lundi 8 octobre 2007

Pourquoi ?

En français, on fait souvent la confusion entre deux questions pourtant bien distinctes :
"Pourquoi ?" et "Pour quoi ?". En effet, si l'une se rapporte à la cause, l'autre se rapporte à la finalité.
J'ai même tendance à croire que ce flou est plutôt là à bon escient et que l'on a peut-être tord de s'échiner à répondre à certains pourquoi avec des parce que.

Un exemple : Prenons donc un mioche de base. L'enfant est souvent un peu con mais l'adulte, qui l'est parfois un peu moins, lui pardonne avec plaisir.

Donc nous sommes mercredi soir, il flotte et notre mioche, un peu con, pose une question, un peu conne elle aussi : "Pourquoi il pleut ?"
Là, l'adulte, dans un rare élan de paternalisme héroïque, détourne la tête de son écran ou de son journal et s'empresse de répondre au pourquoi du morveux par un éloquent "parce que" : "Parce que la teneur en vapeur d'eau du nuage atteint sa saturation autour de noyaux de condensation, ce qui, combiné à un effet de coalescence des gouttelettes, augmente leur poids jusqu'à ce qu'elles soient trop lourdes pour être portées par les courants ascendants." L'adulte, ayant parfois le soucis d'être compris de l'enfant, trouvera bon de simplifier l'explication. Parfois même certains parents, soucieux d'alimenter la transmission à leur enfant de leur débilité congénitale, se contenteront d'un affligeant "Parce que les nuages pleurent".
Quoi qu'il en soit le môme n'y trouvera pas son compte et répliquera du tac au tac par un autre pourquoi : "Et pourquoi les nuages ils pleurent ?"

Autre possibilité, l'adulte répond tout simplement "Pour arroser les poireaux." Là, le chiard la boucle et se replonge dans son activité précédente, souvent irritante et inutile. On a répondu à un "pour quoi ?", avec un "pour" et pas un "parce que". Et après tout c'est sûrement ça qu'attendait le marmot, il a la réponse à sa question, ce con d'adulte ne l'a pas gavé avec ses explications.

Et quand on y pense, on a marché au "parce que" pendant très longtemps, cherchant des causes à toutes sortes de phénomènes qui n'en avaient pas. Alors on a inventé des dieux pour se créer des causes, expliquer ce qu'on ne comprenait pas.
Pourquoi le soleil ? Parce que Ra voulait un serre-tête flashy. Pourquoi les éclairs ? Parce que Jupiter a pas trouvé plus classe pour nous emmerder de temps en temps. Pourquoi on existe ? Parce que Dieu voulait quelqu'un à qui interdire de bouffer cette foutue pomme.
Autant d'explications parfaitement illogiques, autant de causes imaginées de toutes pièces et rigoureusement inutiles.

Bref je ne suis pas en train de dire qu'il faut arrêter de chercher des "pourquoi" aux phénomènes qui ont un "parce que". Si Newton ne s'était pas demandé pourquoi la pomme tombait je n'aurais pas la télé par satellite et ce serait bien dommage.
Mais il y a bien des cas où on ferait mieux de convenir que la finalité est en soi une cause bien suffisante.

3 commentaires:

  1. Sympa cet article.
    Juste une remarque : cause et finalité c'est la même chose, au fond.
    Aristote distingue quatre types de causes : matérielle, formelle, effieciente, finale.
    Prenons une statue de Zeus (exemple classique). La cause matérielle c'est la pierre. La cause formelle c'est la forme donnée à la statue (la barbe, les muscles, et tout ça). La cause effeiciente c'est l'artisan ; c'est lui qui joint les deux causes précédentes. Enfin la cause finale est ce pour quoi l'artisan a fabriqué la statue (pour faire joli dans l'agora, pour honorer Zeus dans son temple, etc.).

    Et tout dans notre monde répond en fin de compte à une cause finale. Quand on dit : "Il pleut pour faire pousser les poireaux", on dit que la pluie a pour finalité la croissance des poireaux, mais on dit aussi qu'elle est la cause de leur croissance. Les poireaux ont pour finalité de finir dans nore estomac, mais cette finalité est au fond la cause de leur existence.

    Ce que, dans ton article, tu appelles "cause" c'est seulement la cause efficiente. La cause efficiente de la pluie, c'est effctivement le... la..., enfin le truc avec les nuages. Mais on s'en fout un peu non?, de comment les choses se font. Ce qui importe c'est de savoir "pour quoi" elle se font.

    La science moderne répond aux questions par l'analyse des causes efficientes. Mais elle ne nous dit rien de la cohérence cosmique de l'ensemble des êtres.

    Bref, la réponse "pour faire pousser les poireaux" me semble bien plus profonde que "parce que les nuages blablabla...".

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  2. Ah oui j'oubliai. Les religions ne répondent pas par "parce que" mais bien par "pour...".
    Pourquoi y a-t-il des éclairs ? Pour faire craindre aux hommes la puissance de Zeus. Ou encore, pour foudroyer ceux qui ce sont montrés impies. C'est bien la finalité qui est visée ici.

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  3. Remarque très intéressante. Comme c'était à prévoir, il y a déjà eu des vrais philosophes à partir des mêmes problèmes que moi et à en faire des analyses plus complexes et sans doute plus justes. Ravi que tu me donnes finalement la solution de l'énigme à laquelle j'avais réfléchi.

    Même si je suis d'accord avec toi (et c'est d'ailleurs la thèse de cet article) sur l'importance dominante de la finalité (selon mon article donc, cause finale selon Aristote) sur ce à quoi j'ai négligemment réduit la notion de cause, il me paraît important de ne pas négliger la recherche de cette dernière, ne serait-ce que pour les applications qui en ont découlé par science interposée.

    Concernant les religions, je maintiens que la finalité de leur invention est bel et bien de trouver une cause efficiente (ici la volonté du ou des dieux) aux phénomènes que nous expérimentons. L'interprétation de cette volonté (cause finale des phénomènes, soit pour les éclairs de l'exemple "pour foudroyer les impies") ne peut se faire qu'en supposant que la cause efficiente (la volonté en question) existe.
    Néanmoins, il est vrai que le message de l'existence du dieu ou de cette volonté occupent moins de place dans les religions "modernes" que l'"interprétation" de sa volonté.

    Sinon, je pense que mon article reste cohérent en remplaçant "cause" par "cause efficiente" et "finalité" par "cause finale" pour reprendre le vocabulaire d'Aristote, même si je suis effectivement passé à côté du fait que la finalité d'un phénomène était a priori inévitablement la cause d'un autre et même si j'ai mal exprimé la possibilité de la confusion de la cause d'un phénomène dans sa finalité.

    En tous cas merci bien, tu me fournis là un bel outil pour la clarification de mes raisonnements à venir.

    PS: Désolé pour les phrases longues, pleines de parenthèses et pas très claires.

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