Allez, un sujet d'actualité pour changer.
Avant toute chose, sache que je ne suis pas un grand détracteur des médias et de leur influence sur nos comportements. Ils ne me font pas vraiment peur et me paraissent n'avoir un impact négatif qu'assez limité. Il m'arrive même parfois, plus ou moins accidentellement, d'user de mon temps en pure perte en me laissant happer par certains divertissemerdes de la télé-poubelle.
Bref ne prends pas le sujet qui suit comme de l'antimédiatisme primaire.
N'empêche que je suis vraiment impressionné par leur capacité à maitriser les foules.
L'exemple que je vais prendre est assez simple, tu n'as pas pu passer à côté : il s'agit de la Coupe du Monde de rugby.
Il y a de cela encore six mois, personne n'en avait quoi que ce soit à foutre du rugby !
Oui, je sais, tu vas pouvoir me dire, comme un peu tout le monde, que tu t'étais déjà arrêté devant un match du tournoi des six nations et que ça t'avait plus ou moins plu. Moi-même j'ai toujours eu un certain respect pour la noble violence de ce sport.
Certes, tu peux arguer que la FFR comptait déjà près de 250 000 licenciés, qu'il y avait un certain nombre de clubs en France, plein de gens qui suivaient et bla et bla et bla...
N'empêche que le rugby avait droit à une ou deux diffusions annuelles sur chaines hertziennes, genre les chocs des titans, les gros matchs du quinze de France... On ne comptait que quelques villes, notamment dans le sud, avec une vraie culture du rugby, et quelques clubs disséminés à droite à gauche. Le nombre de licenciés, assez bon indicateur, est instructif. 250 000 forcément dit comme ça ça fait beaucoup mais ce n'est pas grand chose comparé aux 2 280 000 du football ou aux 450 000 du basket, qu'on voit au passage beaucoup moins à la télé. Pour te donner une idée, le rugby compte moins d'adhérents licenciés (en France) que des sports comme le golf, la pétanque, la gymnastique ou encore le canoë-kayak; c'est pourtant un sport collectif, qui se pratique donc essentiellement en club, impliquant quasi-systématiquement une licence, contrairement à la natation ou à la pétanque.
Et pourtant, il suffit que la France en soit choisie comme pays organisateur d'une compétition pour que chacun devienne un passionné de rugby de longue date. On voit les clubs faire parader leurs jeunes adhérents en fanfare dans les rues de nos villes, on ne parle plus que de rugby, chacun rentre chez soi ou se rue au stade pour regarder tel match plus ou moins important.
Qu'on ne vienne pas me dire que le pays s'est spontanément rendu compte de son amour pour ce sport si longtemps délaissé.
Que la fierté nationale de l'organisation d'un gros évènement sportif ait eu son rôle à jouer, je veux bien le croire.
Mais soyons réalistes, la cause, la vraie, c'est le matraquage médiatique incessant que nous subissons chaque jour. Impossible d'allumer ma télé sans tomber sur une pub représentant des colosses en maillot rayé, de me balader dans la rue sans être envahi d'affiches de ballons ovales me vantant les mérites d'un nouveau sandwich à la viande, d'écouter France Info 10 minutes sans tomber sur une interview d'un vieux rugbyman anissé qui m'explique en large et en travers avec son accent du sud à quel point sa ville a toujours été la patrie du rugby. De la pub aux info, des discours aux évènements communaux, des journaux aux ragots de basse-cour, le rugby est partout, énorme, omniprésent, écrasant.
En quelques semaines, les médias ont réussi à canaliser l'intérêt de tout un pays, à enflammer les passions, à substituer pour un temps le sport national.
Bien sûr tout est pour le mieux. Tout cet engouement aura rapporté à la France un sacré paquet, favorisé la consommation et l'économie, révélé aux Français une activité sportive qui préviendra bien des obésités et des maladies vasculaires et fait exploser le nombre de licenciés à la FFR.
Mise à part une poignée de grincheux dont le non-intérêt pour le sport pourrait presque être qualifié d'anti-national et quelques pauvres idoles footballistiques pour un temps délaissées, tout le monde est bien content.
Mais je ne peux m'empêcher de m'attarder sur les questions que ça soulève quant à notre malléabilité, notre capacité à penser librement ou au contraire à être manipulés, bref nos volonté, conscience et dignité d'êtres humains.
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