Le bonheur est la pierre angulaire de mes questionnements philosophiques - pas que des miens d'ailleurs -, la seule vraie fin en soi, à la fois but et sens de la vie.
Malheureusement pour ma cohérence idéologique, cette notion de bonheur est assez insaisissable d'un point de vue sémantique, à l'instar de nombre de concepts abstraits tels que l'intégrité que j'ai déjà évoquée, ou encore l'amour sur lequel je n'ai pas fini de revenir. Chacun a sa propre définition du bonheur, parfois même plusieurs. Moi-même j'avoue rester perplexe devant cette question, incapable de me fixer sur une définition donnée, d'accorder une préférence rationnelle à l'une d'entre elles.
Le but de cette page, évolutive au fur et à mesure que j'en découvrirai de nouvelles conceptions, est de rassembler les différents sens qu'on peut donner au mot bonheur, tout en mettant en lumière leurs aspects contradictoires. Je vais tâcher de faire court, cela dit chacune des phrases suivantes mériterait sans doute d'être longuement réfléchie et débattue :
- Le bonheur, c'est une "bonne heure", un bref moment où on se sent bien ;
- Le bonheur, c'est un état de satisfaction et de bien-être durable ;
- Le bonheur, c'est l'absence de souffrance, les petits plaisirs, l'oisiveté, être allongé dans l'herbe à ne rien faire qu'en profiter, le confort ;
- Le bonheur, c'est le travail, le dépassement de soi, le chemin de la vertu ;
- Le bonheur, c'est d'avoir atteint son but ;
- Le bonheur, c'est de pouvoir se passer de but ;
- Le bonheur, c'est de tendre vers un but, et plus ce but est difficile d'accès, plus le bonheur est grand (merci Vaquette) ;
- Le bonheur, c'est de parvenir à ne pas se fixer de but qu'on est incapable d'atteindre ;
- Le bonheur, c'est la conscience des aspects positifs de son existence et la relativisation de ses aspects négatifs;
- Le bonheur, c'est quand on ne se pose pas la question de savoir si on est heureux ou pas ;
- Le bonheur, c'est quand on se sent heureux : il s'agit juste d'un ressenti, une impression dépendant uniquement de sa perception de la réalité ;
- Le bonheur, c'est un état réel, impliquant que tout bonheur basé sur le mensonge n'est pas un vrai bonheur, que la seule illusion du bonheur n'est pas le bonheur ;
- Le bonheur, c'est être content de soi, de la manière dont on a mené sa vie ;
- Le bonheur, c'est de rendre plus belle la vie des autres ;
- Le bonheur, c'est la décharge d'adrénaline, la peur dans la prise de risques ;
- Le bonheur, c'est d'être en sécurité, d'être à l'abri de la peur, de l'angoisse ;
- Le bonheur, c'est d'être capable d'ignorer la peur, même quand on prend des risques ;
- Le bonheur, c'est d'être entouré de ceux qu'on aime, d'avoir de l'amour à donner et à recevoir, d'appartenir à une communauté ;
- Le bonheur, c'est de savoir se suffire à soi-même ;
Certaines de ces propositions en englobent d'autres ; certaines qui semblent contradictoires sont en réalité conciliables, peut-être même toutes en cherchant suffisamment loin. Elles sont toutes discutables, mais je doute qu'une seule soit réellement réfutable.
On remarque quand même quelques grands mécanismes qui se détachent, comme l'opposition entre une conception du bonheur dynamique et une autre statique : le travail contre l'oisiveté, la progression contre l'achèvement, la conscience contre l'ignorance, le risque contre la sécurité, le désir contre la satisfaction. On peut aussi distinguer une vision Certes la catégorie "dynamique" est la plus esthétique, celle qui a toujours été encensée comme le chemin de la vertu, ce qui se justifie assez pragmatiquement. Mais est-elle la voie du bonheur pour autant ?
De même, on peut constater une opposition entre une vision pragmatique ou réaliste d'une satisfaction par l'action et une approche plus idéaliste ou stoïcienne, plus orientée sur la maitrise de ses propres désirs et perceptions.
Enfin on observe l'opposition entre égo et société, qui a marqué les plus féroces luttes idéologiques : individualisme contre collectivisme, capitalisme contre communisme, partisans de la liberté contre partisans de l'égalité.
La coexistence et les popularités respectives de ces conceptions différentes m'amènent à la certitude qu'il n'existe pas une seule voie du bonheur. L'une et l'autre de ces approches pourront être respectivement plus adaptées au bonheur de différents individus, ou encore alternativement à celui d'un individu donné à différents moments de son existence.
Partisan de la modération, j'ai même tendance à considérer, au moins en ce qui concerne mon bonheur personnel, qu'il repose sur un compromis entre les diverses approches, une coexistence simultanée. C'est pourquoi je m'efforce de concilier jouissance et progression, d'alterner travail et oisiveté, de chercher mon profit sans nuire à ceux qui m'entourent et d'avoir un impact bénéfique sur mon entourage - et pourquoi pas sur les sociétés humaines dans leur ensemble - dans la mesure où ça ne me cause pas de tort.
Je conçois tout-à-fait qu'on soit en désaccord avec cette conception, qu'on adopte un point de vue radical, s'auto-dictant l'obligation morale de faire un choix personnel. En revanche, pour peu qu'on adhère à l'idée première que je cherche - sinon à démontrer - à illustrer ici et qui veut que le bonheur soit une notion purement subjective, on sera forcé de reconnaître que nulle autorité ne peut prétendre imposer de règles supposées mener au bonheur de chacun à une société basée sur des individualités distinctes, à moins que les règles en question ne visent qu'à la préservation, pour ces individualités, d'une liberté aussi totale que possible, non seulement dans les moyens de la recherche de ce bonheur, mais aussi dans sa définition.
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