basée sur des "efforts intellectuels" (le contraire est aussi évidemment vrai mais mon expérience tend à montrer que c'est nettement moins marqué, même si elle est, comme toute expérience humaine, limitée, et donc les conclusions qui en découlent sujettes à caution). Néanmoins, on s'aperçoit bien souvent, chez les ouvriers promus cadres par exemple, que ceux qui passent d'un travail manuel à un "poste à responsabilité", sans composante réellement physique, ont tendance à trouver leur nouveau travail plus fatiguant et en viennent presque à regretter leurs anciennes charges.
Cela veut-il dire pour autant que la fatigue intellectuelle est moins supportable que la fatigue physique ? Ce n'est pas là mon propos pour autant.
Je pense que le principe du "tout le monde se plaint" et sa corrolaire dite du "c'était mieux avant" sont pour beaucoup dans le résultat de cette évaluation a posteriori des deux types de fatigue. Mais ça tend quand même à montrer que, bien que les deux soient différents, il n'est pas si évident que ça que l'effort physique soit plus dur à fournir que l'effort mental.

On avance aussi souvent comme mesure de pénibilité l'influence sur la santé, avec les malheureusement trop communs maux de dos, problèmes respiratoires, troubles moteurs et autres avaries dues soit au travail en lui-même, soit aux accidents qu'il a suscités.
De même, on s'aperçoit également de plus en plus de l'émergence de certains impacts des fonctions de bureau et de direction : le fameux karoshi, mort subite due au stress des travailleurs japonais ou encore plus près de chez nous les vagues de suicide dans les technocentres français.

Bref tout ça pour dire qu'on dispose à peu près d'autant de moyens de mesurer la pénibilité de notre travail que de raisons de s'en plaindre, mais qu'ils ne sont malheureusement guère plus fiables que nos complaintes.

Et pourtant, quoiqu'on en dise, les situations s'améliorent globalement. Aujourd'hui, les comptables ont un ordinateur, les taxis ont un GPS, le bâtiment a de nouvelles machines, les postes ingrats de travail à la chaîne tendent à être occupés par des robots (ou des Chinois !), les mécaniciens ont affaire à plus d'électronique et à moins de cambouis, les cheminots ne passent plus leurs journées dans le charbon.
La courbe du temps de travail est globalement décroissante sur le dernier siècle (et sans doute sur les précédents) et les conditions s'améliorent petit à petit dans quasiment tous les domaines.
Alors bien sûr, n'éloignons pas pour toujours la critique constructive et l'indignation pour les situations qui restent abusives, mais tâchons de relativiser nos soucis et peines actuelles, par exemple en les comparant avec ceux de nos anciens. On se rendra peut-être compte qu'il n'y a pas tant que ça de raisons de se plaindre, et que, même si tout n'est pas encore pour le mieux, ça va globalement dans le bon sens.

jeudi 15 novembre 2007

Tout et son contraire

Au fil de mes réflexions, j'ai fini par acquérir la certitude qu'on pouvait démontrer à peu près tout et son contraire.

A peu près, car il existe encore certaines notions irréfutables qu'on peut aisément démontrer par l'exemple : tu ne pourras pas me démontrer que les corbeaux noirs n'existent pas car je devrais sans peine pouvoir t'en montrer 3 ou 4. En revanche, cette certitude irréfutable laisse un champ libre à de nombreuses (une infinité de ?) notions réfutables et donc discutables. Exemple : existe-t-il des corbeaux blancs ? Le fait qu'on n'en ait pas vu n'implique pas forcément qu'ils n'existent pas. Et chacun ensuite de donner libre à cours à son argumentation pour tenter de démontrer la (non-)existence des corbeaux blancs selon sa propre conviction en la matière.
Je sais, présenté comme ça, cet exemple semble stupide, on n'arrive pas tellement à envisager qu'on puisse débattre d'une telle futilité. Mais pense au nombre incalculable de débats concernant par exemple l'existence d'extra-terrestres, du monstre du Loch Ness, des fantômes ou même de Dieu : autant de corbeaux blancs dont la preuve irréfutable de l'existence n'a encore pas vraiment pu être apportée et au sujet desquels les croyances personnelles, pourtant opposées, peuvent se justifier, d'un côté comme de l'autre, par une pléthore d'arguments plus ou moins contestables.

Et ce concept de notion réfutable ne se limite pas qu'à l'existence des entités ou des phénomènes, elle est applicable à de nombreux domaines, que ce soit l'idéologie politique, la morale, l'utilité, la cause ou le fonctionnement de tel évènement .etc

D'ailleurs il est relativement flou, ce concept de réfutabilité. Descartes vous expliquerait mieux que moi que ce n'est pas parce qu'on croit voir des corbeaux noirs qu'ils existent vraiment. Même ce qui semble ou qui est généralement considéré comme irréfutable ne l'est pas toujours.
En fait la vérité c'est qu'on ne peut rien démontrer de manière irréfutable, pas même qu'on ne peut rien démontrer, à part peut-être ce bon vieux cogito, ou certains raisonnements mathématiques basés sur des concepts abstraits simples et clairement définis. Tout raisonnement se base sur des axiomes, des exemples, des idées admises qui ne sont jamais totalement établis.
Nos démonstrations et nos justifications, tous ces raisonnements par lesquels nous tentons de justifier nos actions ou nos points de vues, tout cela n'est que du vent.

J'ai bien conscience qu'avec une telle affirmation je saborde mon propre navire, confessant l'édifiante vanité aussi bien de ce blog que de tous les raisonnements qui m'ont amené à en construire chaque article. À vrai dire c'est à ma conception de la pensée toute entière, basée autant que faire se peut sur la raison et l'objectivité, que je porte l'estocade.
Ça y est, tu as enfin trouvé la faille, je suis vaincu, tous ces raisonnements que j'ai construit ne sont que du vent et il ne tiendrait qu'à meilleur argumentateur que moi d'en démontrer le contraire pour chaque point abordé.

En fait je n'en suis pas si sûr. De même que la démocratie, bien qu'imparfaite et attaquable, reste sans doute, à mon goût et je ne suis pas le seul, le meilleur régime dont nous disposions, un système de conception de ses propres idées et valeurs par la raison et la justification de ses points de vue est certainement la façon la plus sure de procéder.
Après tout, de quelles alternatives disposons-nous ? Se contenter de ce qu'on nous apprend, calquer nos idées sur celles de nos parents, de nos anciens, de notre religion ou sur les lois de notre état ? Tout cela revient à se fier au jugement partial et contestable de quelqu'un d'autre. En quoi ce quelqu'un d'autre serait-il plus qualifié que moi pour savoir ce que je dois penser ?
Je suis le plus apte à décider de mes propres pensées, c'est pourquoi je continuerai de réfléchir comme je le fais, construisant mes raisonnements sur les faits les plus sûrs et les plus établis, donc souvent les plus basiques ou les plus scientifiques, bref ceux dont la probabilité de véracité me semble la plus importante. Et je continuerai de considérer que, jusqu'à preuve du contraire, ce que je tire de mes réflexions est ce qui doit être le plus proche de ma vérité.

dimanche 11 novembre 2007

Démocratie

Plus ça va, plus je me demande si les gens sont vraiment dignes de la démocratie. Diriger un pays, choisir sa ligne de conduite économique, sociale, militaire, sécuritaire, c'est une tâche ou plutôt un ensemble de tâches qui dépasse de loin le ressort du Français lambda. Et c'est pourtant à lui qu'incombe la responsabilité de choisir plus ou moins ou hasard le plus apte à les remplir parmi les nombreux incompétents qui lui sont proposés.
En effet, de toutes les lignes de conduite envisageables, il y en a forcément une qui, à une conjecture donnée, est globalement préférable aux autres. On peut donc supposer que parmi les différents candidats, il y en a un qui sera globalement préférable aux autres, un homme de la situation.

Et comme je l'ai dit, le Français choisit cette personne plus ou moins au hasard.

Déjà parce que personne ne peut vraiment savoir lequel c'est, le bon. Même parmi les meilleurs politiciens, les plus prestigieux économistes, les dirigeants les plus compétents, il en est de droite et de gauche qui auront généralement des opinions sensiblement différentes sur le choix de l'homme de la situation, notamment en période électorale.
Ensuite, quand bien même le Français aurait un moyen de savoir quel candidat est le meilleur, il n'en prendrait pas forcément le temps. Il prend déjà tout juste celui de se demander lequel lui plaît le plus.

Soyons honnêtes, de manière générale, quels sont les critères du choix de notre bulletin de vote ?

Notre orientation politique, tout d'abord. On la définit en général assez tôt dans notre vie et souvent pour d'assez mauvaises raisons. On suit l'exemple ou les idées parentales, on se fait un avis sur le bref résumé des différents camps qu'on a demandé à un ami à peine plus instruit de nous faire, on se base sur l'image d'un candidat ou la réputation d'un parti... Autant de circonstances qui font de nous, en un minimum de temps et d'efforts, un mec ou une nana de droite ou de gauche.
Et la plupart d'entre nous préférerait souvent voir pendues haut-et-court les valeurs républicaines que de changer de bord, se confortant soigneusement dans cette conviction superficielle avec des raisonnements choisis et des interprétations arrangeantes, l'extrémisant parfois même au gré des déceptions et des amertumes. Le gauchiste lit l'Huma, le droiteux lit le Figaro et chacun campe sa position contre vents et marées.

S'il n'y avait que ça, on aurait sensiblement toujours les même résultats aux différents élections. Mais il existe aussi une frange de la population qui n'a pas de parti pris intouchable et qui pourra varier son vote. C'est d'ailleurs à cette frange de la population, sans doute pas si importante, que s'adressent les couteuses et médiatiques campagnes électorales.
N'allons pas trop loin quand même dans l'adulation de ces heureux garants de l'utilité du système électorale. Car ces gens votent souvent sans réfléchir, sans chercher plus loin, sans savoir pourquoi ils votent. Ils voient un Chirac marrant et débonnaire aux guignols et l'élisent sans en savoir plus sur sa capacité à être un bon dirigeant ou son niveau d'incompétence. Ils se font une idée morale, jugent sur les scandales privés révélés dans Paris Match ou sur un abus de langage ou encore une expression un peu trop imagée qui fait polémique dans tous les journaux. Ils oublient l'essentiel, jugent par l'apparence, votent par sympathie, s'indignent de concert avec le candidat sur le discours duquel ils tombent en zappant sur le 6minutes entre le Bigdil et la roue de la fortune, dénonçant une insoutenable injustice et l'attribuant à ses adversaires. Ils décident alors que celui-là n'a pas l'air trop con et que ça vaudra bien qu'on lui accorde son bulletin.

Après tout il faut bien en choisir un. Car oui il faut voter ! J'ai déjà écrit un article là-dessus (cf Tous aux urnes!), je t'invite donc à le lire pour en savoir plus sur le mépris que ce genre de formulation m'inspire.

Comme le disait Desproges, "La démocratie c'est la dictature exercée par le plus grand nombre sur la minorité", et le fait est que le plus grand nombre est bien souvent très loin d'être compétent dans le rôle de dictateur.

Malgré tout, je continue de croire que c'est le meilleur système dont nous disposions. Mieux vaut risquer de se laisser guider par la stupidité de tout un peuple que par la folie d'un seul homme. Même si je trouve beaucoup d'arguments pour la dénoncer et peu pour la défendre, les alternatives (monarchie, oligarchie, anarchie...) me répugnent a priori bien plus encore. Il faut se faire à cette idée, on n'a pas encore inventé de façon idéale de diriger les Hommes. Tâchons donc, quoi qu'il nous en coute, de protéger au mieux et de nous montrer le plus digne possible des valeurs du régime que nous avons choisi, et qui, lui, continue de nous laisser le choix.

jeudi 8 novembre 2007

C'est chiant !

D'habitude je ne raconte pas ma vie au jour le jour comme le font les vrais décérébrés dans leurs vrais blogs, mais là je suis en pleines révisions d'éco et je crois qu'il n'y a rien de plus chiant alors il me faut bien un échappatoire. Du coup on va essayer de trouver ensemble tous les trucs vraiment très chiants qui sont quand même moins chiants que de passer sa soirée à réviser de l'économie d'entreprise. On se répartit le travail : moi je trouve les idées, je les sélectionne, je les formule, je les mets en forme et je les publie. Toi pendant ce temps-là comme d'habitude tu restes là à glander la gueule ouverte et à attendre que j'aie fini.

Donc réviser de l'éco :
-c'est encore plus chiant qu'un dimanche après-midi passé vautré devant TF1 à enchainer Télé Foot, 30 Millions d'Amis et VideoGag.
-c'est encore plus chiant qu'une panne de courant après trois heures à taper un rapport sans sauvegarder.
-c'est encore plus chiant que de se casser une jambe le premier jour de ta semaine de ski.
-c'est encore plus chiant qu'une messe de 2h30 un jour d'enterrement.
-c'est encore plus chiant que de tomber en panne d'essence en pleine nuit sur une route de campagne au milieu de nul part.
-c'est encore plus chiant que d'avoir une grosse réunion de famille obligatoire le soir du premier de l'an.
-c'est encore plus chiant que les vieux campagnards qui racontent leur vie au journal de 13h.
-c'est encore plus chiant que de se taper 15h de route d'affilée sans autoradio.
-c'est encore plus chiant que de se faire tenir la jambe sous l'arrêt de bus par une vieille dépressive qui te raconte en détail les misères que son ex-mari et ses enfants lui font subir.
-c'est encore plus chiant qu'un film d'auteur suédois néo-contemporain traitant des troubles émotionnels causés par la ménopause chez les ménagères russes.
-c'est encore plus chiant que d'atterrir dans un mariage au fin fond de la cambrousse où tu ne connais absolument personne et où tu peux pas boire parce que c'est toi qui doit conduire pour rentrer.
-c'est encore plus chiant que d'avoir paumé le trousseau avec tes clés de bagnole et de maison le lendemain du jour où ta copine est partie passer la semaine chez sa mère dans le Bas-Poitou.
-c'est encore plus chiant que l'ascenseur qui tombe en panne pile le jour où tu vas faire tes courses pour la semaine.
-c'est encore plus chiant que de faire la queue pendant une demi-heure au RU pour voir le connard devant toi prendre la dernière pizza.
-c'est encore plus chiant qu'un épisode hors-série dédié aux vacances de Derrick en Normandie.

Je sais, je tape beaucoup sur la campagne, la télé et les vieux, mais j'y peux rien. Dans l'inconscient collectif - ou en tous cas dans le mien - ce sont, avec les contrôles d'économie des secteurs productifs, la musique électronique et les bouchons du vendredi soir, sans doute les quelques concepts les plus synonymes de chiantise et d'emmerdement. Et pis je m'emmerde, et le fait est que quand je m'emmerde je deviens con, grossier et sujet à l'humour lourd, facile, méchant et pas drôle.

Pas merci de ton incompréhension.

mardi 6 novembre 2007

L'esprit de communauté

Qu'est-ce qui rassemble vraiment tous ces gens ?
Je me suis posé cette question un paquet de fois, que ce soit en contemplant les ola d'un stade de foot rempli à craqué, en zappant sur des images des millions de personnes conglomérées aux JMJ ou en pataugeant dans la boue au milieu des hordes de chevelus tatoués d'un festival de metal.
Une passion partagée ? A vrai dire, c'est la première réponse qui m'est venue à l'esprit, la plus évidente peut-être. Mais la passion n'explique pas tout. Si le metal n'est qu'une histoire de musique, pourquoi avoir tous les mêmes tee-shirts noirs ou les mêmes cheveux longs ? Si le football n'est qu'une histoire de sport, quid de ces clubs de supporters qui passent leur temps libre à se retrouver pour préparer ensemble chants et bannières ?

La passion est un moteur puissant qui attire, fédère les gens autour d'un évènement. Mais ce qu'ils viennent chercher, ce qui les rassemble jusque dans leurs apparences ou leurs attitudes, c'est tout simplement la satisfaction de se sentir partie intégrante d'une communauté.

L'Homme est un être social, un mouton qui cherche perpétuellement à se fondre dans le troupeau.
D'ailleurs quoi qu'en disent les soi-disant rebelles, du rappeur au punk en passant par le teuffeur, le métalleux ou même le geek, eux-même suivent les codes de leur propre communauté, que ce soit au niveau de la musique, de l'apparence, de la façon de s'exprimer, bref de l'attitude en général.

Oh bien sûr j'entend d'ici le coreux me brandir son "Love the music hate the kids" et me gromeler que dans son cas il n'est certainement pas question de besoin communautaire. Je vois déjà toute la scène, je vais lui demander si l'on doit au seul hasard la précision de la cohérence de son goût en matière de tatouage, de son look et de ses danses dans les pits en concert avec les codes et standards de la communauté hardcore. Et lui de me répondre, avec l'aplomb de celui qui croit profondément à son propre bobard, que oui c'est ses goûts, que ça s'est développé comme ça ou encore que tout ça a plus à voir avec la musique qu'avec la communauté.
J'ai pris l'exemple du coreux mais j'aurais pu choisir celui du métalleux, ou encore demander à un footeux s'il lui arrive souvent d'aller au stade tout seul. J'aurais d'ailleurs peut-être eu droit au même déni.

Car en effet, cette idée ne plait pas à tout le monde. Beaucoup aiment à considérer leur passion comme leur seul moteur, la plupart le croient d'ailleurs sincèrement. Et on ne peut pas nier que c'est effectivement une motivation essentielle pour la majorité.
Moi-même, pour reprendre l'exemple du metal, j'ai longtemps cru que mon investissement dans cette musique tenait à mon seul amour pour elle. Mais cette arrangeante vision des choses n'a pas résisté bien longtemps à un examen approfondi avec quelques véléhités d'objectivité. Même si j'ai toujours voulu avoir les cheveux longs depuis tout petit, ce n'est sans doute pas un hasard si je n'ai fini par vraiment les laisser pousser qu'en me mettant au metal et en ayant des copains qui le faisaient déjà; malgré ma volonté marquée de libre pensée et d'un certain dosage d'originalité dans ma vie en général, je me retrouve à porter les mêmes tee-shirts noirs à l'effigie de mes groupes préférés que mes collègues de concert; et bien que sur le papier ça ne me dérange pas plus que ça, je suis bien conscient qu'en pratique il faudrait vraiment un cas exceptionnel ou un groupe immanquable pour que je finisse par aller à un concert tout seul.

Après tout, j'ai mis du temps à découvrir et à apprécier petit à petit différents groupes ou différents styles de metal. Même si ça ne remet pas en cause ma passion pour la musique, dont je suis certain sans l'ombre d'un doute et de toute la force d'objectivité dont je dispose qu'elle n'est pas feinte, je ne peux m'empêcher de me demander si, sans aspect sociale et communautaire, sans pote pour me guider, je serais tombé aussi profondément là-dedans.
Peut-être serais-je juste passé à autre chose.

Je m'attarde lourdement sur la musique car c'est l'exemple qui me touche le plus.
Mais c'est en religion, je pense, que le poids de la communauté est le plus important. En effet, mise à part sa quête insensée consistant à chercher des causes à l'inexpliqué - qui n'habite d'ailleurs plus guère le citoyen lambda du monde d'aujourd'hui, à qui la science fournit presque toutes les réponses et qui ne cherche bien souvent même pas à les connaitre - quelle autre raison pousse l'Homme à la religion ? C'est par la communauté que la religion s'est imposée, par les prétextes qu'ils fournissaient à chacun pour critiquer son voisin que ses principes se sont assis et ont fondé la morale et la culture actuelle. C'est encore la communauté que les hommes viennent chercher en religion, plus encore à mon avis que le culte de Dieu, que ce soit dans l'enceinte d'un monastère, sur le parvis ou les bancs d'une église ou encore à même le sol du site de rassemblement des JMJ.

Qu'on l'assume ou non, l'immense majorité d'entre nous a besoin de la communauté. Nous tendons à nous fondre dans la masse au moins autant qu'à s'en démarquer, nous recherchons presque toujours la reconnaissance d'une société ou d'une autre en nous pliant à ses codes.
Nous avons besoin de contact, d'attention, de légitimation. Et se retrouver avec des gens qui partagent la même passion est pour nous le parfait prétexte pour les obtenir. Et je suis convaincu que c'est cet aspect, sans doute plus que tout autre, qui motive les rassemblements de masse dont nous sommes aujourd'hui témoins et acteurs réguliers.

lundi 5 novembre 2007

Mort et suicide

J'ai peur de beaucoup de choses, mais pas de la mort.
En fait, c'est loin d'être aussi simple, j'ai un rapport à la mort assez précis et défini, mais également assez complexe.

Déjà je n'ai pas la prétention d'être exempt de la peur instinctive de la mort, cette crainte ancestrale, ancrée profondément au fond de nos cerveaux reptiliens, cet instinct de survie qui, dans un réflexe d'auto-préservation naturel, nous poussera toujours à choisir la vie dans une situation où l'alternative est la mort, et où on n'a pas le temps d'y réfléchir plus avant.

Mais la peur consciente, cette angoisse constante et viscérale qui semble avoir inspiré les plus grands, de Pierre Desproges à Woody Allen, cette peur-là je ne l'ai pas vraiment.
Ce qui me fait peur dans la mort, c'est plus son annonce, la condamnation, qu'on me donne une idée de l'heure. J'ai plus peur en fait, de me voir diagnostiqué demain un cancer qui me tuera en dix ans que de mourir sous les roues d'un camion dans une heure, même si l'instinct de survie dont on parlait tout à l'heure me ferait sans doute préférer le premier si l'opportunité d'un tel choix se présentait.

De plus, je n'ai pas vraiment de croyance consciente et réfléchie en un quelque chose après la mort.
Tu me diras, en partant du principe qu'elle n'est pas une fin en soi il y a d'autant moins de raison de la redouter, si ce n'est la crainte du Jugement. Mais, dans l'hypothèse d'un jugement de notre vie, tel que prévu par les religions chrétienne ou boudhiste, je refuse de croire qu'on puisse être jugé juste sur ce qu'on a fait dans le cas d'une mort prématurée : ça impliquerait que la date de notre mort soit un critère plus important que notre capacité à faire le bien dans le futur; de même, je rejette cette notion chrétienne de repentir qui suppose que la date de sa dernière confession décidera du sort du défunt pour l'éternité.
Et si, comme ma raison aime à le croire, il n'y a rien après la mort, alors qu'est-ce que ça peut bien me foutre, d'être mort ? Je n'en ai théoriquement rien à tamponner si je n'en ai pas conscience.

Attention, je n'ai pas peur de la mort, ça ne veut pas dire que je n'aime pas la vie. J'aime beaucoup la vie : je savoure au mieux ses aspects positifs et supporte très bien ses aspects négatifs auxquels j'ai été confronté jusqu'ici. Si on me demande mon avis, j'aime autant qu'elle se prolonge le plus longtemps possible.
De toutes façons on va tous mourir, et vu qu'une fois que c'est fait, c'est fait, et qu'on en a a priori plus conscience, peu importe le moment.
Et puis mieux vaut être mort et ne pas en avoir conscience, que d'avoir une vie malheureuse et de le savoir.

Je te vois venir, tu as envie de pousser mon raisonnement jusqu'au bout et de prendre ça comme une incitation au suicide. Evidemment, et j'ai envie de dire comme d'habitude, tu as tort, tu déformes mon propos et tu vas me faire perdre encore un peu plus de mon temps à te détromper.
Le suicide est la solution de facilité, c'est la solution des faibles et des lâches. En fait ce n'est même pas une solution, dans le sens où il ne résoud absolument rien. C'est juste la fuite poussée à son niveau maximum.
Je sais que c'est facile à dire, du haut de mon trône de bonheur facile, vautré que je suis dans les joies de la normalité physique et intellectuelle, de la jeunesse, de l'aisance financière et de la bonne santé. Mais le fait est que la plupart des suicides ont pour moteur, outre une grosse défaillance de la santé mentale, un profond égocentrisme. J'en veux pour preuve la différence de taux de suicide entre les pays riches et les pays pauvres. Les gens ne se suicident pas parce qu'ils sont malheureux, mais parce qu'ils sont incapables de relativiser leur malheur. En comptant 6milliards d'habitants sur Terre, il y en a forcément 5 999 999 999 qui ne sont pas la personne la plus malheureuse du monde. Et je suis sûr que ça doit arriver régulièrement que le 6 milliardième ne se suicide pas pour autant. Quand bien même il le ferait, on n'a qu'à refaire le même raisonnement avec le 5 999 999 998è et ainsi de suite. On finira bien par en trouver un qui ne suicide pas, sinon tous les habitants de la planète seraient déjà morts de leur propre main.
Et je reste persuadé que dans la plupart des cas, même une vie faite essentiellement d'efforts, de souffrance ou d'ennui peut régulièrement être éclairée, pour peu qu'on se donne la peine de les provoquer et de les apprécier, d'éclaircies de plaisir et de joie. D'autant plus que notre cerveau sait s'adapter, et que moins on a de bonheur, plus il est facile de l'atteindre. J'en veux pour exemple la comparaison des Noël où nos parents étaient enfants, où un train en bois suffisait à inonder le foyer de joie et de gratitude, avec ceux d'aujourd'hui, où rien de moins que la dernière console de jeux vidéo hors de prix ne saurait éviter les pleurs et les cris de l'enfant-roi. On arrivera presque toujours à ressentir du plaisir et du bonheur qui, même s'ils ne suffisent pas forcément compenser les efforts et la douleur, sont une raison suffisante pour continuer à vivre.
C'est un point de vue personnel qui peut être contesté ou débattu, mais un peu de positif, même entouré de beaucoup de négatif, vaut toujours mieux que rien du tout.

Ma dernière précision concernant mon point de vue sur la mort et le suicide concerne l'euthanasie.
Même si je suis contre le suicide, je considère que chaque individu devrait avoir la liberté de choisir s'il veut mettre fin à sa vie. Evidemment, dans la mesure où ce n'est pas une mesure révocable, il faut qu'il l'applique en son âme et conscience et qu'il soit bien sûr de ce qu'il fait.
Et je considère que dans certains cas médicaux (handicap important, altération extrême de l'apparence, souffrances chroniques incurables...), le choix de la mort est on ne peut plus justifié. Quand on sait d'avance que chacun des instants qui nous reste à vivre sera souffrance ou que 100% des gens qu'on croisera ne verront en nous qu'un être défiguré et repoussant, ou encore qu'on a perdu l'usage des membres qui nous permettraient de s'adonner à telle passion qui était tout notre vie, alors je ne vois plus le suicide comme une faiblesse.
Mais je trouve aberrant que des gens dans une condition physique telle qu'ils sont parfaitement capables de se tuer eux-même demandent à un tiers de commettre un meurtre en mettant fin à leurs jours. Le rôle du tiers, dans le cas de l'euthanasie d'une personne physiquement apte à la pratiquer elle-même, devrait se limiter à un rôle de conseil, non pas sur la nécessité ou l'utilité de l'acte, cette décision appartenant à l'intéressé et à lui seul, mais sur la manière la plus douce ou la plus agréable à employer.
Dans le cas des gens tellement invalides qu'il leur est absolument impossible de mettre fin à leurs jours par eux-même - je pense notamment aux tétraplégiques - il me parait évident à tous les niveaux (moraux aussi bien qu'économiques) que mourir devrait être leur droit le plus strict et que notre devoir de solidarité est de les aider à y parvenir - quand ils le veulent et peuvent l'exprimer cela va de soit - plutôt que de les condamner à continuer à vivre une vie dont ils ne veulent plus.
En revanche, je ne pense pas que la famille soit apte à prendre la décision de vie ou de mort, même dans des cas médicaux extrêmes. Son seul rôle devrait se limiter à transmettre une éventuelle volonté clairement exprimée par l'intéressé alors qu'il était en mesure de le faire.

En ce qui me concerne, je mandate quiconque lira ceci pour faire tout ce qui est en son pouvoir pour mettre, de manière directe ou indirecte, fin à mes jours dans le cas où je serais dans un état végétatif permanent sans possibilité de rémission totale, amputé ou paralysé d'au moins trois membre ou défiguré de manière importante et non contestable et où, bien entendu, je n'aurais pas la capacité physique de prendre cette mesure par moi-même ni d'exprimer un nouvel avis différent sur la question.
Et pas la peine de faire l'indigné, il n'y a rien de morbide là-dedans, c'est juste une mesure pratique.

dimanche 4 novembre 2007

Tous aux urnes !

Oui, il faut voter !
On le savait déjà, mais depuis 2002 on nous le rabâche sans arrêt. Malheur à celui qui ose ne pas voter, il devient au mieux un anti-citoyen indigne de la chance qui lui est offerte de faire entendre sa voix, au pire un soldat passif du Front National, préparant par son inaction la résurrection d'Hitler lui-même.
Tu ne sais pas pour qui voter ? Tu n'as ni de temps ni d'intérêt à consacrer au choix soigneux de ton candidat ? Vote pour le mien ou vote au hasard, sinon c'est comme si tu votais Le Pen.

Je trouve ce genre de propos proprement scandaleux. Lie de l'intelligence humaine, tu es la honte de la démocratie, toi qui, je le sais, en citoyen consciencieux, a déjà donné ce conseil aux allures de reproche à tes amis indécis.

Je sais que ça paraît déjà beaucoup, mais chercher partout sa carte d'électeur, se traîner un jour du Seigneur jusqu'à son bureau de vote, faire la queue et mettre son bulletin dans l'urne, tout cela n'est qu'une infime partie de l'acte citoyen du vote.
Le vote consiste avant tout à choisir son candidat, à se renseigner, se faire un avis, jauger les différentes politiques proposées, tâcher de comprendre leurs implications et d'envisager leurs alternatives, les confronter à ses propres opinions et convictions. Tu trouves ça énorme ? Bah, tu n'as pourtant pas à te plaindre.

Il y a encore quelques années, c'était effectivement fastidieux. On n'avait guère pour se décider que la propagande des uns et des autres, leurs affiches, leurs discours télévisés, bref rien d'objectif. Pour des informations vaguement impartiales, il fallait fournir un effort hors de la portée de la plupart d'entre nous, à savoir se plonger dans la lecture quasi-quotidienne des quelques pages France d'un journal, pour peu qu'on en trouve un pas trop engagé. Piégés entre 40h de travail à fournir, une famille à occuper et divers loisirs permettant, par leur aspect agréable, de donner un sens à nos vies, je conçois aisément que nous n'ayons pas tous une conscience politique assez développée pour se ménager ce genre d'effort et que quelques votes aléatoirement imbéciles ne soient pas de trop pour contrecarrer les votes imbéciles ciblés des extrémistes endoctrinés.
Mais aujourd'hui, à l'heure où la moitié d'entre nous a accès à Internet de chez lui, où quelques clics te permettent de comparer tous les programmes de manière objective, où toutes les analyses sont à ta portée, tu n'as plus aucune excuse pour ne pas te faire un avis justifié.

Et quand bien même tu ne trouverais toujours pas le temps ou la motivation de le faire correctement, aie au moins le mérite de ne pas camoufler piteusement ta non-citoyenneté en votant n'importe comment.
Laisse à ceux qui se sentent concernés le soin de décider de l'avenir de leur pays et épargne-leur d'avoir à assumer la stupidité des critères de choix inadaptés de tes semblables.