mardi 16 juin 2009

Permission et incitation

Pour citer un brillant artiste français que j'ai découvert récemment, et avec lequel j'aime à me constater certaines convergences, "La confusion des termes est l'arme préférée de l'imposture". Or aujourd'hui, dans la longue liste des notions entre lesquelles mes contemporains font trop souvent l'amalgame, après "Capitalisme et consumérisme", j'aimerais introduire "Permission et incitation". En effet, c'est sous couvert de cette seule confusion, dont j'ose candidement croire que l'entretien n'est pas délibéré, que nos gouvernements, conservateurs comme socialistes, continuent de mener la plupart de leurs politiques de répression aussi inefficaces que nocives envers certains des droits les plus fondamentaux de l'être humain.

Je parle ici de toutes ces lois qui ont pour prétention de nous protéger de nous-mêmes, nous infantilisant et nous déresponsabilisant, entretenant le mythe que c'est à l'état, et non à l'individu, qu'il incombe de répondre des actes prêtant à conséquence sur sa seule personne.
Je parle ici du droit à mourir, refusé encore aujourd'hui même à ceux que les aléas de la vie ont dépouillé de tout ce qui peut faire son charme, emmurés dans la souffrance, avec pour seul horizon l'attente résignée d'un trépas salutaire.
Je parle ici du droit à disposer de sa personne, dont le mépris nous impose de diriger nos consommations vers les seules substances considérées comme non-nocives par des bureaucrates ignares en la matière, conseillés par des médecins alarmistes et parfois guère mieux informés.
Je parle ici du droit à la liberté d'expression qui, sous couvert d'une exigence de respect mutuel injustifiée, ou du ménagement de la sensibilité d'une quelconque minorité socio-éthnique, est désormais réduite à un carcan politiquement correct par de zélés censeurs bien-pensants.
Je parle ici du droit à disposer de son corps qui, dans certains pays pourtant auto-proclamés "civilisés", condamne encore à la maternité des fillettes immatures (ou peut-être pire, à la misère affective d'un orphelinat dispensable des enfants innocents) au nom de croyances dépassées.

Aussi primaire que cela puisse paraître, la plupart de ces abus de la coercition étatique semblent être justifiés par cette unique prémisse aberrante que, même sans permission explicite, la seule absence d'interdiction de ces actes moralement discutables serait inévitablement perçue comme un encouragement à tous les abus. Et le fait est qu'une bonne partie de la population raisonne ainsi.
Je ne sais comment cet amalgame entre ce qui est permis et ce qui est souhaitable a pu corrompre à ce point l'esprit de mes contemporains, mais nombreux sont ceux qui n'auraient aujourd'hui rien contre l'idée d'interdire tout ce qui revêt à leurs yeux une quelconque connotation négative. Ceux-là même qui prêchent la tolérance et la liberté, déformant ces belles valeurs dans le giron gluant de leur indigence culturelle, refusent de tolérer une quelconque liberté qui sorte du carcan moral qu'ils en sont venus à considérer comme universel.
Alors on enterre la liberté de tous au nom des principes de certains, zélateurs de la bien-pensance obligatoire.

Et bien moi, je clame - et je ne suis pas le seul - que le crime sans victime ne nuit pas à la société, et que par conséquent celle-ci n'a ni fondement, ni intérêt à le combattre. Et j'affirme qu'une victime qui accepte le crime de son propre chef, sans y être poussée par la volonté d'un tiers, n'est pas une victime, et que ce crime n'en est par conséquent pas un.

Et non seulement cette fièvre de l'interdiction n'est pas légitime, mais il semble établi qu'elle ne produit guère de résultats. Dans un régime basé sur la raison et la liberté, les individus ne se soumettent guère aux distorsions de la première quand elles ne visent qu'à nuire à la seconde. C'est même régulièrement l'interdiction elle-même qui est interprétée comme une incitation. Force est de constater que, pour présenter des résultats témoignant timidement d'une vague efficacité de leurs politiques répressives, nos dirigeants se retrouvent presque immanquablement contraints de jongler périlleusement avec des données bien apocryphes. Sans doute le seul réel effet produit par l'interdiction est-il finalement d'éloigner l'information fiable des domaines où elle serait le plus salutaire. Si l'on prend l'exemple de la consommation de drogues, force est de constater que les conseils de prudence perdent de leur portée quand ils émanent de l'autorité même que leurs destinataires cherchent à transgresser. L'interdiction légale ne suffit à empêcher aucune action, elle ne fait qu'en augmenter le coût.

Tous ceux qui dénoncent la permissivité en arguant qu'elle laisse la porte ouverte à toutes les dérives, comme si la répression était apte à la fermer, comme s'ils avaient un droit quelconque à imposer leurs discutables convictions morales à autrui, se leurrent donc doublement.

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