vendredi 24 avril 2009

Facebook

Ce soir j'ai envie de gueuler. Oui, comme ça, ça arrive des fois, la fatigue sans doute...
En fait j'ai envie de haïr. On ne le dit pas assez, la haine est un sentiment très sain, source de beaucoup de satisfaction. Après tout, la haine, plus sans doute que tout autre sentiment, sait tellement bien nous éloigner de nos remises en question nombrilistes et nous submerger de la préoccupation de l'autre, de cette charogne qu'on déteste parfois sans savoir pourquoi, si absorbé qu'on est dans l'exécration la plus enivrante.

Manque de pot, en ce moment je ne hais personne. Il y a bien deux ou trois gus qui m'énervent, une poignée de quidams qui me susciteraient le plus profond soulagement en se décidant enfin à n'avoir jamais existé... Mais entre la simple gêne et la haine s'étend le profond fossé du plaisir sadique qu'on éprouve à s'abîmer dans la détestation.

Non, je ne vais pas pouvoir gueuler sur quelqu'un, il va falloir que je me défoule sur quelque chose, un concept quelconque. Mais quoi ? J'en ai un peu marre de m'acharner sur la gauche, la religion ou la bien-pensance pseudo-humaniste. Aujourd'hui je vais faire dans le consensuel, je vais taper sur Facebook !

Facebook, c'est comme TF1, les supermarchés, les véhicules polluants et les cigarettes : tout le monde s'accorde à dire que c'est nul à chier, que ça sert à rien et parfois même que c'est nocif, mais tout le monde y passe sa vie quand même.
C'est donc une cible facile que je choisis ce soir, une cible déjà un peu à terre, avec les marques de godasses encore sur la gueule pour m'indiquer là où je peux taper, les bons arguments pré-mâchés en libre-service.

Franchement est-ce que ce n'est pas criminel, à l'heure actuelle où la procrastination pourrait presque être élevée au rang de problème de société, de mettre entre toutes les mains un outil aussi incroyablement utile à la seule fin de perdre son temps ?
Il faudrait recenser le nombre d'étudiants qui, à l'heure de leur vie où leurs capacités physiques et cérébrales sont à leur potentiel optimum, où ils peuvent retenir et mémoriser des milliers d'informations intéressantes, faire du sport ou encore voyager, viennent s'échouer lamentablement sur la page blanche et bleue, dilapidant leur précieux âge d'or en distractions désinvoltes et commentaires oisifs, et ce bien souvent à la veille même de leurs examens.

Un truc qu'il faut savoir, c'est que j'y passe des heures sur cette connerie. Que celui qui ne s'est jamais repris plusieurs fois dans la soirée à fixer bêtement sa liste de contacts MSN me jette la première pierre; je scotche abusivement devant ma page de news, rafraîchissant régulièrement à l'affût de... à l'affût de quoi d'ailleurs ? Du dernier bon mot d'un cousin lointain ? D'une vidéo vaguement marrante ayant déjà fait plusieurs fois le tour du Web ? D'un évasif morceau de vie offert au commentaire par un flirt du moment ou une conquête potentielle ? Du résultat du test qui va me révéler avec lequel des personnages de Grey's Anatomy un copain de vacances à demi oublié a le plus d'affinités ?
Je me suis même retrouvé à avoir des conversations avec moi-même, commentant mes propres commentaires ! Faut quand même être sacrément désœuvré, alors que, et je m'en presque-plaignais ici-même il y a peu, il y a plus à découvrir en ce bas monde qu'on est même seulement capable de l'appréhender.
Tandis qu'il m'est donné plein loisir de m'indigner devant le spectacle pathétique de ceux de mes proches qui rejoignent les groupes leur promettant monts et merveilles s'ils invitent tous leurs amis, ou encore deviennent fan de "Bizoux et kalins" et autres "la pai c mieu kla guère !!", je dispense moi-même mes commentaires et bons mots, qui doivent bien eux aussi sonner creux et paraître insipides et risibles, au moins à un probable autre désœuvré encore plus prétentieux et égotique que moi, alimentant ainsi la grande chaîne du ridicule 2.0.

Bon, ne jetons pas bébé avec l'eau du bain, c'est une perte de temps qui a le mérite d'être sociale, ça permet d'échanger quelques photos... Et puis ça aide vraiment à garder des contacts. Assez peu au final, pas forcément ceux qui comptent, mais les vraies affinités, les gens dont on commente volontiers les frasques et qui s'amusent des nôtres en retour, et cela dans la durée.
Comme bien souvent, ma critique un peu facile n'est pas dépourvue d'une certaine dose d'affection - si j'ose dire... - et d'un intérêt pas complètement malveillant.

Et non, même pour toi Facebook, ce n'est pas encore ce soir, malgré toute l'envie qui m'en étreint, que j'arriverai à éprouver de nouveau cette vraie, belle haine gratuite.

1 commentaire:

  1. Je partage ton avis concernant ce site.
    Même en sachant que ça ne sert à rien, que c'est pollué, que c'est exhibitionniste et voyeur, que la connerie et l'analpha-bêtisme y pullule, bref, que cela reflète assez bien la société, j'ai su en tirer quelques bonnes choses.

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