Jusqu'à une époque récente, même au sein de nos contrées occidentales, les modalités d'une mise en ménage reposaient, pour ainsi dire, sur le quasi-monopole de l'autorité. Cette autorité pouvait (et peut encore, dans certaines régions) provenir des parents, du seul patriarche, du chef du village, de la marieuse, ou encore du seigneur.
Avec l'essor du libéralisme, la révolution industrielle, l'exode rural et l'avènement du salaire, les jeunes se sont enfin vus offrir la possibilité d'une émancipation du joug des cellules d'autorité traditionnelles (famille, Église, village...), sans pour autant être condamnés à l'errance et à la misère, comme la conscience collective de l'époque le prévoyait pour ceux qui, osant braver l'ascendance, se retrouvaient déshérités et chassés du foyer. Ainsi affranchis du poids d'obligations sociales millénaires, ils ont pu inventer le couple moderne, basé sur l'amour, et surtout les modes de séduction modernes, basés sur le libre choix. On pourrait en quelque sorte appeler ça un libéralisme amoureux.
Et l'application de ce libéralisme amoureux fut accompagnée, comme celle de tout système, de son lot de dérives et désagréments - ceux-là même par lesquels les représentants de l'autorité maritale justifiaient leur ingérence. L'univers du couple et de la séduction devint donc le monde de la jungle que l'on connaît aujourd'hui. La régulation commença à se faire suivant l'offre et la demande, comme pour tout système libéral. Ceux que l'hérédité, l'effort en ce sens ou encore la chance avaient doté des plus grandes qualités (beauté en accord avec les canons du moment, intelligence, pouvoir, beau-parler, aptitudes sociales...) devinrent très courtisés et à même de jouir d'une grande liberté de choix, susceptibles d'obtenir à leur guise les partenaires les plus intéressants, et même de se payer le luxe d'en changer couramment. À l'inverse, les indigents de la séduction, trop laids, excentriques ou timides, se retrouvèrent condamnés à l'effort et au dépassement de soi pour arriver à faire leur trou, à ne pas se faire ravir leurs cibles sans peine lors des parties de séduction, à conserver la fidélité et l'intérêt de leurs conquêtes malgré leur relative liberté de succomber aux nombreux prédateurs alentour.
Il est probable aussi qu'on dénonçât une recrudescence des abus, au sens du viol des droits naturels, notamment sous la forme de viols tout court, accusant cette nouvelle libération d'encourager, par la déréglementation et la permissivité, les pires outrages. Néanmoins, comme pour les accusations analogues qu'on dirige vers le libéralisme économique, celles-ci ne furent que vaguement fondées, oubliant les abus en la matière qui avaient été le fait de l'autorité, encouragée justement en cette voie par cette sur-réglementation.
Et force est de reconnaître que le système de gestion autoritaire des mariages comportait bien des avantages apparents, ne serait-ce que du point de vue de l'"égalité" (en son sens galvaudé, d'où les guillemets). Celui qui naissait laid - vraiment laid, au point qu'il n'aurait aucune chance de tirer son épingle du grand jeu de la séduction - pouvait compter sur la cellule autoritaire traditionnelle pour lui trouver une femme. C'était moins les attributs dont il était doté ou non que la capacité qu'il avait à se faire bien voir et à faire reconnaître au village l'ensemble de ses qualités qui déterminerait d'ailleurs le choix qu'on ferait pour lui de sa compagne. Celle-ci pourrait même être une perle de séduction. Et ainsi, de la même manière que le socialisme veut forcer le riche à faire profiter le pauvre de sa fortune, on forçait la belle à faire jouir de ses charmes l'indigent amoureux.
Chacun était sûr, à condition de se plier à certaines exigences des décideurs, de trouver une compagne, et les mesures prises par le pouvoir matrimonial pour protéger le système et s'assurer que sa répartition autoritaire serait respectée (obligation de virginité jusqu'au mariage, de fidélité à partir) avaient le mérite, au moins en apparence, de limiter les abus de débauche et d'immoralité.
Et pourtant, malgré les avantages apparents de l'ancien système, plus sécurisant, et l'aspect repoussoir d'un système plus chaotique basé sur la liberté de choix des individus, quasiment aucun de ceux qui ont connu le dernier ne voudrait, sous quelque prétexte, revenir au premier. Parce que la liberté est bien plus importante au bonheur de chacun que la sécurité ou une prétendue égalité. Parce que ce qui apporte du bonheur dans l'amour, c'est notamment de savoir qu'on doit celui de sa compagne (ou de son compagnon) à ses propres qualités, à sa conquête, et pas à l'attribution arbitraire d'une autorité quelconque.
Alors pourquoi sommes-nous incapables aujourd'hui d'appliquer ce même raisonnement aux diverses problématiques politiques auxquelles le libéralisme offre une solution - certes pas parfaite, aucune ne l'est - du même ordre, comme l'économie par exemple ? Pourquoi ne voyons-nous pas que le prix des prétendues dérives de ce système est beaucoup moins élevé que celui de sa triste alternative autoritaire ? Les réponses à ces questions sont bien trop complexes et nombreuses pour être argumentées en une phrase en cette fin d'article, et je les développerai dans des publications ultérieures. Mais si tu veux chercher par toi-même, je te donne une piste ; cherche du côté des penchants humains suivants : lâcheté, bêtise, mauvaise foi, imposture, manipulation de masse, sentimentalisme, populisme, raccourcis intellectuels, inculture, incapacité à la remise en question...
trop long
RépondreSupprimerj'ai lu que le premier paragraphe
et je comprend rien
pourqoui ta des reflexions aussi longues et compliqués
Désolé ^^. Mais à qui ai-je l'honneur ? (si on se connaît)
RépondreSupprimerConcernant ta question, j'aimerais te répondre que mes réflexions sont longues et compliquées par réaction contre les réflexions souvent trop courtes et simplistes de mes affligeants congénères, mais en vérité je trouve que 5 ou 6 pauvre paragraphes pour développer une idée c'est au final assez peu. Il y en a qui font des bouquins entiers des leurs sans parvenir à en faire le tour pour autant.
Sinon pour résumer le présent propos de manière triviale, on pourrait le faire tenir en trois propositions :
1) Les gens aiment la liberté en amour.
2) La liberté en amour implique pourtant grosso modo les mêmes avantages et inconvénients que la liberté en économie (ou autres)
3) Parant de là, pourquoi les gens n'aiment-ils pas la liberté en économie (ou autres)
Peut être qu'anonyme a voulu dire qu'une introduction, si brève soit-elle, ne serait pas de trop avant de se plonger dans ce néanmoins long texte.
RépondreSupprimerPour ma part j'ai réussi à tout lire mais regrette que tu n'ai pas débuté par les trois propositions que tu as soumis après coup. Je trouve que partir d'un postulat évite les réflexions parasites pendant la lecture, telles que "quel est son point de vu final?".
Bien entendu je ne te proposes pas de conseils d'écriture mais mon avis sur la possible difficulté de te suivre dans ton raisonnement.
Tes articles et ton style sont plaisants, je te lis avec attention, et serait peut être à l'origine d'autres commentaires!
Il est toujours périlleux de juger soi-même ses propres productions, mais ce qui me plait dans la façon dont j'ai construit ce texte, c'est justement que le point où je veux venir ne se révèle que petit à petit (à moins bien sûr d'être familier de ma fixation sur le libéralisme). Ce sont selon moi les interrogations et réflexions qu'il suscite chez son lecteur qui font l'intérêt d'un texte.
RépondreSupprimerQuoiqu'il en soit merci pour tes compliments, ta remarque et ton intérêt, et au plaisir de recevoir tes prochains commentaires.