samedi 15 mars 2008

Mon petit film personnel

On est tous la vedette de son petit film personnel.

Notre perception est toujours égocentrée. Du coup, on accorde tous une importance démesurée à chacun des paramètres de sa vie. On agit sans arrêt comme si les autres personnages n'avaient rien de mieux à faire que de disséquer chacun de ses faits et gestes pour mieux parler de soi entre eux, comme si on était le charismatique Dr House ou la séduisante Ally Mc Beal.
Alors on prépare ses répliques, on soigne son apparence, ou au contraire on se néglige consciemment, on fait tout pour être parfait lors de chacune de ses grandes scènes.
On est convaincu qu'on connaît, parfois même à plusieurs reprises, le Grand Amour digne des plus belles comédies romantiques, ou même que les sentiments qu'on éprouve ont quelque chose d'unique, de grandiose.

La vérité c'est qu'on est presque toujours extrêmement banal.
Quels que soient les choix qu'on fasse, il y a toujours eu des millions de personnes à faire les mêmes avant. Quelle que soit la volonté qu'on mette à l'éviter, on est toujours poussé dans les grandes cases dans lesquelles ces choix, finalement assez limités, nous rangent tous comme des dossiers.
On naît, on va à l'école, on travaille, on meurt. Parfois on se marie, on fonde une famille, mais en vérité, l'amour que l'on porte à sa femme/mari et à ses enfants n'a rien de bien différent de celui qu'éprouve le voisin pour les siens. On peut aussi choisir de rester célibataire, mais on devient une fois encore un des nombreux clichés ambulants qui emplissent cette catégorie.
Même ce qui est pour nous la pire des catastrophes, que ce soit un adultère, le décès d'un proche ou encore une grosse galère financière, même les pires souffrances et les plus grandes joies qu'on éprouve, tous ces évènements ne sont que les manifestations de l'effroyable banalité d'un sort également échu à une pléthore de nos contemporains dont les tribulations sont tout aussi ordinaires et ennuyeuses que les nôtres.

Alors on se persuade, on se convainc qu'on est quelqu'un de spécial, qu'on a quelque chose en plus, ou au moins qu'on n'est pas plus mal qu'un autre. Cette vie est a priori la seule qu'on a, on veut donc à tout prix qu'elle soit grandiose, même si ce n'est que dans l'impression qu'on en a. Du coup, on en déforme sa perception, on s'imagine un peu de couleur par-ci, un peu d'intérêt par-là, une touche de drame et une bonne dose d'émotion.
On s'invente toutes sortes de critères afin de se dire qu'on a bien réussi sa vie, et le jour où on ne les satisfait plus, on en change selon ce qu'on vit ou ce qu'on veut vivre. L'histoire du mec qui se réveille à 40 ans en se rendant compte qu'il a raté sa vie reste un mythe de l'imaginaire collectif, une légende moderne à laquelle on veut croire pour se rassurer sur son sort. Car en vérité, même s'il arrive à tout le monde, à certains moments plus qu'à d'autres, d'éprouver des regrets sur la façon dont on a mené sa vie, on se trouve toujours toutes sortes de bonnes raisons et de "ouais mais moi au moins...".
On se persuade qu'on est fou amoureux, et que cet amour peut être parfaitement réciproque et symétrique, qu'il existe une personne qui est faite pour soi et qu'on a eu ou qu'on aura un jour la chance de la trouver.

Finalement, même si la vie était un film, si la Terre n'était qu'un gros terrain de tournage cosmique, les chances pour qu'on soit la vedette seraient tout de même relativement minces, et, même si c'était le cas, il est fort probable que ce film serait un navet. Mais toi, tu te verrais bien dans quel rôle si tu n'étais pas le héros ? Son meilleur ami ? Sa compagne ? Le figurant à la terrasse d'un café dont on aperçoit vaguement un bout du bras pendant quelques secondes du film ?
Est-ce que tu peux envisager que l'utilité de ton existence toute entière ne se résume qu'à un rôle aussi réducteur ? Cette pensée est assez déprimante, et pourtant globalement c'est à ça que se résume notre vie; il n'y a que pour chacun d'entre nous, voire éventuellement pour une poignée de nos proches, que tous ces détails qui la composent ont une réelle importance.

Mais après tout, ne peut-on pas considérer que c'est justement notre incapacité à assumer la vanité de notre existence qui la rend si belle et si intéressante ? Ou ne nous rend-elle pas au contraire encore plus insipides et pathétiques ? En ce qui me concerne, je crois que mon avis sur cette question complexe va continuer encore quelques temps d'osciller en fonction de mon humeur du jour.

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