Aujourd'hui, je te propose un petit jeu qui n'a, comme à mon aimable coutume, rien d'innocent.
Je te propose donc de lire la phrase suivante, tirée de l'excellent chapitre 4 du non moins excellent (au moins le début pour ce que j'en sais) livre du trop méconnu Tristan-Edern Vaquette :
"Mais sois certain aussi que je n'appartiens pas non plus à la race des cons qui tapent. Tu sais, l'ordure, comme tu dis, (...) lui aussi, il est persuadé, de bonne foi, que le Juif est responsable de ses malheurs, que c'est un salaud qui (...) est aujourd'hui responsable de son indigence financière, à lui, à défaut de son indigence intellectuelle dont il n'a pas conscience."
Maintenant, manifeste bruyamment ton accord avec le discernement lumineux de ce constat dressé de la motivation antisémite, et la légitimité du mépris exprimé pour le genre de raisonnements à l'origine de ce courant.
Puisque nous sommes d'accord, je vais maintenant te demander de relire ce texte, mais cette fois en remplaçant le mot "Juif" par le mot "patron", ou "bourgeois", ou bien encore "système capitaliste". Le jugement porté par la phrase ainsi obtenue t'inspire-t-il la même adhésion ?
Si la réponse est oui, désolé, soit je viens d'effectuer enfin ma première vraie conversion, soit tu as perdu ton temps à lire ces lignes. En revanche, si la réponse est non, prends garde ! Il est plus que probable que tu sois atteint de la même maladie que les antisémites de l'époque et que, cédant aux sirènes de l'air de notre temps de crise et à la tentation de la désignation d'un bouc émissaire, tu aies rejoint les rangs gonflants de l'anticapitalisme, de la même manière que des millions d'autres avaient rejoint ceux de l'antisémitisme.
Et avant que tu ne m'abreuves de toutes tes justifications, défendant avec véhémence la différence de légitimité entre les deux points de vue, demande-toi donc si des arguments du même acabit que ceux que tu me prépares n'ont pas, eux aussi, été employés en leur temps pour rationaliser la haine raciale. Demande-toi si les clichés qui circulaient alors sur la malhonnêteté des Juifs n'avaient pas la même base de vérité que ceux qu'on prête actuellement aux patrons (à savoir, comme pour toute généralisation, quelques exemples malheureux). Quant à venir m'expliquer que je ne suis qu'un sale con de comparer la révolte légitime de nos frère opprimés à des idées ayant causé le plus grand génocide de l'histoire, tâche de te souvenir que l'anticapitalisme (car le socialisme n'est-il pas né à la base, de l'opposition au capitalisme ?) a causé un nombre de victimes (même si on ne parle que des morts) qui se mesure par rapport à l'holocauste en facteur multiplicateur.
PS: Désolé pour l'emprunt, Vaquette, mais je suis sûr que, même n'approuvant pas ma thèse, tu ne me reprocheras pas d'avoir ainsi détourné ton art pour pourchasser - certes dans le désert, mais n'est-ce pas là que se retrouvent tous ceux qui s'y risquent de manière un peu trop ostensiblement intelligente - la pensée unique de mise en notre époque.
PPS: Ouais je sais, un point Godwin... Un de plus... En même temps, est-ce que c'est vraiment si ridicule d'employer l'analogie avec le régime nazi quand il s'agit de dénoncer des idées du même ordre, ayant eu sur l'histoire des conséquences au moins aussi désastreuses ?
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