Élevés que nous sommes à la grande école du romantisme© de chez Disney, on a trop souvent tendance à considérer amour et couple comme indissociablement liés. Je ne parle pas ici des histoires d'un soir, que la libération libidineuse et la gloutonnerie sexuelle de notre époque, que j'encourage par ailleurs, mêlés à une certaine vision de la virilité même chez la femme et à la peur du ridicule auront tôt fait de nous apprendre à éloigner le plus possible du sacro-saint Sentiment. Mais dès qu'il est question de durée et d'engagement, notre civilisation éprouve désormais systématiquement le besoin d'inclure le sentiment amoureux comme condition sine qua non.
Nos ancêtres médiévaux et antiques, de même que certains de nos contemporains régis par d'autres modes de fonctionnement, étaient en effet beaucoup moins imprégnés que nous de cette préoccupation. L'intérêt, la tradition et l'aval familial avaient en ces temps une importance prépondérante dès qu'il s'agissait d'union et de mariage. Je n'ai par ailleurs guère de problème avec notre nouveau dispositif, dont je préfère largement la naïveté mielleuse à l'arbitraire des mariages arrangés des temps passés. Mais elle m'inspire tout de même une réflexion quant aux différents aspects de ce sentiment par définition si abstrait, subjectif et aux manifestations si diverses, ainsi qu'à la place qu'il occupe dans un couple.Bien souvent, les jeunes gens ne conçoivent l'amour que sous la forme de la passion amoureuse, où l'autre occupe de le centre de leurs préoccupations. Elle peut être à l'origine aussi bien des bonheurs les plus intenses que des détresses les plus douloureuses.
D'ailleurs, même si la passion amoureuse reste à mon goût une expérience essentielle de la vie, les ravages qu'elle occasionne en compensent bien souvent les agréments. On a tous en tête les émois douloureux de nos premières ruptures, ou l'image de ces gens qui s'enferment dans leur couple, se privant progressivement en son nom de presque tous leurs autres plaisirs extérieurs et de leurs amis.
Le quotidien de l'amoureux passionné est d'ailleurs souvent loin d'être si rose : on n'obtient pas toujours de l'autre toute la considération qu'on attend de lui, ou alors on est régulièrement rongé par une jalousie souvent même infondée. Même dans les rares cas où elle fonctionne et apporte réellement du bonheur à chacun des deux amoureux, elle finit presque irrémédiablement par s'effriter. Les préoccupations quotidiennes et extérieures reprennent leur droit, les sentiments évoluent.
La passion amoureuse est un stade important du développement de l'individu. Je suis convaincu que l'expérience qu'on en tire de certains plaisirs et de certaines douleurs nous est très utile dans le reste de notre existence. Mais dans les faits, il vient presque toujours un moment où elle ne suffit plus comme raison d'être à un couple. Les sentiments doivent alors mûrir, se raisonner, entrer dans une autre phase.
Cet autre type d'amour, qu'on conçoit, pour ce que j'en sais, plus facilement en prenant de l'âge, est plus éloigné de la conception romantique. Même si ça reste un sentiment, il prend autant ses racines dans notre raison que dans notre affect. On apprend à apprécier les qualités de l'autre et ce qu'il a à nous apporter, à identifier et supporter ses défauts, à organiser sa vie incluant l'autre, mais pas nécessairement en fonction de lui (ou d'elle).
Certains aspects restent très proche de la passion amoureuse, dont ce sentiment n'est parfois qu'une évolution. On peut toujours ressentir assez fortement la jalousie, être très affecté par le comportement de l'autre ou la peur de le/la perdre. Mais le monde ne tourne plus nécessairement autour de lui/elle, on reste ou on redevient bien conscient de sa propre individualité et de tous ses aspects qui n'ont rien à voir avec cette entité qu'est devenue le couple.Malheureusement, cette conception aussi a ses revers. Lorsqu'il y a passage de l'état d'amoureux transi à ce rythme de croisière, la transition ne se fait pas toujours au même rythme chez les deux amoureux, pouvant occasionner un réel mal-être au moins chez l'un, voire souvent une rupture. Et même quand la transition se passe bien, il arrive que l'un des deux aille trop loin, qu'aveuglé par sa conception d'un amour uniquement passionnel, il/elle ne fasse plus la différence entre cet état et l'absence d'amour, et délaisse son/sa partenaire. C'est le cas typique du gars qui rompt avec sa nana sans en faire grand cas, puis qui déprime profondément lorsque celle-ci lui trouve un remplaçant. On n'est pas obligé de s'en rendre compte quand on est amoureux.
Selon moi, un couple qui se veut heureux et amoureux sur le long terme doit finir par en arriver à ce type d'amour.
Je pense que c'est pour ça que la sagesse populaire moderne a tendance à préconiser de ne pas se marier trop vite. Cette transition amoureuse rend le couple tellement fragile qu'il n'est pas sage de prendre le risque d'un engagement avant de l'avoir passée.Évidemment, il y a le cas marginal de ceux qui continueront à brûler d'une passion inextinguible jusqu'à leur dernier jour. On en voit de temps en temps, des petits vieux qui se tiennent par la main, des parents de pote qui sont toujours inséparables malgré le poids des années de mariage et de l'âge.
Il y a aussi les couples sans amour, sans doute plus nombreux déjà, qui ne tiennent debout que par habitude ou par dégoût de la solitude. Ils ne seront d'ailleurs pas forcément évidents à distinguer de nos couples à l'amour mature.
Enfin n'oublions pas que le sentiment amoureux est rarement symétrique au sein d'un couple, et qu'il existe divers degrés aussi bien à la passion qu'à l'amour rationnel, et qu'il est loin d'être systématique que chacun en soit au même point au même moment. De même, l'ordre d'enchaînement n'est pas obligatoirement celui que j'ai évoqué, d'autant qu'une passion éteinte peut tout-à-fait être réveillée pour un temps.
Bref il existe autant de combinaisons qu'il y a de couples. C'est pourquoi l'accession au bonheur en couple passera au moins autant par la capacité à établir une relation adaptée que par le choix du partenaire idéal.
Enfin n'oublions pas que le sentiment amoureux est rarement symétrique au sein d'un couple, et qu'il existe divers degrés aussi bien à la passion qu'à l'amour rationnel, et qu'il est loin d'être systématique que chacun en soit au même point au même moment. De même, l'ordre d'enchaînement n'est pas obligatoirement celui que j'ai évoqué, d'autant qu'une passion éteinte peut tout-à-fait être réveillée pour un temps.
Bref il existe autant de combinaisons qu'il y a de couples. C'est pourquoi l'accession au bonheur en couple passera au moins autant par la capacité à établir une relation adaptée que par le choix du partenaire idéal.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire