dimanche 10 février 2008

Musique, goûts et couleurs

Je suis réellement fasciné par les effets qu'une simple série de sonorités disposées plus ou moins en rythme peut avoir sur nos petits cerveau de mammifères. Elle influe sur notre humeur, nous poussant, selon les cas, aussi bien aux larmes qu'à l'euphorie. Elle modifie totalement nos perceptions, allant jusqu'à se faire un de nos plus puissants outils de séduction. Les plus férus d'entre nous en viennent à lui consacrer leur vie entière, courant de concerts en studios de répétition et investissant chaque denier dans du nouveau matériel hors de prix.

Bien sûr, je pourrais dire ce genre de choses d'un peu n'importe quel art, mais aucun n'a rencontré un succès aussi écrasant et une progression aussi constante que la musique. Elle est omniprésente, poussant même le vice jusqu'à s'immiscer dans la plupart des autres domaines artistiques. Il est désormais extrêmement peu courant d'être spectateur d'un film, d'une pièce de théatre ou même d'un vernissage sans que le tout soit accompagné d'un fond musical.

Bref, même les sourds en conviendront, la musique est partout et tout le monde le sait, ces deux paragraphes de lieux communs bloguesques n'auront donc servi qu'à aiguiser ma plume et émousser ton intérêt.

Le point sur lequel les auto-proclamés hommes de goût ont beaucoup plus de peine à s'entendre, c'est la détermination de sa qualité. En effet, en y prêtant attention, tu finiras fatalement par entendre dans la bouche de n'importe quel mélomane, qu'il soit dilettante ou confirmé, ce genre de phrases : "ce groupe est pourri", "ce morceau est génial"... Ce qui, pour peu que ledit mélomane soit en présence d'un confrère d'un avis différent, voire opposé, provoquera forcément un débat ridicule et prévisible au terme duquel le défenseur du groupe/morceau/artiste finira presqu'inévitablement par taxer l'autre d'intolérance ou de fermeture, et ce à la seule fin de se garantir une victoire facile (comprendre "dernier mot" pour "victoire" et "sans honneur ni mérite" pour "facile").

Il est vrai que la réponse à de si basses et calomnieuses attaques n'est pas évidente à produire dans le feu de l'action, sous le coup d'un certain délais de réponse avant que le sujet ne se soit éloigné du débat (ou le débat éloigné du sujet, au choix). C'est pourquoi je me suis décidé à publier ici une réponse que j'ai produite exprès à l'intention de ces indignes vilipendeurs de la pensée critique. J'encourage vivement le libre-penseur qui, j'ose l'espérer, ne sommeille pas trop profondément au fond de toi, à la réutiliser chaque fois qu'il en aura l'intérêt.

Tout d'abord, le premier argument traditionnellement employé est le si politiquement correct "on dit pas c'est nul on dit j'aime pas" que nos chères mères nous renvoyaient déjà à l'âge où nous les vexions en leur retournant en pleine figure ces plats dont toute l'affection portée à la préparation n'améliorait en rien le goût répugnant.
Pourtant la distinction est-elle bien de mise ? Nous parlons bien ici de musique, d'art. Y a-t-il en cette matière un critère absolu de qualité ? La popularité ? La technicité ? L'un comme l'autre seront facilement décriés comme gage de qualité musicale. Existe-t-il un cahier des charges explicitant un quelconque barème de qualité musicale et reconnu comme convention ?
Nenni ! Il s'agit d'art, pas de science, il s'agit de goût, pas de raison. En l'absence de référentiel absolu, on juge la qualité d'une œuvre selon son propre référentiel, sa propre sensibilité.
En ce sens, tout jugement de valeur porté sur de la musique est parfaitement subjectif et n'engage donc que son auteur. Le "c'est pourri" demeure un léger abus de langage mais traduisible systématiquement et sans ambigüité par "mon avis est que c'est pourri", exactement synonyme de l'expression du (dé)goût : "j'aime pas".
L'adepte outragé feindra de ne pas comprendre la portée de cet argument, ou statuera sur le verdict que l'usage d'un tel abus de langage suffit à faire du critique un gros con intolérant. Il convient dans ce cas de lui faire comprendre que de telles pinailleries ne nous effraient pas et que nous sommes nous aussi tout-à-fait capables d'enculer les mouches au moins aussi bien que lui.

Lui ayant déjà consacré un article, je ne m'appesantirai pas sur le concept galvaudé de tolérance. De même que cette dernière, on pointe souvent du doigt l'ouverture, ou plutôt son absence, afin de dénigrer l'un de nos contemporains faisant montre d'un avis divergeant du nôtre. Il faut croire que c'est le lot de toutes les vertus à la mode.
Il conviendra de rappeler à l'intervenant l'utilisant pour nous insulter la définition de l'ouverture d'esprit : "Qualité d’un esprit qui a de la facilité à comprendre, à saisir, qui a de la curiosité, de la largeur de vues." Comme tu peux le constater (et ainsi que j'ai fini par y consacrer un article), cette expression ne désigne en rien le fait d'aimer tout et n'importe quoi, et n'est en aucun cas incompatible avec la propension à avoir des goûts pointus. La notion d'ouverture implique de ne pas rester cloîtré sur notre petit univers, de s'ouvrir sur quelque chose, en l'occurrence l'extérieur, l'inconnu. Elle n'a rien à voir avec le jugement qu'on porte, avec le fait de détester tel ou tel groupe qu'on connaît déjà (même si on les connaît souvent mal : je ne sais pas pour toi mais personnellement je ne me tape que rarement la discographie d'un groupe dont les premiers morceaux me débectent), mais avec le fait d'être curieux et susceptible, d'être intéressé par ce qu'on ne connaît pas.
Ne reste plus qu'à objecter que ça ne te dérange pas plus que ça qu'il ait des goûts de merde, que tu le tolères très bien, et que s'il veut avoir raison il ferait mieux de ravaler ses attaques ad hominem et de trouver des arguments pour défendre sa musique, même s'ils ne seront de toutes façons sans doute pas beaucoup plus pertinents que les tiens pour la descendre.

Bref tout ça pour dire que les goûts et les couleurs, on n'a pas fini d'en discuter, mais j'ose croire que ce n'est pas en s'abaissant à en parler de la façon que notre opposant estime correcte ou en s'échinant à faire comme si on pensait tous pareils qu'on aura raison.

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