mardi 29 janvier 2008

Libéralisme

Bon, et si on parlait politique, pour de vrai ce coup-ci.
Oui je sais, il était temps, tu l'as pensé tellement fort que je l'ai presque entendu : "Il est bien gentil à nous dire qu'il vote Bayrou et à nous sortir la critique du communisme la plus clichée de l'univers, mais c'est quoi ses idées à lui ?".
Je vais, dans cet article, essayer de poser les bases et rappeler quelques définitions de mes convictions politiques. Tu sauras ainsi à quoi t'en tenir.

En France, patrie des 35h et du Front Populaire, je pense pouvoir être catalogué comme centriste, voire centre-droite ; aux États-Unis je serais sans doute considéré comme démocrate ; en Chine je serais probablement pendu haut-et-court.
Personnellement, je me définis comme un libéral modéré.

Libéral car j'estime que de toutes les valeurs qui peuvent fonder la base de principes politiques, la liberté est la plus importante. Je crois que l'État doit avoir sur nos vies le moins d'influence et de pouvoir possible, que c'est à chacun de se battre pour lui et les siens et de se démerder pour s'en sortir par lui-même, ou aidé des gens qu'il a choisi.
Je crois aux principes de liberté individuelle, de libre concurrence et de libre entreprise. Je veux croire qu'on peut adapter le "laissez-faire" économique pour approcher une égalité des chances.

Modéré car je suis réaliste et conscient des failles d'un système purement libéral. Le libéralisme a besoin d'être encadré, limité, sécurisé (même si plus j'en apprends sur cet encadrement et ses effets pervers, plus je remets en question cette croyance).
Modéré également car j'ai mes propres conceptions de certains principes libéraux qui diffèrent sans doute légèrement de la vision puriste. D'ailleurs, je ne prends aucune doctrine vraiment au pied de la lettre, trop attaché que je suis à prêcher la pensée critique.
Modéré encore car je rejette farouchement tout ce qui peut s'approcher, par la droite ou par la gauche, d'une politique extrémiste. Le nationalisme me rend à peu près aussi nauséeux que le communisme. Je me ferai un plaisir de donner mes raisons (sérieusement cette fois) dans un article ultérieur mais je ne vais pas m'étendre là-dessus.

Bon, vu que tu regardes un peu trop la télé où on te dit plein de conneries, pour toi libéralisme ça doit rimer seulement avec droite, États-Unis, Sarkozy et golden parachute, donc on va revoir un peu les fondamentales.
Étant donné qu'on a affaire à une notion assez complexe basée sur tout un tas de concepts trop nombreux et délicats pour que je les détaille tous ici, je vais faire dans le résumé expéditif ; donc si tu veux te cultiver pour de vrai, je te renvoie au portail du libéralisme sur Wikipedia.

Le concept de base, c'est que l'état doit avoir le moins de pouvoir et d'influence possible, qu'il doit juste assurer les fonctions dans lesquelles il est indispensable (police, armée...). Pour simplifier presqu'outrageusement, un libéral c'est un anarchiste favorable au libre marché et à la propriété privée, et qui, dans l'acceptation classique, accepte qu'il faille quand même un pouvoir, quelques lois et quelques institutions nationales.
En France, le libéralisme se situe plutôt à droite en ce qui concerne les questions économiques et le gros des questions sociales, et à gauche sur tout le reste (sécurité, mœurs, immigration, répression...).
Pour entrer un peu plus dans le détail, le libéralisme repose sur de nombreux principes enchevêtrés les uns dans les autres en une interdépendance qui forme un tout cohérent. Je vais tâcher d'énumérer et de te donner mon interprétation des principaux.

Le premier et le plus important c'est la liberté, plus concrètement les libertés individuelles, aussi appelées droits naturels. Ce sont ces fameux droits naturels qui, après avoir tant fait couler d'encre aux lumières, ont fondé les diverses déclarations des droits de l'homme et qu'on retrouve comme bases de la plupart des vraies démocraties actuelles.
Pour faire simple, ils stipulent que chaque individu devrait être libre de disposer de son corps et de ses ressources pour faire ce que bon lui semble, tant qu'il n'entrave pas la liberté d'autrui. De cet aphorisme peut être déduit l'ensemble des fondements du libéralisme que je m'efforcerai de détailler ici.
Tu comprendras qu'en ce sens, je me gausse narquoisement quand j'entends Sarkozy taxé de libéral après ses "exploits" en tant que ministre de l'intérieur, ou des Américains s'auto-congratulant d'habiter le Pays de la Liberté alors qu'on peut s'y voir interdire, suivant les états et sous peine d'amende, certaines pratiques sexuelles considérées comme étant contre-nature comme la sodomie, ou même certains mots jugés trop vulgaires.

Un autre de ces concepts, auquel on réduit malheureusement trop souvent le libéralisme en général, est l'idée de libéralisme économique. Ce concept englobe notamment la libre entreprise, la libre concurrence, le "laissez-faire" économique (intervention minimum de l'état au niveau de l'économie), le capitalisme (propriété privée des moyens de production) et le libre marché (prix libre fixés par le libre débat entre le vendeur et l'acheteur). L'application dans les grandes lignes de ces principes a posé les bases de l'économie de marché que nous connaissons aujourd'hui.
À tort ou à raison, il s'agit sans nul doute du volet le plus critiqué de la philosophie libérale. Le fait est que le libre marché et le capitalisme ne sont pas sans poser certaines problématiques dans leur application pratique, même si la tendance médiatique est, dans une mesure difficilement appréciable, à la surestimation de la responsabilité du système économique libéral et à l'occultation parfois totale de celle de l'intervention constante et souvent nocive de l'état. Reste qu'à ce jour, aucun autre système n'a su proposer de meilleur levier de création de richesses dans la pratique, et que les quelques tentatives historiques d'application de principes contraires furent généralement désastreuses.

Le troisième principe, auquel je tiens beaucoup, est l'individualisme. Il s'agit tout simplement de donner la priorité au bien-être de chacun des individus sur l'intérêt général de la masse.
On a bêtement tendance à confondre individualisme et égoïsme. Les deux n'ont pourtant rien à voir. Contrairement à l'égoïsme à vue courte, l'individualisme n'implique pas le rejet de la solidarité, juste sa non-obligation. Dans un système libre et individualiste, celui qui s'en sort peut aider celui qui galère, ça ne lui est pas interdit ; ça ne lui est juste pas imposé. Ça ne nous empêche pas de se serrer les coudes entre amis, en familles, d'aider ou d'être aidé de ceux qu'on a choisi. On ne vient juste pas nous ponctionner arbitrairement nos ressources durement gagnées pour assister ceux qui n'ont pas réussi à en obtenir et qui finissent par considérer cela comme un dû.
Notre société a l'air de penser que chacun doit aider l'autre, que ceux qui s'en sortent, qui réussissent socialement et professionnellement dans la vie, ont non seulement le devoir moral et légal d'aider ceux qui ont moins de chance (ou moins d'aptitudes, ou moins de courage) mais devraient en plus culpabiliser de rester plus riches qu'eux.
Je préfère que l'acte de solidarité, voire de charité, reste ainsi un acte positif, preuve qu'on est quelqu'un de bien, plutôt que la normalité et la base. Je préfère que ceux qui s'en sortent puissent avoir la satisfaction d'avoir construit leur réussite par eux-même plutôt que par l'assistanat. Et bien entendu, j'aimerais que ceux qui ne s'en sortent pas ne puissent s'en prendre qu'à eux-même.
L'individualisme est à mon goût le meilleur garant de la responsabilisation et de la performance individuelle.

Le dernier point que je développerai ici, trop souvent négligé voire oublié, est le concept d'égalité des chances. Pour pouvoir vraiment responsabiliser l'individu, qu'il soit réellement garant de ses propres réussites et surtout de ses propres échecs, il ne faut pas que le système lui mette de bâtons dans les roues. Tout comme la liberté et l'égalité absolues, l'égalité totale des chances est une utopie, ne serait-ce que parce qu'on naît tous avec des caractéristiques qui nous avantagent ou nous désavantagent par rapport à nos contemporains (apparence physique, facilités intellectuelles, maladies congénitales...). Néanmoins, on peut tenter de s'en approcher. Mais évidemment, cela demande de lourds compromis sur les autres principes.
La recherche de l'égalité des chances est un facteur décisif de la détermination des rôles de l'état et de la nécessité d'un minimum de socialisation (éducation, santé...) dans un système libéral, et donc un des principaux points de divergence des divers courants libéraux. Tandis que les libéraux de gauche en font un point central, qui pousse même certains à renier l'utilité générale de l'héritage et du don, les anarcho-capitalistes rejettent toute imposition de ce concept par des moyens coercitifs, comme un impôt obligatoire.

Enfin, même si nombre de libéraux appuient essentiellement leurs convictions en la matière sur les droits naturels des êtres humain, mon approche vise uniquement à promouvoir auprès du plus grand nombre la possibilité de l'accès au bonheur. Cela implique de prendre en compte des facteurs autres que purement économiques et objectifs. C'est aussi pour cela qu'il n'existe pas de solution générique à tous les problèmes que nous connaissons, quels que soient la complexité ou les bonnes intentions des principes sur lesquels on s'appuie. Une seule doctrine, qu'elle soit politique, religieuse ou économique, ne peut pas suffire à nous donner toutes les réponses. C'est juste une grande ligne de conduite dont il faut s'inspirer et qu'il faut pouvoir modifier et adapter aux situations concrètes. Mais, dans cette optique, l'intérêt d'un système vraiment libéral se démarque en n'interdisant pas aux individus qui le souhaitent de se soumettre réciproquement à d'autres règles afin de mettre en place, pour ceux qui les auront choisis, d'autres systèmes. Ainsi, dans un système libéral, une communauté de socialistes pourra tout à fait se contraindre, par un contrat librement accepté de tous ses contractants, à une cotisation visant à acquérir des biens publics partagés (assurance maladie, revenus minimums...). En revanche, dans un système socialiste, les libéraux n'auront pas le choix de se soustraire à l'impôt et aux lois contraignantes.

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