mardi 6 novembre 2007

L'esprit de communauté

Qu'est-ce qui rassemble vraiment tous ces gens ?
Je me suis posé cette question un paquet de fois, que ce soit en contemplant les ola d'un stade de foot rempli à craqué, en zappant sur des images des millions de personnes conglomérées aux JMJ ou en pataugeant dans la boue au milieu des hordes de chevelus tatoués d'un festival de metal.
Une passion partagée ? A vrai dire, c'est la première réponse qui m'est venue à l'esprit, la plus évidente peut-être. Mais la passion n'explique pas tout. Si le metal n'est qu'une histoire de musique, pourquoi avoir tous les mêmes tee-shirts noirs ou les mêmes cheveux longs ? Si le football n'est qu'une histoire de sport, quid de ces clubs de supporters qui passent leur temps libre à se retrouver pour préparer ensemble chants et bannières ?

La passion est un moteur puissant qui attire, fédère les gens autour d'un évènement. Mais ce qu'ils viennent chercher, ce qui les rassemble jusque dans leurs apparences ou leurs attitudes, c'est tout simplement la satisfaction de se sentir partie intégrante d'une communauté.

L'Homme est un être social, un mouton qui cherche perpétuellement à se fondre dans le troupeau.
D'ailleurs quoi qu'en disent les soi-disant rebelles, du rappeur au punk en passant par le teuffeur, le métalleux ou même le geek, eux-même suivent les codes de leur propre communauté, que ce soit au niveau de la musique, de l'apparence, de la façon de s'exprimer, bref de l'attitude en général.

Oh bien sûr j'entend d'ici le coreux me brandir son "Love the music hate the kids" et me gromeler que dans son cas il n'est certainement pas question de besoin communautaire. Je vois déjà toute la scène, je vais lui demander si l'on doit au seul hasard la précision de la cohérence de son goût en matière de tatouage, de son look et de ses danses dans les pits en concert avec les codes et standards de la communauté hardcore. Et lui de me répondre, avec l'aplomb de celui qui croit profondément à son propre bobard, que oui c'est ses goûts, que ça s'est développé comme ça ou encore que tout ça a plus à voir avec la musique qu'avec la communauté.
J'ai pris l'exemple du coreux mais j'aurais pu choisir celui du métalleux, ou encore demander à un footeux s'il lui arrive souvent d'aller au stade tout seul. J'aurais d'ailleurs peut-être eu droit au même déni.

Car en effet, cette idée ne plait pas à tout le monde. Beaucoup aiment à considérer leur passion comme leur seul moteur, la plupart le croient d'ailleurs sincèrement. Et on ne peut pas nier que c'est effectivement une motivation essentielle pour la majorité.
Moi-même, pour reprendre l'exemple du metal, j'ai longtemps cru que mon investissement dans cette musique tenait à mon seul amour pour elle. Mais cette arrangeante vision des choses n'a pas résisté bien longtemps à un examen approfondi avec quelques véléhités d'objectivité. Même si j'ai toujours voulu avoir les cheveux longs depuis tout petit, ce n'est sans doute pas un hasard si je n'ai fini par vraiment les laisser pousser qu'en me mettant au metal et en ayant des copains qui le faisaient déjà; malgré ma volonté marquée de libre pensée et d'un certain dosage d'originalité dans ma vie en général, je me retrouve à porter les mêmes tee-shirts noirs à l'effigie de mes groupes préférés que mes collègues de concert; et bien que sur le papier ça ne me dérange pas plus que ça, je suis bien conscient qu'en pratique il faudrait vraiment un cas exceptionnel ou un groupe immanquable pour que je finisse par aller à un concert tout seul.

Après tout, j'ai mis du temps à découvrir et à apprécier petit à petit différents groupes ou différents styles de metal. Même si ça ne remet pas en cause ma passion pour la musique, dont je suis certain sans l'ombre d'un doute et de toute la force d'objectivité dont je dispose qu'elle n'est pas feinte, je ne peux m'empêcher de me demander si, sans aspect sociale et communautaire, sans pote pour me guider, je serais tombé aussi profondément là-dedans.
Peut-être serais-je juste passé à autre chose.

Je m'attarde lourdement sur la musique car c'est l'exemple qui me touche le plus.
Mais c'est en religion, je pense, que le poids de la communauté est le plus important. En effet, mise à part sa quête insensée consistant à chercher des causes à l'inexpliqué - qui n'habite d'ailleurs plus guère le citoyen lambda du monde d'aujourd'hui, à qui la science fournit presque toutes les réponses et qui ne cherche bien souvent même pas à les connaitre - quelle autre raison pousse l'Homme à la religion ? C'est par la communauté que la religion s'est imposée, par les prétextes qu'ils fournissaient à chacun pour critiquer son voisin que ses principes se sont assis et ont fondé la morale et la culture actuelle. C'est encore la communauté que les hommes viennent chercher en religion, plus encore à mon avis que le culte de Dieu, que ce soit dans l'enceinte d'un monastère, sur le parvis ou les bancs d'une église ou encore à même le sol du site de rassemblement des JMJ.

Qu'on l'assume ou non, l'immense majorité d'entre nous a besoin de la communauté. Nous tendons à nous fondre dans la masse au moins autant qu'à s'en démarquer, nous recherchons presque toujours la reconnaissance d'une société ou d'une autre en nous pliant à ses codes.
Nous avons besoin de contact, d'attention, de légitimation. Et se retrouver avec des gens qui partagent la même passion est pour nous le parfait prétexte pour les obtenir. Et je suis convaincu que c'est cet aspect, sans doute plus que tout autre, qui motive les rassemblements de masse dont nous sommes aujourd'hui témoins et acteurs réguliers.

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