Où est passé le temps où violence rimait avec noblesse ? Où sont-ils ces solides vikings qui ne gagnaient le valhalla qu'en succombant sur un champ de bataille, l'épée couverte du sang de leur ennemi ? C'est au combat que les quelques Romains dont l'Histoire a gardé trace ont gagné leur honneur. C'est par les duels que les aristocrates de la Renaissance défendaient le leur. Les chevaliers se créaient une réputation de batailles en tournois, et tous ces généraux et maréchaux dont nos rues portent le nom n'ont cueilli la gloire que sur le sentier de la guerre.
La violence est tellement humaine que j'estime qu'elle a droit, comme en théorie la plupart des êtres humains, à un procès équitable avant d'être condamnée. Pour la suite de cet article, je serai son juge, laissant la parole tantôt à sa défense, tantôt à son accusation. Je te laisse le rôle du juré pour lui rendre, en ton âme et conscience, ce qui, selon toi, doit être sa juste sentence.
Une brève analyse, peut-être incomplète du fait de sa rapidité et du manque d'occasion que j'ai eu d'y revenir, m'a permis de classer les motivations des comportements violents en cinq grandes catégories : la défense, la domination, la résolution des problèmes, la vengeance, et la violence gratuite pour le plaisir.
Évidemment, un même acte de violence peut tout-à-fait relever de plusieurs, voire de toutes ces catégories. Néanmoins j'ai beau me creuser le citron, je n'arrive pas à en concevoir un qui ne soit motivé par aucune d'entre elles, sauf peut-être la violence involontaire et inconsciente qui, en tout état de cause, n'a pas de motivation.
Les réactions violentes de défense me semblent les plus justifiables et, en un sens, les plus nobles, surtout quand il s'agit de défendre quelqu'un d'autre. Elles ont un caractère immédiat, une origine instinctive due à d'évidents mécanismes évolutifs de survie. Une violence préméditée pour se défendre entre plus dans le cadre d'une résolution de problème.
On en trouve de toutes sortes et on pourrait les diviser en de nombreuses sous-catégories suivant la nature de l'agression subie : morale ou physique, volontaire ou non, dirigée vers un tiers ou vers soi-même.
Evidemment, il est beaucoup moins noble et justifié de réagir violemment à une attaque morale involontaire sur sa personne qu'à une attaque physique sur une personne qu'on aime. Seulement voilà, la violence de défense n'est pas forcément raisonnée et le contrôle qu'on a dessus ne dépend pas vraiment de notre bon sens. C'est une pulsion, qui va être plus ou moins maitrisée selon les individus et les situations. On ne réagit pas tous de la même façon à un stimulus lambda. Même un individu donné ne gèrera pas sa réaction de la même façon pour un même stimulus selon le contexte.
A vrai dire, elle peut reposer sur tellement de facteurs, et être d'une telle complexité, qu'il ne me parait pas possible de rendre mon verdict de manière générale. Elle doit être jugée au cas par cas, selon le contexte et des critères d'ordre moraux qui dépendent de chacun. Mais quel que soit sa cause ou son degré d'exagération, elle reste naturelle et normale.
La violence de domination est un cas beaucoup plus simple. Tout comme la violence de défense, c'est un comportement instinctif, qu'on retrouve chez l'animal et qui découle de mécanismes évolutifs évidents : le mécanisme de survie de défense du territoire et des mécanismes de reproduction, avec en tête la notion de mâle (voire de femelle) dominant(e).
Contrairement à la violence défensive, la violence de domination n'a plus sa place dans la société. Nous avons aujourd'hui des avocats et des notaires qui se chargent pour nous d'établir, via des certificats de propriété, les limites de notre territoire. Quant à la reproduction, la diversité et la mobilité des populations actuelles remplacent avantageusement le concept de mâle dominant dans la prévention des tares consanguines.
La violence de domination est généralement un comportement propre à un individu : "on l'a ou on l'a pas". L'exemple typique en est le cas du looser qui bat sa femme ou ses gosses, ou encore celui du caïd qui sème la violence et la peur dans le seul but de se voir témoigner la feinte d'un respect simulé. Elle ne sert qu'à rabaisser l'autre au profit de sa propre estime.
Ma sentence sera simple : l'inadaptation doit entrainer l'extinction. On pourrait craindre qu'au vu du nouveau fonctionnement de la justice évolutive humaine (cf mon article Évolution), cette décision ne soit annulée en appel. Mais j'aime à croire que, comme nombre de tares génétiques, l'expression de la violence de domination nécessite certains stimulus environnementaux, et qu'il nous sera peut-être un jour possible de l'éradiquer.
Quoiqu'en disent tous nos vieux adages, dont tu dois aujourd'hui deviner tout le bien que je pense, la violence règle des problèmes. Pensez au nombre de gens qui se brouillent chaque jour avec un ami pour un outrage quelconque ou un malentendu ridicule. Ne serait-il pas plus simple et même plus sain, plutôt que de s'enfermer dans l'adversité, la rancœur et même la haine pendant des années, qu'ils laissent leurs poings parler une dizaine de minutes.
Quoiqu'on en dise, la violence soulage, apaise les frustrations et aide à relativiser les problèmes. Bien sûr, il est moins dangereux de régler les conflits sur un terrain d'athlétisme ou par une partie de belotte, mais cela n'apaise pas les pulsions physiques dont notre statut d'humain nous tient prisonniers.
Je parle ici exclusivement de la violence de résolution des problèmes, qu'il s'agisse d'un différend entre amis, de la reconquête d'un bien ou d'un territoire extorqué ou d'éloigner de sa belle un soupirant inopportun (ou éloigner de son homme une aguicheuse débridée selon ton sexe, ou n'importe quelle autre combinaison selon ton orientation sexuelle).
On retrouve également cette violence chez les animaux, mais de manière moins marquée. En effet, les carnivores y ont recours pour se nourrir (ce qui occupe tout de même le plus clair de leur temps) et la plupart des autres animaux pour la défense du territoire (qui est également un mécanisme de défense et de domination).
Nous en avons aussi l'usage dans ces optiques, mais pas seulement. J'ai cité, en début de paragraphe, la plupart des exemples qui me sont venus en tête, mais il en reste trois assez imagés qui illustrent bien un autre aspect de la résolution humaine des problèmes par la violence. Ceux-ci me paraissent cependant beaucoup moins bénéfiques que les précédents. Le premier, c'est la mafia et le grand banditisme en général, qui gère par la violence et impose ses règles, son code moral et son ordre par la violence, mais tue aussi parfois sans animosité ni menace immédiate, juste pour les affaires, par commodité. Le second, c'est le terrorisme. Le troisième exemple, c'est l'ensemble des châtiments corporels, de la torture au fouet, en allant jusqu'à la peine de mort.
Mon jugement sur cette forme de violence sera donc en trois parties.
Les vieilles survivances instinctives n'ont pas plus leur place dans le monde actuel que la violence de domination, et ont causé bien assez de guerres et de disparitions d'espèces animales. Nous pouvons aujourd'hui nous en passer. Je ne parle évidemment pas ici de l'abattage des animaux qui, quoiqu'en disent nos amis végétariens, n'a aujourd'hui plus grand chose à voir avec de la violence, mais nous avons eu notre quota de guerres de territoires et la chasse, même pour se nourrir, mérite de rester réglementée.
La violence pour contrôler ou imposer sa volonté est condamnable, mais c'est bien souvent un moyen efficace d'arriver à ses fins. Le débat autour de ce point particulier serait trop épineux pour que je rende mon verdict ici.
Et enfin, je propose une mise à l'épreuve pour la violence dans la résolution de certains conflits.
La vengeance est une forme de violence typiquement humaine, les animaux n'ayant pas ce genre de préoccupations. Elle n'est donc pas réellement instinctive, mais peut se manifester aussi bien de manière brutale et soudaine que froide, mure et réfléchie, telle qu'on la dit meilleure.
Même si elle a un côté noble - l'image du vengeur masqué réparant les injustices et traquant sans répit le meurtrier de sa bien-aimée n'a pas vraiment déserté l'inconscient collectif - la vengeance n'est globalement que nuisible. Elle est en effet la seule responsable du cycle sans fin de violence, du fait que la violence engendre la violence.
Je le sais pour l'avoir expérimenté par moi-même, toute la littérature moralisatrice qui veut que la vengeance n'engendre pas de satisfaction est complètement à côté de la plaque. La vengeance apporte une grande satisfaction et une certaine estime de soi. Mais c'est en fait la satisfaction du devoir accompli, qui peut être obtenue de bien d'autres manières plus constructives.
Son seul aspect positif, qui est quand même loin d'être négligeable, c'est que sa considération permet de maintenir l'ordre. C'est aussi par peur de représaille que ceux qui nous entourent restent corrects envers nous et ne s'aventurent pas à tenter de nous léser.
Je ne condamne pas la vengeance; bien que nuisible, elle est souvent légitime. Je me contenterai donc de penser que nous pourrions avantageusement nous en passer.
Le dernier cas est extrêmement particulier, en ce qu'il n'a rien de naturel. C'est à la fois un comportement exclusivement propre à l'être humain et le seul type de violence qui soit parfaitement inhumain. Il s'agit du sadisme.
La violence pour le plaisir est uniquement le propre du pervers et du psychopate. Les autres motivations sont typiquement humaines et nous les éprouvons tous (à l'exception sans doute de la domination, qui reste tout de même indéniablement naturelle), qu'elles finissent par nous mener à la violence ou non.
Il y a de nombreux cas où la violence nous procure du plaisir, mais ça reste toujours indirect : ça renforce notre propre estime avec l'impression d'être un gros dur, l'acte physique de frapper (voire de tuer) nous soulage, ainsi que la satisfaction d'avoir infligé un châtiment mérité. Mais ce n'est normalement pas la violence en elle-même qui nous plait, pas le fait d'avoir infligé de la souffrance pour l'infliger. Ce type de satisfaction n'a rien de naturel, rien d'humain.
La violence pour la violence, par pur plaisir, est relativement rare par rapport aux autres mais relève réellement de l'anormalité et de la pathologie psychologique. Je la condamne évidemment, sans toutefois arriver à en vouloir à ceux qui la dispensent : les pauvres ne sont bien souvent pas responsables de leurs pulsions et de leur nocive anormalité.
Bref, pour conclure cet article, disons juste que se contenter de condamner la violence quelles que soient les circonstances est trop simple. Il existe des violences saines qui permettent de réconcilier notre conscience d'être humain civilisé et nos pulsions d'être humain tout court. Bien sûr, il faut apprendre à la maîtriser. La violence ne devrait jamais servir de prétexte à la lâcheté, pas plus que le pacifisme d'ailleurs.
Je parle ici exclusivement de la violence de résolution des problèmes, qu'il s'agisse d'un différend entre amis, de la reconquête d'un bien ou d'un territoire extorqué ou d'éloigner de sa belle un soupirant inopportun (ou éloigner de son homme une aguicheuse débridée selon ton sexe, ou n'importe quelle autre combinaison selon ton orientation sexuelle).
On retrouve également cette violence chez les animaux, mais de manière moins marquée. En effet, les carnivores y ont recours pour se nourrir (ce qui occupe tout de même le plus clair de leur temps) et la plupart des autres animaux pour la défense du territoire (qui est également un mécanisme de défense et de domination).
Nous en avons aussi l'usage dans ces optiques, mais pas seulement. J'ai cité, en début de paragraphe, la plupart des exemples qui me sont venus en tête, mais il en reste trois assez imagés qui illustrent bien un autre aspect de la résolution humaine des problèmes par la violence. Ceux-ci me paraissent cependant beaucoup moins bénéfiques que les précédents. Le premier, c'est la mafia et le grand banditisme en général, qui gère par la violence et impose ses règles, son code moral et son ordre par la violence, mais tue aussi parfois sans animosité ni menace immédiate, juste pour les affaires, par commodité. Le second, c'est le terrorisme. Le troisième exemple, c'est l'ensemble des châtiments corporels, de la torture au fouet, en allant jusqu'à la peine de mort.
Mon jugement sur cette forme de violence sera donc en trois parties.
Les vieilles survivances instinctives n'ont pas plus leur place dans le monde actuel que la violence de domination, et ont causé bien assez de guerres et de disparitions d'espèces animales. Nous pouvons aujourd'hui nous en passer. Je ne parle évidemment pas ici de l'abattage des animaux qui, quoiqu'en disent nos amis végétariens, n'a aujourd'hui plus grand chose à voir avec de la violence, mais nous avons eu notre quota de guerres de territoires et la chasse, même pour se nourrir, mérite de rester réglementée.
La violence pour contrôler ou imposer sa volonté est condamnable, mais c'est bien souvent un moyen efficace d'arriver à ses fins. Le débat autour de ce point particulier serait trop épineux pour que je rende mon verdict ici.
Et enfin, je propose une mise à l'épreuve pour la violence dans la résolution de certains conflits.
La vengeance est une forme de violence typiquement humaine, les animaux n'ayant pas ce genre de préoccupations. Elle n'est donc pas réellement instinctive, mais peut se manifester aussi bien de manière brutale et soudaine que froide, mure et réfléchie, telle qu'on la dit meilleure.
Même si elle a un côté noble - l'image du vengeur masqué réparant les injustices et traquant sans répit le meurtrier de sa bien-aimée n'a pas vraiment déserté l'inconscient collectif - la vengeance n'est globalement que nuisible. Elle est en effet la seule responsable du cycle sans fin de violence, du fait que la violence engendre la violence.
Je le sais pour l'avoir expérimenté par moi-même, toute la littérature moralisatrice qui veut que la vengeance n'engendre pas de satisfaction est complètement à côté de la plaque. La vengeance apporte une grande satisfaction et une certaine estime de soi. Mais c'est en fait la satisfaction du devoir accompli, qui peut être obtenue de bien d'autres manières plus constructives.
Son seul aspect positif, qui est quand même loin d'être négligeable, c'est que sa considération permet de maintenir l'ordre. C'est aussi par peur de représaille que ceux qui nous entourent restent corrects envers nous et ne s'aventurent pas à tenter de nous léser.
Je ne condamne pas la vengeance; bien que nuisible, elle est souvent légitime. Je me contenterai donc de penser que nous pourrions avantageusement nous en passer.
Le dernier cas est extrêmement particulier, en ce qu'il n'a rien de naturel. C'est à la fois un comportement exclusivement propre à l'être humain et le seul type de violence qui soit parfaitement inhumain. Il s'agit du sadisme.
La violence pour le plaisir est uniquement le propre du pervers et du psychopate. Les autres motivations sont typiquement humaines et nous les éprouvons tous (à l'exception sans doute de la domination, qui reste tout de même indéniablement naturelle), qu'elles finissent par nous mener à la violence ou non.
Il y a de nombreux cas où la violence nous procure du plaisir, mais ça reste toujours indirect : ça renforce notre propre estime avec l'impression d'être un gros dur, l'acte physique de frapper (voire de tuer) nous soulage, ainsi que la satisfaction d'avoir infligé un châtiment mérité. Mais ce n'est normalement pas la violence en elle-même qui nous plait, pas le fait d'avoir infligé de la souffrance pour l'infliger. Ce type de satisfaction n'a rien de naturel, rien d'humain.
La violence pour la violence, par pur plaisir, est relativement rare par rapport aux autres mais relève réellement de l'anormalité et de la pathologie psychologique. Je la condamne évidemment, sans toutefois arriver à en vouloir à ceux qui la dispensent : les pauvres ne sont bien souvent pas responsables de leurs pulsions et de leur nocive anormalité.
Bref, pour conclure cet article, disons juste que se contenter de condamner la violence quelles que soient les circonstances est trop simple. Il existe des violences saines qui permettent de réconcilier notre conscience d'être humain civilisé et nos pulsions d'être humain tout court. Bien sûr, il faut apprendre à la maîtriser. La violence ne devrait jamais servir de prétexte à la lâcheté, pas plus que le pacifisme d'ailleurs.
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