mercredi 31 octobre 2007

Le naufrage de Zoé

Rien de tel qu'un navrant jeu de mot déjà entendu huit millions de fois pour rebondir sur un sujet d'actualité particulièrement marquant. Je replace le contexte pour la postérité où le lecteur inculte que tu es peut-être n'a sans doute plus aucun souvenir de cette affaire qui agite actuellement les médias :

Une association française, l'Arche de Zoé, s'est fixée pour mission de faire adopter par des Européens des enfants orphelins originaires de la zone du Darfour, région du Soudan frontalière du Tchad et en proie depuis 2003 à une horrible guerre civile et à un drame humanitaire sans équivalent.
Honorable intention a priori, mais l'affaire tourne au drame quand les bénévoles de l'association sont arrêtés pour trafic d'enfants au Tchad, d'où ils devaient décoller avec 103 enfants qui se sont avérés n'être même pas tous des orphelins. Et c'est là qu'on apprend que les braves humanitaires n'avaient pour ainsi dire aucune autorisation et qu'ils violaient à la fois tous les règlements français concernant l'adoption et les lois tchadiennes sur l'enlèvement.
Et le président tchadien de pousser de hauts cris d'indignation, fustigeant le trafic d'enfants à de probables fins pédophiles, réveillant le spectre esclavagiste du blanc voleur d'enfants; et le gouvernement français de condamner l'action et de nier sa connaissance pourtant avérée de l'opération, le tout sur fond de débarquement, imminent et prévu depuis quelques temps déjà, d'une force armée européenne au Darfour.
Bref à l'heure où j'écris ces lignes, les huit bénévoles et le reporter qui les suivait viennent d'être inculpés pour enlèvement d'enfants et font couler des litres d'encre depuis leurs cellules de terre tchadiennes.

Ces braves militants sont certainement des gens très bien qui ne méritent aucunement la réputation qu'on leur fait, ni encore moins de passer les 20 prochaines années dans les camps de travaux forcé tchadiens.

Mais il faut quand même être complètement inconscient pour arracher à leur pays 103 enfants dont on ne sait quasiment rien, au mépris des lois et des règlements de plusieurs états. Enlever une centaines de gamins c'est quand même un crime très grave.
D'accord, ça part d'une bonne intention, mais ça n'excuse pas grand chose. Déjà les bonnes intentions, l'enfer en est pavé; pour tomber dans la comparaison facile et hors-sujet, Hitler avait sûrement les meilleures intentions du monde pour son pays quand il a ordonné d'exterminer des millions de Juifs. Et puis il y a des limites à ne pas dépasser. Je veux bien admettre que certaines lois soient faites pour être enfreintes, mais là il est quand même question d'enlèvement d'enfants.
Bref ils méritent un gros coup de pied au cul et quelques années de taule avec sursis mais j'espère quand même sincèrement pour eux qu'ils pourront être jugés en France.

Ce qui me reste quand même en travers de la gorge c'est le fait que certains des enfants n'étaient même pas orphelins. Sur une bande audio diffusée hier à la radio, j'ai clairement entendu le dirigeant de l'association expliquer qu'il y avait plein de cas où ils ne pouvaient pas savoir.
En est-on rendus à ce stade, dans l'humanitaire, qu'on cherche à aider à tout prix, même sans être sûrs qu'il y ait besoin d'aide ou qu'on aide vraiment. Sommes-nous à ce point persuadés de notre propre supériorité que nous sommes prêts à arracher à son pays et à sa culture le premier enfant qu'on nous présente comme étant orphelin, convaincus que, quoi qu'il en soit, il sera mieux chez nous dans notre belle société occidentale que sur la terre de ses ancêtres.

Ceci n'est pas vraiment une attaque envers ces gens qui ont eu le courage de se bouger et d'agir pour aider des gens pendant que moi je reste assis devant mon PC à leur verser de l'encre dessus pour m'occuper. Mais leur attitude, ainsi que celles des 100 familles qui, en France, s'apprêtaient à accueillir ces jeunes réfugiés, n'est-elle pas symptomatique de la culpabilisation de notre société ?

Notre sentiment de culpabilité est justifié. Notre confort moderne s'est bâti sur la sueur et le sang des colonies, sur le régime à l'origine de l'absurdité des inégalités internationales actuelles. Notre pays et ses habitants doivent assumer leurs responsabilités. Je suis pour qu'on paye nos dettes comme on peut, et qu'on fasse profiter le plus possible les habitants de ces pays de notre développement, qu'ils ont porté sur leurs épaules sans en récolter les fruits.
Injectons de l'argent dans leur économie, investissons chez eux, achetons leurs produits, formons-les, offrons-leur nourriture, eau, médecine et éducation, détournons-les du sentier de la guerre.
Mais ne leur volons pas leurs enfants ! Ce n'est pas en ramenant leurs habitants en Europe à un âge où ils ne sont pas capables de le demander, ni même de le comprendre, qu'on allègera la misère de ces pays. On ne les aidera pas en leur prenant leurs jeunes, leurs forces vives, pas plus qu'avec une "immigration choisie" qui ne viserait à les piller que de leurs atouts.
Il y a des limites à tout, même à la volonté légitime qu'on peut avoir d'aider son prochain.

mardi 23 octobre 2007

Dieu est un système d'exploitation

Au commencement était le bordel.

Tout comme l'informatique, la religion a eu des débuts difficiles. La pleïade de systèmes d'exploitation au format console, tous aussi obscurs et inaccessibles les uns que les autres, ressemble assez en vérité à ces multitudes de cultures polythéïstes. Chaque pays avait sa façon de faire, pas vraiment de norme, les noms et cultes des différents dieux d'une contrée donnée étaient autant de commandes indigestes aux arguments étranges.

Puis il y a eu l'Idée, le truc qui marche et auquel il fallait penser pour tout simplifier. Pour la religion, le judaïsme a inventé le concept de monothéisme; pour l'informatique c'est Machintosh qui a eu l'Idée du millénaire avec le système de fenêtre et l'interface graphique. Des deux côtés on peut dire que ça part de pas grand chose et ça a son petit succès.
Mais ça reste limité. VisioCorp, Quaterdeck, Digital Research ou encore IBM sont à Machintosh autant de religions grecque, égyptienne ou mésopotamienne. Mac se taille la part du lion sur le marché et les Juifs obtiennent Israël mais aucun n'a vraiment réussi à convertir tout le monde.

Mais la révolution se prépare, gentiment mais sûrement.
Pendant que Jésus et ses potes font parler d'eux et s'attirent des emmerdes en Judée, un certain Bill Gates commence à faire du bruit en codant des tableurs pour Mac avec sa petite boite Microsoft.
Dans les deux cas on pompe totalement la référence initiale (Judaïsme/Mac), on modifie 2-3 trucs et on attaque le marché. Et dans les deux cas ça commence par un flop. Jésus est crucifié et ses adeptes sont persécutés, Windows 1.0 et 2.0 sont des échecs cuisants.
Et vient la révélation. Chacun comprend qu'il a tout intérêt à s'allier avec les puissants : le christianisme convertit l'empereur romain et Microsoft développe son Windows 3.1 avec les processeurs IBM. Ce dernier pose avec Microsoft les bases de Windows 95, Constantin impose le christianisme à son empire, c'est la conquête pure et simple du monde connu.
Il faut bien avouer que le "On est tous frères" et "Dieu est amour" c'est quand même nettement plus vendeur que les dieux à l'ancienne avides de guerre et de sacrifice.
Et puis malgré tous les bugs du catholicisme, il faut reconnaitre qu'un seul dieu à prier, et le même pour tout le monde, c'est quand même plus convivial que toutes ces religions polythéistes, et ça entraine moins de problèmes de compatibilité aussi.

Et viendra peut-être le jour où un Mahommet fera un tout nouvel OS en reprenant tout simplement le core du christianisme Windows et en changeant juste un peu l'interface et que ça aura un succès comparable.
L'aspect copie en moins on aurait presque pu croire à ça avec Linux. C'est vrai que l'OS gratuit ça avait de quoi ressembler à une prise de La Mecque par les armes mais en fait faut croire qu'on en est encore à l'Egire.

Personnellement j'espère que ce jour ne viendra jamais.
Contrairement aux religions qui sont un peu dépassées à l'heure actuelle, on aura toujours besoin d'un système d'exploitation pour faire tourner nos machines; même quand ce sera des hologrammes implantés directement dans notre cerveau il faudra bien choisir une boite pour nous faire l'interface. Et j'ai pas vraiment envie de voir une croisade de compatibilité.

J'aimerais bien trouver une dernière métaphore classe pour conclure mais je crois que j'ai épuisé mon quota de conneries pour la journée.

lundi 15 octobre 2007

Tolérance

Rassure-toi, je ne tiens pas à rappeler ici pour la énième fois à quel point c'est mal d'être raciste et important d'aimer son prochain et bla et bla et bla. C'est en effet un sujet important qui méritera sans doute que je m'attarde dessus plus tard - ce ne sera pas la première fois que je nous ferai perdre beaucoup de temps à toi et surtout à moi pour détailler ce qui est déjà une évidence pour toute personne douée de l'usage de son cerveau - mais ce n'est pas le sujet du jour.

Ce billet est en fait une réponse à un reproche qui m'est facilement formulé : le manque de tolérance.
Attention, on ne parle pas ici de tolérance au sens familier actuel, à savoir du contraire du racisme : la plupart des gens qui me connaissent un peu savent à quel point j'ai en horreur cette forme de prétention illégitime (le racisme, j'entends) et pourront donc, le cas échéant, le confirmer à ceux qui me connaissent moins.
Non, l'intolérance qu'on me reproche, à tort, ne s'arrête pas à de si ridicules considérations que la couleur de peau, la religion ou la nationalité. Elle les dépasse largement.

Oui, j'ai bien dit "à tort". En effet, comme 99% des gens à qui on pose la question, je peux dire sans trop hésiter que suis quelqu'un de très tolérant.

En fait, à peu près tout et tout le monde m'indispose.
Je déteste la vanité des vantards, l'hypocrisie des modestes, la stupidité du commun, l'arrogance de l'élite, la naïveté du religieux, l'intolérance de l'anticlérical, la paresse du noir, la cleptomanie de l'arabe, la fourberie du jaune, la suffisance du blanc et la connerie crasse du raciste.
Rien ne m'énerve plus que ces prétentieux qui ont un avis tranché sur tout et n'importe quoi, à part peut-être ceux qui, par paresse, lâcheté ou manque de personnalité, semblent n'avoir d'opinion sur aucun sujet.
Et ces gens "sociables", prêts à courber l'échine devant tous les codes de la politesse et de la convenance et à l'affût du moindre trait d'humour pouvant leur permettre de se faire remarquer; ils me sont aussi pathétiques que ceux qui se laissent vouer à la solitude par leur timidité ou leur misanthropie.
Je méprise aussi bien les abus des exploitants que la soumission des exploités, la nuisance des agresseurs que les plaintes incessantes des victimes, l'ingratitude des parvenus que la jalousie des indigents.

Même toi, quel que soit ton profil, j'aurais sûrement des tas de choses à te reprocher.
Même moi, je me retrouve dans de nombreux de ces aspects répulsifs que j'ai dénoncé plus haut.
Bref, l'humanité me donne chaque jour plus de raisons de la haïr.

Et pourtant je vis très bien avec.
J'entretiens une très bonne relation avec moi-même malgré tous les reproches que j'ai à me faire. Je vois régulièrement des gens et je m'entends bien avec la plupart d'entre eux pour ne pas dire tous, même si certains plus que d'autres. Il y en a même dont je viens à rechercher volontairement, et parfois activement, la compagnie, voire certains que je viens à aimer.
Je ne me souviens pas avoir déjà refusé quelqu'un à ma table au RU ou rejeté volontairement une poignée de main amicale.

Bref malgré toutes les critiques que je peux formuler à leur égard, malgré tous les vices que je leur prête et toute l'antipathie ou toutes les accusations de fautes impardonnables qu'ils méritent que je leur porte, je tolère tout-à-fait la quasi-totalité mon entourage.

En effet, il faut qu'il y ait un désagrément à tolérer pour pouvoir parler de tolérance.
En l'occurrence, c'est ma misanthropie qui fait de moi quelqu'un d'extrêmement tolérant.

lundi 8 octobre 2007

Pourquoi ?

En français, on fait souvent la confusion entre deux questions pourtant bien distinctes :
"Pourquoi ?" et "Pour quoi ?". En effet, si l'une se rapporte à la cause, l'autre se rapporte à la finalité.
J'ai même tendance à croire que ce flou est plutôt là à bon escient et que l'on a peut-être tord de s'échiner à répondre à certains pourquoi avec des parce que.

Un exemple : Prenons donc un mioche de base. L'enfant est souvent un peu con mais l'adulte, qui l'est parfois un peu moins, lui pardonne avec plaisir.

Donc nous sommes mercredi soir, il flotte et notre mioche, un peu con, pose une question, un peu conne elle aussi : "Pourquoi il pleut ?"
Là, l'adulte, dans un rare élan de paternalisme héroïque, détourne la tête de son écran ou de son journal et s'empresse de répondre au pourquoi du morveux par un éloquent "parce que" : "Parce que la teneur en vapeur d'eau du nuage atteint sa saturation autour de noyaux de condensation, ce qui, combiné à un effet de coalescence des gouttelettes, augmente leur poids jusqu'à ce qu'elles soient trop lourdes pour être portées par les courants ascendants." L'adulte, ayant parfois le soucis d'être compris de l'enfant, trouvera bon de simplifier l'explication. Parfois même certains parents, soucieux d'alimenter la transmission à leur enfant de leur débilité congénitale, se contenteront d'un affligeant "Parce que les nuages pleurent".
Quoi qu'il en soit le môme n'y trouvera pas son compte et répliquera du tac au tac par un autre pourquoi : "Et pourquoi les nuages ils pleurent ?"

Autre possibilité, l'adulte répond tout simplement "Pour arroser les poireaux." Là, le chiard la boucle et se replonge dans son activité précédente, souvent irritante et inutile. On a répondu à un "pour quoi ?", avec un "pour" et pas un "parce que". Et après tout c'est sûrement ça qu'attendait le marmot, il a la réponse à sa question, ce con d'adulte ne l'a pas gavé avec ses explications.

Et quand on y pense, on a marché au "parce que" pendant très longtemps, cherchant des causes à toutes sortes de phénomènes qui n'en avaient pas. Alors on a inventé des dieux pour se créer des causes, expliquer ce qu'on ne comprenait pas.
Pourquoi le soleil ? Parce que Ra voulait un serre-tête flashy. Pourquoi les éclairs ? Parce que Jupiter a pas trouvé plus classe pour nous emmerder de temps en temps. Pourquoi on existe ? Parce que Dieu voulait quelqu'un à qui interdire de bouffer cette foutue pomme.
Autant d'explications parfaitement illogiques, autant de causes imaginées de toutes pièces et rigoureusement inutiles.

Bref je ne suis pas en train de dire qu'il faut arrêter de chercher des "pourquoi" aux phénomènes qui ont un "parce que". Si Newton ne s'était pas demandé pourquoi la pomme tombait je n'aurais pas la télé par satellite et ce serait bien dommage.
Mais il y a bien des cas où on ferait mieux de convenir que la finalité est en soi une cause bien suffisante.

Religion en kit

Le plus important pour créer sa religion, c'est de bien avoir pensé aux propriétés de son ou de ses dieux.
Le concept de dieu peut prendre bien des formes et on ne peut prouver la fausseté d'aucune.

J'en distingue quatre :
-le dieu créateur, qui aurait créé tout ou partie de l'univers tel qu'on le connaît, que ce soit en créant de la matière ou des lois physiques, ou encore en lançant un processus qui aurait amené à la création de l'un ou de l'autre ou par n'importe quel autre moyen.

-le dieu guide, qui contrôlerait tout ou partie de notre univers, voire de nos vies ou de nos volontés, d'une manière ou d'une autre. Il peut impliquer l'existence d'un dieu juge susceptible de nous punir ou de nous récompenser.

-le dieu juge, qui jugerait et pèserait nos actes selon différents critères. Il pourrait nous accorder des récompenses ou au contraire des punitions, que ce soit dans notre vie dans le cas d'un dieu guide, ou dans l'après-vie dans l'hypothèse de l'existence d'une vie après la mort ou d'une réincarnation.

-le dieu gardien de la mort. En fait le plus important ici ce n'est pas vraiment le dieu mais plutôt le concept religieux de vie après la mort, impliquant que la mort ne serait pas une fin, mais plutôt une transition vers un autre lieu (Paradis, Enfer...) ou une autre vie (réincarnation...). Ce concept peut être indépendant de l'existence d'un dieu, mais on y associera généralement un dieu gardien de la mort voire un dieu juge.

Bien évidemment, à chaque fois, j'aurais pu employer le terme "dieu" au pluriel (d'ailleurs au début de la conception de l'article c'était le cas mais ça rajoutait des (s), des (les) et des (ent) partout et c'était très moche).
Plusieurs dieux peuvent occuper une même fonction ou se partager des fonctions différentes.
De même certaines fonctions peuvent être inoccupées. Notre dieu éventuel peut aussi déléguer certaines tâches ou fonctions à des sous-dieux, des humains, des animaux ou des créatures de toutes sortes.

Bref maintenant qu'on a la nomenclature, on peut se créer notre religion en kit. Comme je l'ai déjà dit, on ne peut pas, à l'heure actuelle, démontrer la fausseté d'une religion. C'est donc vraiment un bon filon à exploiter.
Ce qui marche très fort ces 2000 dernières années c'est le dieu unique qui remplit toutes les fonctions tout seul mais qui délègue un peu à des créatures ailées, voire qui partage la fonction de gardien de la mort avec un autre dieu cornu.
L'implantation d'une vie après la mort est aussi souvent un facteur de réussite dans la création de votre religion, surtout quand il promet les pires tourments à ceux qui n'y adhèrent pas.
Il est bon de veiller à rajouter des rites, des règles et des châtiments, ainsi que de penser à prêter une volonté à vos dieux : ça préserve l'intérêt des ouailles et les fidélisent.

Mais tout évolue et aujourd'hui on a carrément des religions sans dieu, basées sur une espèce de pseudo-science ou sur des histoires de science-fiction ou encore sur le culte de l'ego comme la scientologie ou le satanisme.

Je suis agnostique

Malgré tous mes raisonnements païens et mes propos blasphématoires, je ne rejette pas totalement le concept de dieu. En fait, j'entretiens avec la religion des rapports assez complexes, un étrange mélange de fascination et de répulsion, d'intérêt et de rejet, de curiosité et de peur même.

J'ai beau rejeter le concept du dieu chrétien tel qu'on me l'appris, je n'arrive pas totalement à m'en détacher.
Même si je pense qu'il est plus probable que Dieu n'existe pas, je ne peux retenir certaines pensées purement déistes. Je maintiens un ensemble de vieux réflexes en quelques sortes, un peu comme le soldat revenu de la guerre continue à regarder derrière son épaule même s'il sait qu'il a désormais très peu de chance d'y voir un assaillant.
Je continue à essayer de maintenir un semblant d'équilibre entre le bien et le mal dans ce que je fais, je mesure mes actes suivant certains principes, pour beaucoup hérités de la morale chrétienne, et quand je veux très fort quelque chose qui ne dépend pas que de moi, je continue à me tourner instinctivement vers le Ciel ou vers une entité quelconque (dieu, chance, destin) qui m'y aiderait.

Et force est de reconnaitre que je ne suis pas en mesure de prouver que c'est vain.
La vie m'a plutôt gâté (tiens, encore une tournure de phrase un peu déiste) et les choses que j'ai vraiment voulu, dont j'ai vraiment formulé le souhait, j'ai fini, pour peu qu'elles soient réalisables, par en obtenir une bonne part bien qu'encore jeune.
Évidemment, cela a bien souvent pris des tournures évasives, presqu'ironiques parfois, rien que par le temps que ça mettait, la façon dont je finissais par obtenir ce que je désirais ou le contexte dans lequel ça arrivait.

Bien sûr, ce n'est ni une preuve, ni même un argument en (dé)faveur de l'existence d'un dieu quelconque. Bien au contraire, je cherche ici à exprimer mon incertitude à ce sujet.

J'ai fini par rejeter, sans doute pour de bon, le catholicisme et la chrétienté de manière générale car je trouvais leur vision de Dieu complètement incohérente avec le monde dans lequel nous vivons. Et puis je n'ai d'ailleurs jamais adhéré à cette histoire de Jésus. Aujourd'hui on voit partout des gens faire des tours de magie au moins aussi impressionnant que les "miracles" décrits dans l'Evangile et ce n'est pas pour autant qu'on croit leurs auteurs quand ils prétendent être un dieu incarné.
Me retrouvant donc sans religion, je n'ai pas tellement cherché à en trouver une nouvelle. Chacune présente, de là où je les vois, ses failles et ses faiblesses avec ses rites ridicules basés sur rien de concret, si ce n'est des mythes fantastiques dignes d'une roman de seconde zone.

Donc en l'absence de dieu référent pour me dire comment penser, je me créé ma propre ligne de conduite, avec ma petite logique et mes petits principes, basés sur ma maigre expérience et donc en perpétuelle évolution. En fait, je me juge moi-même selon mes propres critères.
Si un dieu quelconque veut que je me plie à sa volonté, qu'il commence par se révéler à moi de manière indiscutable et me l'expliquer. En attendant, ma volonté sera la seule à laquelle je me plierai.

mercredi 3 octobre 2007

Évolution

Évolutivement, l'Homme est dans une impasse.
Et oui, le confort moderne, les progrès de la médecine et de l'hygiène, la baisse de la natalité, les critères de choix des partenaires et le fonctionnement des sociétés modernes ont stoppé notre évolution.

Pour ceux qui n'écoutaient pas en bio, Charles Darwin nous a appris que l'évolution se faisait par l'apparition de caractères au hasard par mutations génétiques. Quand un des caractères qui apparaissent ainsi donne un avantage pour la survie, l'individu qui l'a développé a plus de chance d"atteindre l'âge de procréer pour le transmettre à sa descendance qui, elle-même, va mieux survivre et le transmettre à sa descendance. Et ainsi de suite jusqu'à ce que seule la progéniture de ce mutant ait survécu ou jusqu'à ce qu'elle ait subi d'autres mutations avantageuses en nombre suffisant pour donner une nouvelle espèce.
C'est ce même principe qui impliquait que seuls les plus forts, ceux avec les gènes les plus avantageux, survivaient et que l'espèce s'améliorait au fur et à mesure, que ce soit physiquement ou intellectuellement.

Seulement voilà, aujourd'hui on a la médecine, l'hygiène et des villes débarrassées de toute forme de prédateur, de sorte que même les enfants les plus faibles et stupides atteindront l'âge de transmettre leur patrimoine génétique et de faire ainsi d'autres enfants faibles et stupides, généralement avec des partenaires également faibles et stupides aussi qui, seuls, auront voulu d'eux.

Oui je sais, dit comme ça c'est horrible. Attention, je ne suis pas en train de dire qu'il faut rectifier le tir en tuant ou en castrant, je me contente de poser le problème.

Et le fait est que certains gènes sont plus avantageux que d'autres, qu'on le veuille ou non.
Il n'est pas question ici de couleur de peau ou de cheveux (chacune pouvant avoir une utilité évolutive selon les situations, par exemple de camouflage) mais il est clair que les gènes jouent un rôle essentiel dans la constitution physique et une certaine prédisposition à l'intelligence ou à certaines maladies.
Cette sélection dans les caractères existants est donc bloquée, mais ce n'est pas le plus gênant à mon goût.

Ce qui attriste le doux rêveur que je suis, c'est que dans le cas de l'émergence d'un nouveau caractère utile qui aurait un effet "néfaste" sur notre apparence, comme l'apparition de nageoires, de branchies ou d'une mâchoire plus puissante avec des crocs acérés, le "mutant" aurait bien du mal à trouver un(e) partenaire pour transmettre son avantage. Il en irait de même pour sa descendance et le même processus qui a jusqu'alors favorisé l'évolution entraverait la nôtre.
Quant à ceux qui ne seraient pas esthétiquement invalidants, comme une vue perçante ou une ouïe améliorée, ils ne se répandraient guère. Le fait de pouvoir détecter une odeur spécifique dans un certain rayon ne donnera pas à toutes les femmes l'envie irrésistible d'avoir un enfant de toi, alors qu'il t'aurait donné un formidable avantage évolutif en rapport avec la survie il y a de cela quelques millénaires. Ce don ne se répandra donc que dans la maigre population de ta descendance, toute aussi amenée à disparaître que n'importe quelle autre.

Les critères de choix des partenaires restent aujourd'hui les seuls vrais critères d'évolution. Et ils sont assez larges : comme on dit, on trouve toujours chaussure à son pied. De plus, ils sont assez changeants. Les canons de la beauté par exemple, qui sont un critère majeur de choix des partenaires depuis déjà un bout de temps, ont assez sensiblement varié au cours des derniers siècles, comme en témoigne le contraste entre les tableaux et sculptures de la Renaissance et les couvertures de nos magazines actuels.

Présenté ainsi, ça paraît triste pour l'humanité.
En réalité, ce que ça signifie, c'est que nous, toi et moi, sommes arrivés au sommet de l'évolution. Notre espèce n'ira pas plus haut et, si jamais une autre espèce en arrivait à notre niveau d'évolution intellectuelle, elle serait confrontée au même problème. Quand bien même elle ne suivrait pas notre voie naturellement, nous la pervertirions amicalement avec nos modes de vie et notre technologie dès les balbutiements de sa conscience et de son intelligence.

Nous sommes et resterons donc les êtres les plus évolués de cette planète, à moins qu'on ne trouve un moyen d'appliquer nous-même une sélection artificielle. À vrai dire je ne le souhaite pas du tout, et vue l'opinion qu'on garde des derniers qui ont essayé, je pense qu'on est tranquilles pour un moment.

Le monde est petit

"C'est fou comme le monde est petit !"
Cet immonde lieu commun est tellement souvent prononcé qu'il en est devenu affligeant de banalité. Il est pourtant censé n'être formulé que pour marquer le type d'évènements par définition les moins fréquents de la vie d'un homme (ou d'une femme, ou même d'un chien, voire d'un poisson rouge même si c'est plus rare qu'il en parle) : les coïncidences.

Et oui, c'est bien de cela qu'il est aujourd'hui question.
Cela nous arrive à tous, pour peu qu'on ne soit pas totalement dépourvu de réseau social, de croiser par hasard sur un forum l'ex de son meilleur ami, de retrouver un vieux pote de fac qui habite maintenant à l'autre bout du pays lors d'un séminaire en Espagne, ou encore de se rendre compte que la petite boulangère à qui on achète le pain depuis des années est en fait la nièce d'une collègue de boulot de notre mère.
C'est fou toutes ces coïncidence ! Il doit bien y avoir quelque part une forme de destin ou de providence qui nous guide vers ces faits improbables.

Et bin non. Tout ça peut s'expliquer relativement bien si on y réfléchit.
Considérant le nombre d'individus qu'on connaît dans toute une vie, ça paraît même plutôt normal, même pour quelqu'un qui n'a pas l'impression de mener une vie sociale hors du commun.
Prenons déjà toute nos familles : oncles, tantes, grands-parents, grands-oncles, grandes-tantes, cousins... On obtient souvent un réseau social extrêmement vaste rien que par la naissance. Ajoutons à cela toutes les personnes qui ont été dans chacune de nos classes pendant notre scolarité, plus tous ceux qui ont pratiqué, aux mêmes moments et niveaux, les mêmes activités extra-scolaires que nous. On peut encore rajouter les gens qu'on a connus en vacances, tous ceux avec qui on a pu discuter lors de telle ou telle soirée, ou encore ceux dont on a entendu parler sans les côtoyer plus que ça. Pour finir, pensons à tous les proches qu'on a pu fréquenter assidument à un moment ou à un autre de notre vie, ainsi que ceux qu'on a connu par leur biais (cop(a)in(es), famille, potes de potes .etc).
On arrive très vite à une masse considérable de gens dont on peut facilement se rappeler en les voyant et qu'on est au moins capable de reconnaitre. Quelque part c'est presque étonnant qu'on puisse mettre un pied dehors sans en croiser.

De plus, on s'aperçoit souvent que les soi-disant coïncidences s'expliquent souvent assez facilement de manière logique.
Si on reprend les exemples de tout à l'heure :
Ton pote avait transmis à son ex la passion que vous partagez tous les deux pour la science-fiction : il est donc normal que tu la retrouves sur ton forum Star Wars ; vous avez sympathisé avec ton pote de fac dans la même classe : vous avez eu le même diplôme et êtes employés par le même type de boite qui, logiquement, vous envoient tous les deux au même séminaire ; ta famille habite la ville depuis un bout de temps : il y avait toutes les chances pour qu'un de tes commerçants soit de la famille de quelqu'un de ton réseau sociale.

Je vais illustrer mes propos avec un exemple personnel assez marquant à mon goût :

Le jour de ma JAPD, je me suis retrouvé avec un mec que je connaissais vaguement. On avait des potes en commun, on fréquentait tous les deux le milieu mélomane nazairien, on connaissait nos groupes respectifs, peut-être même qu'on répétait en même temps, on était tous les deux bassistes... Bref en soit, le fait que nous nous soyons retrouvés tous deux convoqués le même jour et dans la même salle tenait déjà en soit d'une légère coïncidence.
Ne connaissant personne d'autre, nous avons donc passé la journée tous les deux, aussi avons-nous eu tout loisir de discuter. Et c'est ainsi que j'ai appris qu'en plus de vivre dans la même ville et d'être tous les deux bassistes, nous étions tous les deux nés exactement le même jour et qu'en plus, nous fréquentions tous les deux, de manière assez assidue, le même forum d'un site Internet pour bassistes. C'était donc une triple coïncidence.

Mais en y réfléchissant, il n'y pas vraiment de quoi s'émerveiller. La plupart de ces évènements découlaient les uns des autres.
En effet, notre date de convocation était en lien direct avec notre date de naissance, nous nous serions sans doute aperçu, si nous nous en étions enquis, que nous n'étions entourés que de gens nés pendant le mois d'octobre 1986, peut-être même tous entre le 15 et le 19.
Quant au forum, rien d'aberrant à ce que deux jeunes bassistes de 18ans fréquentent tous les deux le forum du plus gros site français pour bassiste de l'époque.
Bref la seule vraie coïncidence était que deux bassistes vivant dans la même ville soient nés le même jour. Et encore, si je recensais tous les musiciens d'à peu près mon âge que j'ai pu croiser de près ou de loin, je m'apercevrais sans doute que les probabilités qu'il y en ait un qui soit né le même jour que moi étaient loin d'être ridicules.

Cette histoire reste tout de même anecdotique, mais il est normal que des évènements pourvus d'une probabilité de cet ordre nous arrivent plusieurs fois dans une vie.
Ne gâchons donc plus nos salives à nous émerveiller sans arrêt de des pseudo-prodiges soi-disant improbables.

lundi 1 octobre 2007

L'acte désintéressé

Je ne suis pas le premier à le dire : il n'y a pas d'acte désintéressé.
Tout acte est forcément accompli dans le but de se faire plaisir à soi-même, que ce soit directement ou par le biais de quelqu'un d'autre. Même quand on s'occupe d'un ami, de ses enfants ou même d'un quidam quelconque sans y trouver de récompense personnelle, c'est que cela nous apporte une satisfaction.
Cette satisfaction peut être de différentes natures :
-plaisir personnel égoïste;
-intérêt à plus ou moins long terme;
-satisfaction du devoir accompli;
-éviter un déplaisir, une douleur ou un sentiment de culpabilité éventuel.

Evidemment, je ne peux pas vraiment le démontrer, mais j'attends encore le contre-exemple que je ne pourrais pas, d'une manière ou d'une autre, classer dans une des catégories ci-dessus.

Tant que j'y suis, je vais en profiter pour exposer un paradoxe que je trouve assez amusant. Je suppose qu'on y a déjà pensé avant moi : ce concept est survolé à la fin du film Constantine mais je m'étais fait ce raisonnement bien avant sa sortie.

Il s'agit du concept théologique que j'ai nommé concept du "vrai sacrifice", qui est en réalité un triple paradoxe.

Posons les règles de base.
Suivant la religion chrétienne, on est sensé accéder au Paradis par des bonnes actions pour autrui. Une bonne action pour autrui est forcément désintéressée, sinon c'est une action pour soi, une action égoïste, pas un vrai sacrifice.
De plus, la foi est aussi un critère extrêmement important dans l'accession au Paradis. Le bon chrétien n'est donc pas sans ignorer que les bonnes actions lavent son âme et le rapprochent du Salut.

Néanmoins, le bon chrétien qui accumule les actions de charité et de don de soi dans l'objectif d'aller au Paradis est intéressé. Ce qu'il donne en temps, biens, efforts ou souffrances, il le récupère en lavant son âme. De part sa nature intéressée, cette bonne action s'annule donc : premier paradoxe.
De plus, en soulageant la souffrance physique de la chair mortelle de son prochain, il noircit l'âme de celui-ci (la souffrance et la misère terrestes étant des critères d'accession au Paradis). Sa bonne action se change donc en mauvaise action : second paradoxe.

La vraie bonne action consiste donc à salir son âme pour laver celle des autres. Suivant ce principe, c'est ainsi en accomplissant les pires pêchés, en se rendant coupables des pires cruautés, que l'âme immortelle de son prochain à qui on inflige souffrance et misère se trouve lavée. La nôtre s'en trouvant noircie, nous n'y trouvons donc aucun intérêt et accomplissons là la seule vraie bonne action désintéressée possible : troisième paradoxe.

Un élément de plus à ajouter au discrédit de la chrétienté. C'est d'ailleurs aussi sûrement valable pour un paquet d'autres religions, en remplaçant la notion de Paradis par celle de karma ou autre.